UFC Londres: Morgan Charrière face à l’Angleterre, l’histoire de sa carrière

Il y a soulevé une ceinture, fait couler du sang et versé des larmes. Il s’y est fait un nom, y a nourri ses rêves de grandeur, et vécu d’immenses désillusions. Ce qui ne l’a pas empêché d’avancer, pour mieux revenir. Près de deux ans après son septième et dernier combat dans la perfide Albion, une victoire par TKO contre le Brésilien Diego Silva en juillet 2023, Morgan Charrière signe ce samedi 22 mars son grand retour en Angleterre.
Cette fois, ce ne sera pas dans une salle aux vestiaires décrépits et à l’ambiance intimiste, mais bien sous les projecteurs de l’UFC, devant près de 20.000 spectateurs réunis à l’O2 Arena de Londres et des centaines de milliers d’autres derrière leurs écrans.
Pour son quatrième combat dans l’organisation américaine (le dernier de son premier contrat), le guerrier français (20V, 10D, 1N) va défier chez les -66kg – et en ouverture de la carte principale (20h30 sur RMC Sport 1) – Nathaniel Wood (20V, 6D), un enfant du pays, un pur produit du MMA britannique. "Affronter un Anglais en Angleterre, c’est un peu l’histoire de ma carrière", s’amuse "The Last Pirate", impatient d’en découdre. "L’Angleterre je connais bien, j’ai combattu pas mal de fois là-bas. C’est un petit retour aux sources." Un petit clin d’œil du destin, également.
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Le Cage Warriors, sa "porte d'entrée" vers l'UFC
Car si le gamin des Yvelines (29 ans désormais) s’est d’abord fait un nom dans des événements de pancrace en France avant d’aller faire un tour à l’Est (trois combats en Ukraine), c’est bien outre-Manche qu’il a fait décoller sa carrière en MMA, sous l’égide du Cage Warriors. L’organisation britannique, réputée pour être un nid à prospects et une antichambre de l’UFC (Michael Bisping, Dan Hardy, Conor McGregor, Paddy Pimblett, Ian Garry ou Tom Aspinall y sont passés) avait attiré Charrière dans ses filets en 2019, lui proposant dès ses débuts de combattre pour une ceinture intérimaire contre le Danois Soren Bak.
"C’était ma porte d’entrée pour l’UFC", se souvient Charrière, qui n’a jamais caché son rêve de rejoindre la plus puissante organisation de la planète.
À l'époque, le résultat n’est pas celui espéré pour le Français (défaite sur décision majoritaire), mais son style de combattant tout-terrain et spectaculaire marque déjà les esprits. La suite aussi, avec trois victoires d’affilée, dont l’une pour s’emparer du titre incontesté des -66kg en éteignant Perry Goodwin devant un public londonien médusé (12 décembre 2020).
"Tu n’as pas envie de perdre contre les Anglais, il y a vraiment ce truc cocorico"
Autant dire que l’hostilité anglaise, Morgan Charrière connait. Et que l’idée de plomber l’ambiance à l’O2 Arena ce samedi soir contre Wood lui plait beaucoup. "J’aime bien aller dans un autre territoire et combattre l’enfant du pays", reconnait-il. "Ce sont des combats qui mettent de l’ambiance. Ça ne me dérange pas d’être le méchant, de me faire huer par le public, ça fait partie du sport. En tant que fan, je trouve même ça cool de voir un combattant accepter d’être le méchant du moment, ça permet de créer des histoires." Et de noircir, un peu plus, le très épais livre de la rivalité franco-anglaise.
"Je pense qu’on se ressemble, en termes de peuples, d’état d’esprit", tente d’analyser Charrière.
"Ils sont juste de l’autre côté de la Manche. Mais c’est peut-être la Manche, justement, qui nous sépare autant. On doit prendre l’avion, le train, le bateau… C’est le pays d’à côté, mais pas trop à côté en même temps. Et puis c’est surtout l’histoire qu’on a en commun qui fait qu’on a cette rivalité avec eux, les guerres au Moyen-Age… On a envie d’être meilleurs qu’eux, ils ont envie d’être meilleurs que nous dans n’importe quel sport, dans n’importe quelle activité. Tu n’as pas envie de perdre contre eux, il y a vraiment ce truc cocorico." Qui n’empêche pas un certain respect. "Moi je les aime bien, les Anglais. Sauf quand ce sont mes adversaires, mais sinon je les aime bien." Et d’ajouter dans un sourire: "Après, je n’aime pas grand-monde dans la cage en face de moi."
S’il est conscient de ce que l’Angleterre lui a apporté, Morgan Charrière n’a sans doute pas oublié non plus ce qu’elle lui a pris. Sa ceinture du Cage Warriors, en premier lieu. En mars 2021, dès sa première défense de titre, le Français s’incline contre un autre Anglais, Jordan Vucenic, sur une décision partagée, et très, très, très controversée. En octobre suivant, l’organisation l’envoie dans un véritable bourbier, en lui opposant le très prometteur Paul Hugues (depuis devenu une tête d’affiche du PFL). Malgré une fracture précoce du plancher orbital, Charrière livre un combat d’une intensité exceptionnelle contre l’Irlandais. Mais encore une fois, la décision bascule du mauvais côté, et c’est son adversaire qui finit le bras levé.
Un terrible coup d’arrêt pour notre pirate: non seulement les deux défaites de suite plombent son bilan, mais il doit en plus faire une pause de plusieurs mois pour se remettre de sa blessure. Et alors que l’UFC débarque pour la première fois à Paris en septembre 2022, en faisant signer au passage une petite vague d’athlètes français, le train lui passe sous le nez.
"Je n’étais qu’à quelques centimètres", soupire-t-il encore.
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"L'un des plus gros combats de ma carrière par rapport à l’enjeu qu’il y a derrière"
De cette sombre période, Morgan Charrière peut toutefois tirer deux leçons. La première: éviter si possible d’aller à la décision, encore plus contre un combattant à domicile. "C’est toujours rageant, surtout que ça tourne souvent en faveur de l’autre", observe-t-il, lui qui compte neuf défaites de la sorte sur dix revers en carrière. La deuxième: ne jamais baisser les bras, même au creux de la vague.
Car depuis Paul Hugues, cette douloureuse année 2021 et cette frustrante année 2022, le vent a tourné: Charrière a enchaîné trois victoires au Cage Warriors, rattrapé de justesse le train UFC pour lequel il pensait ne plus avoir de billet, et réussi des débuts canons dans la cour des grands.
Sur son CV américain, deux victoires par KO contre Manolo Zecchini (UFC Paris en septembre 2023) et Gabriel Miranda (UFC Paris en septembre 2024), et une défaite certes contre Chepe Mariscal à Las Vegas, mais sur décision partagée (décidément) et dans ce qui a été désigné combat du mois d’avril 2024 à l’UFC.
"Mon parcours à l’UFC, pour l’instant je le trouve clean", estime Morgan Charrière. "Trois combats, trois perfs (trois bonus de 50.000 dollars, NDLR). Même celui que je perds, c’est sur décision partagée encore. (…) Je fais même Fight of the month avec celui-là. Je fais trois combats en main card aussi, ce n’est pas rien. Deux gros finishs à Paris, un Fight of the night de malade mental aux États-Unis, franchement il y a pire en début de carrière à l’UFC... Je suis assez fier de mon début, un peu déçu de ma défaite parce que j’aurais préféré prendre un vert pour faire un début parfait, mais on va dire que je suis en train de cimenter un bon truc à l’UFC. J’ai trouvé mes marques rapidement, j’ai le style qui plait… J’ai l’impression de nager là où j’aurais toujours dû nager."
Reste désormais à ne pas boire la tasse face à Nathaniel Wood (31 ans), un autre ancien champion du Cage Warriors. "C’est la génération d’avant moi, mais j’ai suivi la carrière de la plupart de ceux qui sont partis du Cage Warriors pour à l’aller à l’UFC, pour voir comment ils tiraient leur épingle du jeu. (…) Je me suis déjà entraîné une fois dans son club, mais pas avec lui. Ils nous connaissent, on les connait. Je savais que c’était potentiellement un combat qu’on ferait un jour, parce que c’est un combattant explosif, spectaculaire comme moi, qui donne des gros combats."
Qui donnait, en tout cas. Après une violente défaite par TKO en février 2020, Wood a perdu un peu de son côté showman, et reste sur sept décisions (cinq victoires, deux défaites). "Ce KO a été un tournant dans ma vie", admet l’Anglais. "Une voix intérieure me pousse à être plus prudent, je prends moins de risques. Désormais je joue un peu plus la sécurité." Ce ne sera probablement pas le cas du Français. "Si le combat se déroule comme il faut, il y aura un quatrième bonus", veut croire Morgan Charrière, le top 15 dans son viseur. "C’est un combat qui va m’ouvrir des portes pour aller encore plus haut et surtout très vite. C’est l'un des plus gros combats de ma carrière par rapport à l’enjeu qu’il y a derrière."