Une préparation à 6000 km de Nice: comment Manon Fiorot a pris l'accent québécois pour son retour à l'UFC

C'est le combat de l'après. Celui pour lequel les attentes sont moindres, où les caméras se sont tournées vers d'autres athlètes et d'autres histoires, mais où l'enjeu est pourtant capital: se relancer, ou s'enfoncer. "Il y en a qui ont performé encore plus derrière ça, et il y en a qui se sont noyés. Donc évidemment que c'est un virage important", prévient Aldric Cassata, son head coach et manager.
Battue le 10 mai dernier par Valentina Shevchenko pour la ceinture des -57kg de l'UFC, sa toute première chance pour le titre mondial, Manon Fiorot sera de retour dans la cage ce week-end à Vancouver (dans la nuit de samedi à dimanche à partir de 1h sur RMC Sport 1). Désormais numéro 2 du classement, derrière la championne kirghize et la Brésilienne Natalia Silva, Fiorot va défier en territoire hostile une locale, une Canadienne: Jasmine Jasudavicius, elle-même prétendante numéro 5. Un choc dans les hautes sphères de la division des flyweights, donc, dont on parle pourtant peu.
Parce que le MMA tricolore a déjà les yeux tournés vers Abu Dhabi et le combat de Ciryl Gane contre Tom Aspinall une semaine plus tard, mais aussi parce que Manon Fiorot a choisi pour la première fois de sa carrière de faire la majeure partie de sa préparation à 6000km de la France et de son fief niçois, pour s'entraîner temporairement du côté de Montréal.
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"Le Tristar, c'est une solution qui était très intéressante pour tout le monde"
Montréal, le lieu même de cet UFC 315 qui a mal tourné pour elle. "Ça a été super compliqué après la défaite, j’ai mis au moins deux semaines à m’en remettre. C’est toujours difficile mais voilà, maintenant j’essaye d’aller de l’avant. Et surtout je pense que ce combat m’a appris beaucoup de choses, parce qu’on apprend plus des défaites que des victoires", expliquait "The Beast" début août dans l'émission "Ground & Talk" de Jab Life.
"Il y a plein de choses que je dois changer, dans ma préparation, dans tout. (...) J’avais besoin de changer d’air, de changer la manière dont je m’entrainais, de me mettre un peu dans le mal. Depuis le début de ma carrière, je me suis toujours entraînée à Nice, chez moi, et je pense que c’est bien d’aller voir un peu ailleurs."
Cet ailleurs, c'est donc le Tristar Gym de Firas Zahabi, la salle la plus réputée sur les rives du Saint-Laurent. C'est là-bas que Manon Fiorot s'est préparée plusieurs semaines au cœur de l'été, avant de rentrer à Nice en août, pour de nouveau re-traverser l'Atlantique et finir sa préparation au Québec en septembre. En s'éloignant donc, pendant une partie du camp, de son entraîneur attitré.
"Je n'aime pas dire qu'une défaite est positive. Mais celle-là, je pense qu'elle m'a permis, à moi aussi, de revenir un peu à la base de ce que j'étais et à Manon de trouver une autre voie où elle prend encore plus de plaisir à s'entraîner", justifie lui aussi auprès de Jab Life Aldric Cassata, qui a évidemment validé - voire incité - ce choix de préparation en Amérique du Nord. "Il fallait davantage recommencer à échanger comme je le faisais moi-même avant avec l'étranger. Au final le Tristar c'est une solution qui était très intéressante pour tout le monde."
Proche de Firas Zahabi, Aldric Cassata a dû déléguer - sur la première partie de la préparation - l'entraînement de son athlète à un autre technicien. Avant de la retrouver à Nice en août, donc, et de la rejoindre au Canada pour la dernière partie du camp à l'automne. Mais même à distance, il a suivi son évolution de près. "On se parlait par WhatsApp, j'avais tous les sparrings de Manon (en vidéo) quand elle était au Canada, et à l'inverse j'ai envoyé les sparrings à Rob (Rob Rivest, l'entraîneur de striking du Tristar, NDLR) et à Firas quand elle était en France. C'est un camp avec une influence Tristar, bien sûr, et je suis très content de ça. Mais on a gardé quand même le noyau dur (autour de Manon) parce qu'il y avait Théo (Théo Murris, partenaire d'entraînement de Fiorot au Boxing Squad de Nice, NDLR) très souvent aussi avec elle."
Par ailleurs, la combattante a continué de travailler sur le plan du conditionnement avec son préparateur habituel, Seb Barreaud. "Ça s'est articulé en famille: on se connaît très bien et on a travaillé tous dans le même sens. (...) En fait, les deux passages au Canada, ils vont de pair avec les trois semaines et demie passées à Nice. On a fait une globalité sur les mouvements à travailler, sur ce qu'on attend de ce combat contre Jasmine, ce que Manon voulait faire, ce que nous on pensait intéressant... J'ai beaucoup écouté Firas là-dessus", reconnait Aldric Cassata. "Et en plus, pour être honnête, il avait aussi déjà travaillé avec Jasmine..."
"Elle a pris beaucoup de plaisir, et ce qu'elle a travaillé, elle l'a fait avec envie"
On l'a compris, l'idée n'était donc pas de sortir Manon Fiorot de ses habitudes niçoises juste pour casser la routine, ni de chambouler tout son staff, mais bien de la stimuler, pour relancer la machine après avoir connu la plus grosse désillusion sportive de sa carrière. "Je me suis aussi rendu compte de quelque chose dans mon évolution en tant qu'entraîneur: c'est que le mental, ce qu'on appelle le 'mindset', c'est peut-être 60-70% du travail. Et la préparation mentale, ce n'est pas la préparation pour l'instant T du combat. Ça, à la limite, on s'en fout parce que si tout s'est bien passé dès le départ, que ton mental a été là et que tu es surtout là pour les bonnes raisons, je pense que le jour du fight ça reste une formalité, un plaisir. Mais l'aspect mental, c'est surtout comment tu vas t'entraîner au quotidien." Et sur ce point, l'expérience québécoise a été selon lui un franc succès.
"Elle a pris tellement de plaisir à s'entraîner et à travailler avec cet environnement, que le taf il est déjà fait, la réussite elle est totale", se réjouit Cassata.
Il faut dire qu'à Montréal, dans une salle habituée à voir défiler les champions et les championnes, Manon Fiorot a trouvé ce qu'elle cherchait: du calme, moins de pression sociale qu'en France (surtout après une défaite) et surtout beaucoup de partenaires d'entraînement. Alors que la quête de sparrings dans l'Hexagone est fastidieuse, et que la Niçoise doit souvent s'entraîner avec des athlètes masculins plus lourds, elle avait cette fois d'autres combattantes à disposition au quotidien ou presque, à l'image de Corinne Laframboise, l'une de ses anciennes adversaires à l'UAE Warriors. "Au Tristar, il y a beaucoup de flyweights (-57kg), de feather (-66kg), de bantam (-61kg), ils sont plus riches que nous sur cette catégorie de poids, beaucoup plus riches", souligne Aldric Cassata. "Là-dessus, c'est l'un des meilleurs clubs au monde. Donc oui, pour Manon, il y avait des filles et des garçons tous au même poids."
Face à elle ce week-end à Vancouver, Fiorot trouvera d'ailleurs une combattante de sa taille, au gabarit similaire, plutôt athlétique. Une Jasmine Jasudavicius bien plus à l'aise dans les phases au sol qu'en striking, mais qui ne rechigne jamais à aller à la bagarre quand elle se présente. Un match-up qui pourrait permettre à la Niçoise de se relancer avec la manière, pourquoi pas avec un finish, avant de se projeter sur la suite. "Manon, elle a fait un camp dans une forme atomique, elle a pris beaucoup de plaisir, et ce qu'elle a travaillé, elle l'a fait avec envie", résume Aldric Cassata. "Maintenant, l'envie que le travail soit récompensé fait que je ne serai soulagé qu'une fois qu'elle aura fini ce combat. Mais je suis très serein."