UFC 285: Gane-Jones, le plus grand combat de l’histoire du sport français?

Pour atteindre le Graal, il devra grimper un Everest. Treize mois après l'échec face à Francis Ngannou, Ciryl Gane retrouve une chance pour le titre des poids lourds de l'UFC le 4 mars à Las Vegas. Et cette fois, ce sera face à une légende de la discipline, Jon Jones, ancien roi des mi-lourds de retour dans l'octogone plus de trois ans après son dernier combat. Un combattant considéré par certains comme le GOAT (le meilleur de tous les temps) du MMA même si ses frasques en dehors de la cage et ses passages par la case dopage l’écartent de la discussion pour beaucoup.
>> Vivez le choc Gane-Jones à l'UFC 285 avec les offres RMC Sport
Plus jeune champion de l’histoire de l’UFC (23 ans), battu une seule fois en carrière, une défaite qui n’en était pas vraiment une avec une disqualification pour coups de coude illégaux dans un combat qu’il dominait de la tête et des épaules face à Matt Hamill en décembre 2009, le garçon surnommé "Bones" affiche un C.V. dingue: 2098 jours cumulés ceinture autour de la taille chez les mi-lourds, catégorie où il a combattu quinze fois pour le titre pour quatorze victoires (deux records) et signé onze défenses de couronne sur deux règnes. Pour devenir le premier représentant français champion incontesté à l’UFC (il a déjà été champion intérimaire), Gane s’attaque à un monstre.
De quoi s'interroger: ce choc XXL est-il le plus grand combat de l’histoire du sport français? Soyons clair sur la question. On ne parle pas accomplissement final. On parle attente et aura autour du rendez-vous. Et sur le papier, ce Gane-Jones de l’UFC 285 a sa place dans les sommets. Pour trouver un possible équivalent, il faut se plonger dans le passé. Parfois très loin. La première référence remonte à juillet 1921. A Jersey City, devant près de 100.000 personnes, le champion du monde des mi-lourds Georges Carpentier, héros de guerre français, vient défier l’Américain Jack Dempsey pour son titre des lourds. Surnommé "le combat du siècle", ce choc remporté par Dempsey sur KO au quatrième round est un énorme événement deux des côtés de l’Atlantique.
Il s’agit du premier championnat du monde de boxe diffusé en radio aux Etats-Unis. Et du premier combat de la discipline qui générera une recette de billetterie de plus d’un million de dollars. Mais la portée mondiale reste loin de celle d’un Gane-Jones, époque différente oblige. Plus de vingt-cinq ans plus tard, en septembre 1948, c’est Marcel Cerdan qui part conquérir l’Amérique en défiant le champion des moyens Tony Zale, qui vient de battre le mythique Rocky Graziano, une nouvelle fois à Jersey City. Un choc remporté par le Français sur abandon avant le douzième round et qui sera élu "combat de l’année" par le célèbre magazine The Ring pour la dernière de Zale sur un ring professionnel.
Moins d’un an plus tard, en juin 1949, Cerdan retourne aux Etats-Unis pour affronter une autre légende du noble art, Jack LaMotta, pour le titre mondial des moyens. Qu’il abandonnera au "Bronx Bull" sur abandon dans ce qui sera le dernier combat de ses 114 combats professionnels en carrière. Des énormes événements pour le sport français mais toujours sans le retentissement mondial offert aujourd’hui par l’ère des réseaux sociaux et du web. Quand on évoque les plus grands combats de l’histoire pour le sport français, impossible de ne pas citer également Jean-Claude Bouttier pour ses deux chocs perdus face à l’Argentin Carlos Monzon pour le titre mondial unifié WBC-WBA des moyens, le premier en juin 1972 à Colombes, le second en septembre 1973 à Roland-Garros.
Deux événements énormes à l’époque dans le pays, à l’image de l’implication d’un certain Alain Delon dans l’organisation, qui ont opposé Bouttier à celui que beaucoup considèrent comme le meilleur poids moyen de l’histoire. Plus proche de nous, et toujours en boxe, on doit citer les championnats du monde des frères Christophe et Fabrice Tiozzo, rendez-vous très attendus en France. Mais aussi les grands combats de Jean-Marc Mormeck pour une ou plusieurs ceintures planétaires contre Virgil Hill, Wayne Braithwaite ou O’Neil Bell, ce dernier affronté dans l’écrin du Madison Square Garden de New York pour quatre titres des lourds-légers (WBA-WBC-IBF-The Ring).
Mormeck ira aussi défier Wladimir Klitschko, champion unifié WBA-IBF-WBO-The Ring des lourds, "chez lui" en Allemagne. Tous ces exemples dans le ring ont leur mot à dire dans le débat. Si on évoque l’intérêt auprès du grand public français, au sens large, ils ont même de meilleurs arguments que Gane-Jones même si la notoriété de "Bon Gamin" a désormais dépassé le simple cercle du MMA, ce qui renforce la portée de son choc contre Jones. Mais l’information était beaucoup moins globalisée que maintenant et l’attrait se limitait beaucoup à nos frontières. Et aucun n’était face à un combattant considéré par beaucoup comme le GOAT de sa discipline.
Les amateurs de boxe pieds-poings auront aussi des souvenirs à partager avec Jérôme Le Banner et sa défaite (perdue, bras fracturé au troisième round) face à la superstar néerlandaise Ernesto Hoost en finale du K-1 World Grand Prix 2002, célèbre tournoi de la grosse organisation de kick-boxing. Sans oublier d’autres grands noms croisés par le combattant français, comme Peter Aerts ou Mark Hunt. Dans une moindre mesure, des puristes évoqueront la victoire de Cédric Doumbé sur le Néerlandais Nieky Holzken pour la ceinture des welters du GLORY en décembre 2016 (il remportera également la revanche en juin 2017). Mais ces disciplines restent trop confidentielles auprès du grand public pour concurrencer. Le judo pourrait aussi citer quelques références mais son système, avec des compétitions internationales sur une seule journée, empêche de faire monter la hype autour d'une grande finale.
Les sports de combat français ne manquent pas de grands combats dans leur histoire. Mais affronter Jon Jones en MMA, c’est monter dans le ring avec Muhammad Ali. Pas forcément celui de la grande époque, d’ailleurs, mais sans doute la version de fin de carrière (Jones a 35 ans). Mais cela reste une légende. Ce qui se fait de mieux – le débat reste subjectif, on accepte d’autres noms – dans l’histoire de son sport. Avec une aura mondiale sans commune mesure avec un Dempsey-Carpentier vu les évolutions depuis un siècle, renforcée par l’envie de revoir Jones dans la cage. Ciryl Gane contre Jon Jones pour la ceinture des lourds de l’UFC à Las Vegas. Si ce n’est pas le plus grand combat de l’histoire du sport français, car chacun peut avoir son avis, il tape clairement à la porte.