Quand le radicalisme s’invite sur les courts de tennis

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Vendredi 11 octobre. Quart de finale du tournoi Challenger de Tachkent, en Ouzbékistan. Censé affronter Amir Weintraub (196e mondial), le Tunisien Malek Jaziri (169e mondial) déclare forfait. Un abandon « banal » lors d’un tournoi mineur sur le circuit mondial qui aurait pu et dû passer inaperçu si l’adversaire du Nord-Africain n’avait pas été israélien. Out pour cause de blessure au genou, Malek Jaziri n’est pas le premier Tunisien à quitter un tournoi de la sorte puisqu’en juillet dernier, sa jeune compatriote Ons Jabeur (18 ans) avait elle aussi renoncé durant la rencontre alors qu’elle menait 6-3, 4-1. Un succès qui se profilait et qui l’aurait conduite à disputer une demi-finale contre Shahar Peer, joueuse israélienne…
Cette scandaleuse situation sportive remonte à 2011 et à la chute du régime de Ben Ali. Incapables de s’entendre sur le futur projet de Constitution tunisienne, le mouvement Ennahdha (parti politique islamiste) et l’opposition ralentissent le processus de démocratisation du pays. En attendant, le parti islamiste, proche de la Palestine, radicalise ses positions ou prises de décision. Pire, celles-ci ne se cantonnent pas à la Tunisie puisque d’autres sportifs musulmans ont été sommés ces derniers mois de ne pas affronter des adversaires israéliens.
Une blessure diplomatique ?
Pour Amir Jaziri, frère et agent de Malek, « cette situation est délicate ». Interrogé au sujet d’échange de mails avec la Fédération Tunisienne de tennis, Amir Jaziri a confirmé avoir reçu du ministère la consigne de ne pas jouer ce match contre Weintraub, et ne pas vouloir communiquer sur l’aspect politique de cette affaire. « Les joueurs sont subventionnés par la Fédération et c’est donc compliqué de ne pas respecter les décisions de celle-ci », tente-t-il de justifier.
En clair, si vous ne respectez pas les règles de votre fédération, vous prenez le risque de voir vos subventions gelées. Contactée hier, la présidente de la Fédération, Salma Mouelhi, n’a pas souhaité s’exprimer sur ce sujet. C’est dans ce contexte politico-sportif et financier, donc, que Malek Jaziri a préféré renoncer à ce quart de finale et faire une croix sur ses objectifs au classement ATP. « Mon frère n’a pas le moral parce qu’il s’est blessé et que ça l’a empêché de jouer, a confié son frère Amir. Il perd en plus des points précieux à l’ATP ».
Jaziri et Weintraub... amis dans la vie !
Pour le président du club de tennis de Sarcelles, Jonathan Chaouat, cet abandon par forfait n’est « qu’une raison officielle pour pouvoir quitter un tournoi sans avoir de pénalités, de la part de l’ATP, en termes de classement ». Et le « vrai » problème pour Jonathan Chaouat, au-delà de l’aspect sportif et politique, est surtout financier. « La pression exercée par la Fédération tunisienne, qui en plus diminue année après année ses subventions, oblige les athlètes tunisiens comme Malek Jaziri à accepter ces « règles » », affirme Chaouat, quelque peu désabusé par cette situation. « C’est vraiment dommage parce qu’en plus, ça prive un joueur de disputer un match contre son ami, poursuit-il. Peu importe qui se serait imposé dans ce match : Malek et Amir sont amis, c’est d’ailleurs Malek qui a fait venir Amir chez nous, à Sarcelles ! Il sera même invité par ce dernier à son mariage dans quelques mois… »
Pris en otage par sa fédération et alors qu’Amir Weintraub a le sentiment d’empêcher, malgré lui, son ami Jaziri de pouvoir pratiquer le sport qu’ils aiment tous les deux, le tennisman a d’ores et déjà annoncé que si sa présence empêchait Malek Jaziri de disputer les Championnats de France de première division, par équipes au mois de novembre prochain, il ne s’y présenterait pas. Dommage, vraiment dommage car quand le sport recule, c’est l’intégrisme radical qui gagne du terrain.
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