“Ça fait plaisir de voir des Français au niveau mondial et aussi bien placé” : le tennis de table depuis l’arrivée des frères Lebrun

La scène a fait le tour des réseaux sociaux. Finale des championnats de France 2024. Alexis Lebrun bat son frère Félix et saute sur la table, face à son frère, les larmes aux yeux. La vidéo a tourné sur tous les téléphones de toute la planète ping et de la France, et toutes les fratries s'identifient à ces deux frères capablent de se soutenir à la vie à la mort quand ils jouent en double tout comme sauter sur la table quand ils sont l'un contre l'autre.
La belle histoire continue aux Jeux olympiques où Félix et Alexis Lebrun, 17 et 20 ans sont ensuite sélectionnés pour représenter la France, avec l'apothéose de la médaille de bronze en individuel pour Felix Lebrun. Le point d'orgue d'un engouement qui a commencé quelques mois avant, remarque Christophe Legoût, oncle des deux prodiges et directeur sportif de la Fédération Française de Tennis de Table: "Du fait de leurs performances avant les JO et parce que les Jeux étaient à Paris, il y a commencé à avoir plus qu’un frémissement. On sentait vraiment qu’il y avait pas mal de gens qui revenaient au ping. Et puis là avec les championnats du monde ça a été l’explosion parce que médiatiquement ça été dingue aussi!" A Busan, les Bleus décrochent la médaille d'argent par équipe et les Bleues la médaille de bronze.
Plus de 25% de nouveaux licenciés
“L’année dernière on a fini à 228 014 licenciés. Là, dès le début de saison on était déjà au-delà de ce chiffre, et je pense qu'on va finir l’année à 250 000 licenciés, voire plus”, s’exclame Christophe Legoût. Une grande secousse pour ce sport qui voyait depuis quatre ou cinq ans le nombre de clubs diminuer fortement. De plus en plus d’ententes de clubs étaient créées, des clubs se jumelaient pour des raisons de logistique... Avec les victoires des frères Lebrun ont inversé ce phénomène.
Plus de licenciés, mais aussi plus d'assiduité. Au sein des clubs, “en cours d’année, on a souvent des membres qui viennent de moins en moins ou qui arrêtent et là on n’est plus du tout confronté à ça”, explique Cyril Camion, directeur sportif du club ACBB Tennis de Table à Boulogne-Billancourt. Les salles ne se désemplissent pas. “On a fini l’année dernière avec 460 adhérents et là cette année on a 601 ans adhérents, c’est énorme”, affirme Cyril Camion. Le club a une recrudescence d’inscrits aussi en section loisir, sans entrainements dirigés, mais aussi chez les adultes. “Il a beaucoup de gens qui m’ont appelé en me disant j’ai arrêté 10 ans, j’ai arrêté 15 ans mais en voyant lesmatchs d’Alexis et Félix ça m’a donné envie de reprendre”, raconte Christophe Legoût impressionné.
Les frères Lebrun, des exemples chez tous les jeunes pongistes
Ils ont séduit les Anciens, mais aussi les plus jeunes, qui peuvent plus facilement s'identifier à ces jeunes prodiges pas complètement sortis de l'adolescence. “Ça fait plaisir de voir des Français au niveau mondial et aussi bien placé”, s’exclame Célian, 14 ans, licencié du club ACBB de Tennis de Table. Il a commencé à l’âge de 6 ans et maintenant il regarde toutes les compétitions de Félix et Alexis, sur la chaîne Twitch et Youtube RMC Sport. "Ca fait plaisir de voir des Français dans ce sport, car normalement ce sont les Chinois ou les Japonais, ça donne envie a beaucoup de personnes de s’inscrire”, pense-t-il. Célian apprécie particulièrement le jeu d’Alexis, “il est bon en défense, il renvoie très fort et il a une bonne tactique de jeu.” “Parfois il s’énerve mais ce n’est pas grave”, ajoute-t-il en souriant.

Cyril Camion, qui est au club de Boulogne-Billancourt depuis 2001, a pu mesurer l’influence des frères Lebrun sur l'image de ce sport. “On est passé d’un sport de garage à un sport un peu plus honorable. C’est vrai que les frères Lebrun sont deux garçons attachants, auxquels tout le monde peut s’identifier, donc ça provoque un intérêt pour l’activité”, remarque le directeur sportif.
Dès le plus jeune âge, les pongistes prennent exemple sur Félix Lebrun notamment avec sa prise de raquette particulière, la prise porte-plume. “On a un petit garçon de 6 ans qui tenait sa raquette en prise orthodoxe quand il est arrivé, comme presque tout le monde. Puis quand il a vu Félix jouer, il est revenu et de lui-même il a voulu changer sa prise de raquette et aujourd’hui il joue comme Félix Lebrun. Et de temps en temps quand il marque un point, il dit : comme Félix, comme Félix !”, sourit Cyril Camion.
“Ce qui se vend bien, c’est tout ce qui est à l’effigie des frères Lebrun”
Une explosion qui profite aussi à l'écosystème autour du ping-pong. “On a une augmentation de 30% du chiffre d’affaires”, se félicite Yohann Béribos, gérant de la boutique Tabletennis11 (Paris). “Ce qui se vend bien, c’est tout ce qui est à l’effigie des frères Lebrun, tous les maillots qu’ils portent de la marque Tibhar”. Une explosion parfois difficile à gérer tant elle a été soudaine. Comme la prise de pouvoir des Lebrun: “Nous on a géré le pic de ventes comme on a pu mais ça a été quand même très compliqué de septembre à décembre notamment, explique Fabien Maugueret, gérant de la boutique Ping-Passion (Paris). Donc on attend de voir mais l’objectif c’est d’embaucher quelqu’un pour l’année prochaine parce qu’on ne pourra pas reprendre comme ça si vraiment les gens sont fidélisés. C'est génial, même si ça fait beaucoup de travail.”
Une influence jusque dans les lunettes, imagine Christophe Legoût : "Grâce à leur influence, on va avoir de plus en plus de pongistes avec des lunettes, alors qu'avant ceux qui avaient des problèmes de vue on ne les mettait pas en priorité au ping où ça va vite et où il faut des réflexes de dingues. Mais eux montrent que c’est possible."
“Depuis deux trois ans c’est complètement fou ce qui se passe”
Une explosion dont les frères Lebrun sont aux premières loges. “Ils voient cet engouement au quotidien, que ce soient les gens qui les arrêtent dans la rue, les sponsors qu’ils ont, les déplacements qu’ils font en France ou à l’étranger, c’est incroyable la popularité qu’ils ont”, raconte Christophe Legoût. Quand ils sont présents dans des compétitions ou championnats en France, l’organisation est maintenant différente. “Il faut des salles plus grandes, de la sécurité car tout le monde veut les approcher, il faut aussi que tout soit un plus chronométré. On doit se mettre à leur hauteur. Il y a un vrai business model presque à inventer qui n’existait pas avant”, explique le directeur sportif de la FFTT.
“Oui, on sent qu'il y a un grand engouement qui s’est créé déjà avant les JO et encore plus depuis les JO, explique Felix et Alexis. C'est génial de pouvoir contribuer un petit peu à l'engouement que le ping a en France en ce moment, de voir qu’il y a de plus en plus de jeunes qui jouent en clubs, de voir que les salles sont de plus en plus remplies aussi, c'est un régal. Nous on profite de jouer devant autant de gens, ce n'est pas toujours le cas au ping donc ça fait plaisir”, se réjouit Félix Lebrun. “Depuis deux ou trois ans c’est complètement fou ce qui se passe et ça continue d’être de plus en plus fou. On a l’impression de vivre un rêve et on espère que ça va continuer pendant longtemps”, s’exclame le plus âgé, Alexis Lebrun.
Un an plus tard, c'est l'heure de la revanche pour Felix Lebrun. “Ce sont les Championnats de France qui auront couté le plus cher de l’histoire”, sourit Christophe Legoût. Felix Lebrun sautera-t-il à son tour sur la table face à son frère? Réponse du vendredi 21 au dimanche 23 mars 2025 au palais des sports Marcel-Cerdan de Levallois-Perret.