Noah : "Même au top, Federer est prenable pour les Français"

Yannick Noah - AFP
L’énigme Federer
« C’est un joueur atypique et ce n’est pas parce qu’il ne s’entraîne pas quatre heures par jour (qu’il ne jouera pas, ndlr). Il a joué beaucoup de matches ces derniers temps. Il ne va pas forcément être prêt pour la terre battue mais il est bien dans son jeu. Jouer la finale de la Coupe Davis, c’est le rendez-vous de ces dix dernières années pour lui. Parce que s’il gagne le Masters (pour lequel il a déclaré forfait en finale, dimanche) et qu’il arrive à Genève le soir, il n’y a personne pour l’accueillir. S’il gagne la Coupe Davis, tout le pays sera là ! C’est très, très, très, très important pour lui. Au pire, il perdra mais son éventuel remplaçant n’a aucune chance à mon avis. Il peut prendre un petit risque physique. Aujourd’hui, il tape quelques balles pour réchauffer tout çà et demain (jeudi), il va disputer quelques points. Il va jouer vendredi, ou samedi et dimanche, en tout cas quand ça va compter. Je ne peux pas imaginer qu’il en soit autrement. »
Quelles chances pour les Bleus ?
« Même au top, Roger Federer est jouable sur terre battue. Quand il s’entraîne cinq semaines avant Roland-Garros et qu’il affronte Jo (Tsonga) ou Gaël (Monfils), il est prenable. Donc sans entraînement, il est vraiment prenable. Après, Wawrinka est très solide, mais mentalement, il peut avoir des hauts et des bas. Je ne connais pas exactement le contenu du travail que les Français ont effectué pendant les dix derniers jours mais cette finale est vraiment jouable de chez jouable ! Il n’y a aucun problème là-dessus. »
L’indispensable soutien du public
« On a besoin de tout le monde : les joueurs, les remplaçants et les supporters. A un moment, il faut être un peu con. On va les encourager. Ils sont tous bons, tous jolis, on les aime et on parlera du reste après. C’est important pour ces gars de sentir l’amour derrière. Il y aura 25 000 spectateurs. Ça va être un magnifique week-end de tennis et on doit gagner. La France a besoin de ça. »
L’importance de la préparation
« A ce stade, ce n’est plus une question de technique. Place à la folie maintenant ! Tu as bossé et, dès le premier échange, c’est fini, les dés sont jetés. Le match se prépare maintenant. C’est comment tu roupilles, comment tu t’es préparé pendant dix jours. Tu rentres sur le court et tu es prêt ou pas prêt. Si tu n’es pas à 100%, tu n’as aucune chance. Techniquement, ce sont juste des petits réglages. Les gars jouent tous les jours au tennis depuis 15 ans, ce n’est pas aujourd’hui qu’ils vont oublier. Ils sont dans leur zone, c’est un moment important. La sélection doit déjà être faite pour Arnaud (Clément, le capitaine) mais il faut continuer à faire des sets dans l’esprit de la compétition. Federer et Wawrinka ont joué plein de matches, nous non. Jo et Gaël n’ont par exemple plus joué depuis Bercy. Faire des gammes, c’est une chose, mais compter les points, c’est important. On a besoin de jouer dans les conditions du match. Moi, je tenais compte des rencontres du lundi et du mardi. Si j’en voyais un se prendre une branlée… »
Un Français vainqueur en Grand Chelem dans les cinq ans ?
Impossible, c’est trop dur. Tsonga est un super joueur mais quand il arrive en finale (en Australie en 2008, ndlr), il est au bout du rouleau. Après, lequel a le plus de chances ? Ça dépend de la surface. Sur herbe, c’est Gasquet. Sur les surfaces en dur, c’est Tsonga et sur terre battue, c’est Monfils. Mais quand tu es sur terre, tu as Nadal devant. Quand tu es sur dur, il y a Djokovic et sur herbe, ils sont tous là. Et ces mecs sont tout simplement très forts. »
Son fils Joakim avec les Bleus en 2015 ?
« Il fait ce qu’il veut, il gère sa carrière. Il vit sa vie à Chicago. Il connaît ma position. C’est pour ça qu’il a fait des matches avec l’équipe de France, qu’il a disputé un championnat d’Europe (en 2011, 2e place). Il sait très bien que je suis attaché à l’équipe de France et il y est attaché aussi. Les gens s’énervent, s’excitent mais il est très motivé pour revenir la saison prochaine et être là aussi dans deux ans (aux JO 2016). Il sait qu’il y a un bon groupe. Les joueurs s’entendent très bien. Après, il a ses priorités mais j’aime bien "Jooks" (son surnom) parce qu’il dit les choses telles qu’elles sont. Il dit : "Je ne viens pas parce que je ne suis pas prêt." Ça emmerde les gens ? Ben tant pis ! Je trouve ça bien et je suis très fier de lui. Je pense que tout arrive pour une bonne raison. Il faut arrêter de se dire : "Il n’est pas venu l’année dernière" et en parler pendant encore un an. Et s’il se fait encore mal au pied, on va dire qu’il a fait exprès. Moi je pense que tout arrive pour une bonne raison. Vous avez vu le parcours des Bleus cette année (3e place à la Coupe du monde 2014), sans Tony (Parker), ni Joakim ? Ça ne se serait peut-être pas passé aussi bien s’ils avaient été là. Des mecs et un esprit se sont révélés. Ils ont créé quelque chose et c’est positif pour l’avenir. On est toujours en train de faire de potins mais l’important, c’est le terrain et le vestiaire. Et Joakim a envie de jouer. »