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"Avant, les joueurs français représentaient un modèle": le constat lucide de Riccardo Piatti sur le tennis tricolore

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Le Masters 1000 de Rome restera une date noire pour le tennis tricolore. Depuis l’instauration de cette catégorie de tournoi "élite" en 1990, il y avait toujours au moins un Français sur la ligne de départ. Mais pas cette fois… Riccardo Piatti, coach italien réputé de Maria Sharapova et Richard Gasquet, dresse un constat lucide sur l’état de notre tennis.

Découvrir le Piatti Tennis Center, à Bordighera, à 20 kilomètres de Monte-Carlo, c’est un choc pour les yeux et les narines. Vous vous attendez à un immense complexe et vous avez fait le tour du propriétaire en cinq minutes. Au-dessus du club-house, des poules picorent dans une ferme. Riccardo Piatti, l’ancien coach de Novak Djokovic, Richard Gasquet, Milos Raonic, Maria Sharapova et Jannik Sinner, est le chef de famille de cette structure réputée. On accourt du monde entier pour écouter le "druide".

"Non, ce n’est pas petit, s’insurge-t-il gentiment. J’ai quatre courts mais seize coaches, sept préparateurs physiques, un ostéopathe, un spécialiste de la vidéo." Depuis que Jannik Sinner a rompu les amarres fin janvier, le technicien italien ne se montre plus sur le circuit mais sa passion est intacte. Le bâtiment principal regorge de techniques révolutionnaires. "J’ai racheté la machine à laser du célèbre Docteur Parra, qui est décédé, ça m’a coûté très cher. Mais pour le suivi médical, c’est essentiel. J’ai aménagé une salle pour la préparation mentale." On découvre quatre sièges confortables et un immense écran géant. "Ça s’appelle Mental Economy, c’est pour tester la concentration et mesurer le rythme cardiaque, décrit-il. Riccardo Ceccarelli a inventé le concept. Il travaille dans le monde de la Formule 1. C’est avec cet outil qu’il repérait les futurs cracks des baquets. Pas question de se tromper sur le pilote."

Riccardo Piatti n’a pas de piscine mais une méthode de travail propre à lui. Le centre fonctionne de 8h à 20 heures et tout est maximisé grâce à une organisation quasi militaire. Reconnu comme l’un des tout meilleurs techniciens – on vient le consulter, parfois en cachette -, il vous emmène dans son petit bureau. Simone Bertino, son analyste vidéo, vous sort des vidéos où se mêlent les positionnements des joueurs, les angles de rotation des épaules. Il possède des "dossiers" sur toutes les stars. Il n’y a rien de mieux pour rectifier des défauts.

"En France, les décisions sont très politiques, parfois"

Et quand on le branche sur l’état du tennis français, il est presque triste. Il a travaillé avec Richard Gasquet et connaît bien des secrets de fabrication.

"Quand j’étais avec Richard, les joueurs français représentaient un modèle pour les Italiens. Maintenant, c’est l’inverse, dit-il. La Fédération italienne a fait du bon boulot en organisant beaucoup de tournois Futures et de Challengers. La France doit comprendre comment on fait bien grandir un joueur. Il y a toujours de grands joueurs en France. C’est le moment de bien assembler le puzzle. La clé, c’est l’organisation. Ils ont besoin de stratégie. Regardez: ma structure est privée. Si vous n’adhérez pas à ma philosophie, vous sortez. Organiser une Fédération n’est pas chose aisée. Il y a beaucoup de gens. Parfois, les décisions sont très politiques."

Mais il a bon espoir que le tennis tricolore se redresse. "En Australie, j’ai constaté que Paul-Henri Mathieu, Julien Benneteau et Sébastien Grosjean commençaient à construire une base. Comme l’avaient fait auparavant Georges Deniau ou Patrice Hagelauer. Il y a de l’argent, de bons clubs. J’ai vu que les juniors avaient fait très fort l’an passé (NDLR : quatre Bleuets en demi-finales). C’est juste un moment." Oui, juste un mauvais moment à passer. Pas trop longtemps quand même…

Eric Salliot