
Hôtel de passe, ville fantôme, kalachnikov… l’incroyable anecdote de Tsonga
La vie d’un joueur de tennis professionnel n’est pas un long fleuve tranquille. Pour gagner ses premiers points sur le circuit et gravir les échelons sur le circuit, il faut s’armer de courage et s’aligner sur des tournois disputés à l’autre bout du monde, dans un environnement hostile, parfois sans coach ni le moindre sou en poche. Seul face à soi-même. Jo-Wilfried Tsonga est revenu pour Tennis Legend sur l’une de ces galères.
Le Manceau est à peine majeur lorsqu’il se rend à Togliatti, une cité industrielle de l’oblast de Samara (Russie), à deux heures de voiture de la ville qui porte le même nom et qui a accueilli des matchs de football lors de la dernière Coupe du monde. Le joueur français est absolument seul. Son coach n’a pas pu l’accompagner, pas plus que ses parents, indisponibles. "Il fallait que j’aille prendre des points pour progresser", s’est-il souvenu.
Jeune et inexpérimenté, Jo-Wilfried Tsonga s’occupe de la logistique du voyage. Car il n’a pas assez d’argent à sa disposition pour déléguer. Le Manceau atterrit finalement "au fin fond de la Russie, dans une ville fantôme, avec que des alcooliques et des prostituées". C’est le souvenir qu’il en garde. Et il n’est pas au bout de ses peines, car l’hôtel qu’il a réservé est un établissement d’un genre très particulier, qui plus est "complètement délabré".
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Tentative de corruption avortée
"En fait, c’était un hôtel de passe, s’amuse-t-il aujourd’hui. J’avais une porte avec un espace d’environ 20 cm en bas de porte, donc j’entendais tout ce qu’il se passait dans l’hôtel et dans les couloirs. J’avais une fenêtre qui était cassée de long en large, des vieilles chaussettes sales dans les armoires. Et une horloge au-dessus de ma tête, qui faisait 'tic-tac, tic-tac, tic-tac…' Je devenais complètement fou."
Côté tennis, la semaine est tout aussi agitée. Le Français finit par gagner le tournoi en arrachant le troisième set au tie-break, contre un joueur slovaque. Il exulte, fier de ce qu’il a accompli à la seule force de ses bras. "C'est incroyable je suis parti tout seul, comme un guerrier au fin fond de nulle part, j’ai gagné le tournoi", se félicite-t-il encore à l’évocation de ce souvenir. Mais la galère, pour lui, ne fait que commencer.
Tsonga a oublié d’anticiper son vol retour. La finale a lieu le dimanche, mais il ne pourra pas quitter le territoire russe avant lundi. Le Français prend son mal en patience. Malheureusement pour lui, Tsonga a oublié de vérifier la date d’expiration de son visa. Lorsqu’il arrive à l’aéroport le lendemain matin, celui-ci n’est plus valable depuis huit heures. La vendeuse de billets d’avion le lui fait remarquer dans sa langue, en russe.
L'inconnue de l'aéroport
Désespéré devant les refus répétés de son interlocutrice, Tsonga adopte un mauvais réflexe: "Je fais une connerie, je lui tends un petit billet de vingt euros en me disant: 'ça va passer' (rires). Elle appuie sur un bouton et là, cinq gardes armés arrivent avec des kalachnikovs. Ils m’entourent, je lâche tout. La coupe explose par terre. Les gars commencent à me crier dessus en pointant leurs fusils dans ma direction." Expulsé de l’aéroport, Jo-Wilfried Tsonga se retourne vers Aeroflot.
La compagnie aérienne lui recommande alors de voyager jusqu’à Moscou pour établir un nouveau visa et enfin rentrer chez lui. Mais l’ambassade ferme avant son arrivée sur place. Désemparé, il voit le destin frapper à sa porte. "Tout à coup, j’ai une dame qui me tape sur la main et qui me dit: 'Mon papa connaît tout le monde à l’aéroport. Tu poses tes sacs à la bagagerie et on va te chercher un visa. Tu prendras le vol avec moi. Je suis étudiante à Paris, j’y vais aussi'." Trop beau pour être vrai.
Extrêmement méfiant après tout ce qu’il a vécu depuis le début de son séjour en Russie, le Français reste sur ses gardes dans un premier temps. Puis il finit par accorder sa confiance à une personne dont il ne connaissait pas l'existence, cinq minutes auparavant. "Finalement, elle était vraiment super, a-t-il souri. Elle m’a accompagné dans les bureaux de l’aéroport. J’ai eu le visa en dix minutes. J’ai pris le vol pour Paris avec elle. J’ai pris son adresse et en arrivant, je lui ai envoyé un gros bouquet de fleurs."