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Le tennis a peur des paris

Jo-Wilfried Tsonga

Jo-Wilfried Tsonga - -

La récente affaire de paris suspects dans le handball français a rappelé les doutes et les suspicions existant autour du tennis. Des craintes partagées par l’ensemble du monde de la petite balle jaune. Même si tous les moyens sont mis en œuvre pour éviter les scandales.

Si vous souhaitez vous rendre ce lundi au Masters 1000 de Paris-Bercy avec votre ordinateur portable, pas de problème. Mais sachez que plusieurs paires d’yeux ne vous lâcheront pas d’une semelle. Idem pour vos téléphones portables. Ce n’est pas que la direction du tournoi parisien soit subitement atteinte de schizophrénie. Juste qu’elle tient à avoir un œil, si ce n’est les deux, sur les éventuels paris autour des rencontres du Masters. Car depuis le scandale des paris suspects dans le handball français, la petite balle jaune a peur que ce genre de mésaventures lui arrive. Le danger est d’ailleurs bien réel.

« Le tennis est un sport exposé, explique Jean-François Vilotte, président de l’ARJEL. Les mises sur Bercy sur le marché français, c’est environ trois millions d’euros. Mais dans le même temps, sur un seul site d’exchange betting britannique, vous avez 250 millions d’euros de mise. Et c’est probablement de l’ordre du demi-milliard d’euros qui sont pariés sur Bercy partout dans le monde. Vous voyez bien le danger, si tout cela n’est pas transparent, que cela fait courir au sport. Donc, attention. » Un « be careful » désormais bien intégré dans le milieu du tennis, aussi bien au niveau des éventuels parieurs que des joueurs, parfois approchés pour lâcher un match en lien avec des paris.

Serra : « Un numéro si jamais on est contacté »

En 2007, 50 % des meilleurs joueurs français révélaient, lors d’une campagne de Coupe Davis, avoir été sollicités. Sans craquer. « Il y a tout lieu de penser qu’ils ne l’avaient pas fait », précise Vilotte. Pour l’avoir fait, eux, l’Autrichien Daniel Koellerer et le Serbe Daniel Savic ont été bannis à vie du circuit. Le deuxième, d’après le procès-verbal de son passage en appel au Tribunal arbitral du sport (TAS), est soupçonné d’avoir proposé une grosse somme d’argent à un adversaire pour qu’il « se couche ». « On n’est à l’abri de rien du tout, je crois, avance Jo-Wilfried Tsonga. Avec ce qu’il se passe en ce moment, on se rend bien compte que les supercheries sont partout, et qu’aujourd’hui, il faut lutter contre ça au maximum et ne pas hésiter à être dure dans les sanctions. On y a été sensibilisé, on a eu des réunions avec différentes personnes. Maintenant, il y en a qui sont entre guillemets peut-être laxistes avec ça, mais moi, je ne le suis pas du tout. »

De toute façon, le monde du tennis ne veut pas laisser la moindre latitude aux éventuels tricheurs. Un organisme existe sur le circuit, la Tennis Unit Integrity. Dirigé par deux anciens de Scotland Yard (Jeffrey Rees et Ben Gunn), l’organe se veut à l’écoute des joueurs. « On a un numéro si jamais on est approché, ou que l’on a un soupçon sur quelqu’un qui vient nous voir et qui commence à parler de ça, on peut les contacter, c’est ce qu’on a comme consigne », raconte Florent Serra. La Tennis Unit Integrity s’occupe du reste. Comme convoquer un joueur suspect et contrôler le relevé de ses comptes et ses factures de téléphone. Ou faire appel à un repenti de la mafia pour surveiller les joueurs. « Quand on veut trouver des remèdes pour empêcher les virus sur son ordinateur, on fait venir des anciens hackers qui sont des professionnels de ce genre de choses, salue Guy Forget. Aujourd’hui ce sont les gendarmes contre les voleurs, on aimerait que les gendarmes l’emportent mais il y en a qui sont forts en face. Les voleurs ont des moyens considérables mise à disposition, et financier et technique. C’est pour cela qu’il faut s’attaquer à ce problème de manière très sérieuse et très rigoureuse. » Que Forget se rassure. A Bercy, un ancien joueur de Coupe Davis sera chargé d’observer les matches pour déceler d’éventuelles anomalies.