RMC Sport

Simon : "Le saladier, tu as envie de l’avoir dans ton salon"

Gilles Simon

Gilles Simon - AFP

EXCLU RMC SPORT. Après la défaite en finale en Serbie en 2010, l’équipe de France a une nouvelle occasion de remporter la Coupe Davis ce week-end à Lille contre la Suisse. Et cette fois, Gilles Simon veut soulever le fameux saladier d’argent.

Gilles Simon, comment voyez-vous la finale de Coupe Davis entre la France et la Suisse ce week-end ?

Je pense que ça va être une belle finale. En tout cas, je l’espère. Ça va être un bon moment de tennis aussi pour tous les fans. Il y a beaucoup de gens en début d’année qui me disaient : « Ah, si on pouvait avoir une finale France-Suisse, ce serait quand même magnifique ». Et on l’a, donc on va se préparer à fond pour la gagner. J’espère que ce sera une belle fête. 

Etes-vous fasciné par le saladier d’argent ?

C’est costaud, on ne peut pas ramener ça à la maison ! (Rires) On joue au tennis pour gagner. C’est très dur. Je vais citer Federer : « C’est un sport de losers ». Tu as l’impression que tu perds tout le temps, la victoire finale est rare. On n’est pas un sport où tu vas gagner des matchs, en perdre, comme en championnat. C’est un format Coupe du monde à chaque fois et il faut gagner. Quand tu vas en finale, c’est bien, ça fait de belles victoires mais tu n’as pas gagné. Le trophée, tu ne le vois pas. Le ramener à la maison, c’est particulier. Tu as envie de l’avoir chez toi, dans ton salon. Pour l’instant, on a la réplique du finaliste. 

La défaite de Belgrade reste-t-elle un traumatisme ?

Traumatisme, non. Mais c’est un regret, une occasion manquée. C’est beaucoup d’investissement et sentir qu’on n’est pas loin… Finalement, elle n’est pas pour nous. Donc la déception est à la hauteur de la joie de l’adversaire. Parfois, il y a des rencontres, comme la demie en Espagne, où on rentre chez nous et on se dit qu’on n’était pas à deux doigts de la soulever… Là, on est à 2-2, on se dit que ça peut le faire. Mais ça ne le fait pas, donc ça fait mal. Mais on a l’habitude d’avoir des « déceptions » et on essaie de faire le maximum pour ne pas revivre ça.

Vous êtes-vous identifié à Arnaud Boetsch, quand il a gagné le cinquième match en 1996 à Malmö ?

A un point près, on ne voulait pas être Arnaud Boetsch ! (Rires) Ça a été un match riche en émotions. Mais quand on est plus jeune, on ne comprend pas encore tout ça. On comprend juste qu’il faut gagner le match. On veut qu’il gagne, on se fiche de savoir si ça joue bien, mal, si c’est lui qui a gagné ou si c’est l’autre qui a mal joué… On veut qu’il gagne. Il est à 0-40, on veut qu’il fasse ses points. C’est une vision différente du tennis. Ce n’est pas forcément celle qu’on a en rentrant sur un court. On a d’autres objectifs. Mais là, tu sens que c’est le combat. Il y a 2-2, on est au bout et il faut gagner quel que soit le moyen. Il y a une ambiance de dingue, c’est le moment où tu sens la fusion la plus parfaite entre le public et son joueur. Ce sont les matchs que tu as envie de jouer.

Roger Federer a-t-il les clés de cette finale ?

Il va tout donner pour gagner, mais il n’a pas les clés comme un Novak (Djokovic) pouvait les avoir. Même si à Belgrade (finale Serbie-France en 2010, ndlr), on a vu qu’il ne les avait pas tant que ça. Il est arrivé, il a dit qu’il gagnerait les deux points et que le troisième, ce serait au double de le faire. ‘‘Rodge’’, il est fort, mais il est n’est pas aussi fort que l’était Novak à ce moment-là. Novak, il nous a battus et derrière, il n’a pas perdu un match pendant six mois. A la sortie du match, je me suis dit : « Le mec, c’est incroyable ! » Tu avais l’impression que tu pouvais bien jouer, faire ton meilleur match, ça allait quand même être dur. Là, contre Federer, si on joue bien, il va avoir du mal. Quand on joue bien, il a du mal. Il ne nous met pas 6-2, 6-4, 6-3 quand on fait un bon match. Si on fait un mauvais match, oui. Parce qu’il va être motivé et qu’il a un niveau qui est tout le temps assez haut. C’est à nous de le hausser. Mais si on le hausse, on aura notre chance. On aura notre chance sur chaque match, même face à lui.

Est-ce que Stanislas Wawrinka peut supporter la pression ?

Il a gagné un Grand Chelem. Je pense qu’il est autant armé que nous pour la supporter. On va jouer tous les points. Je ne vois pas une équipe avec un Federer fort et un Wawrinka faible. Ce serait une énorme erreur. On a vraiment des chances de battre Rodgeur. Si Stan fait un gros match, il peut avoir un niveau de jeu impressionnant et être hyper dangereux. On a déjà eu des rencontres comme ça… Tout le monde avait été désagréablement surpris du niveau de Philippoussis une certaine année. Ce serait dommage de faire la même erreur. Beaucoup de gens adorent voir jouer Stan. On sait que quand il est moins bien, il peut faire beaucoup de fautes, passer à travers et faire de mauvais matchs. Mais on sait qu’un Wawrinka qui joue bien, ça joue très, très bien et c’est très, très dur à battre. Il a la caisse pour jouer cinq sets. Il est dangereux, au même titre que ‘‘Rodgeur’’. C’est une rencontre ouverte. On n’est pas nécessairement favori. On joue les 2e et 4e mondiaux, ce n’est pas évident. Je vois beaucoup de motivation de notre côté. Tout le monde se prépare bien et a envie de bien jouer. Je sais que si on est prêt et à 100%, ça va discuter sur chaque match.

La concurrence entre les joueurs français se fait-elle sentir ?

On peut parler de concurrence, mais… J’ai peur qu’on ne me comprenne pas bien quand je dis ça, mais on ne veut pas nécessairement jouer. On a envie de gagner, on a envie que celui qui est sur le terrain soit celui qui a le plus de chances de gagner. Qu’on gagne la Coupe Davis et que ce soit fait ! Personne n’a envie de la gagner lui, tout seul. Chacun est prêt si un autre est plus en forme, plus apte, à laisser sa place. Pas par peur, par dérobade, comme j’ai pu entendre sur la demie quand Gaël (Monfils) n’a pas voulu jouer. C’était loin d’être le cas, puisqu’il a dit : « S’il y a 2-2, moi, je ferme ». Ce n’est pas facile à dire non plus. C’est juste qu’on en discute beaucoup. On se tient tous au courant, qui fait quoi, qui est en forme, qui se sent bien, qui fait quoi… On essaie d’envoyer celui qui a le plus de chances de gagner sur le terrain. On peut simplement se préparer et arriver tous en forme. Si on est tous à 100 %, qu’on n’a pas de problème physique, on n’aura pas peur d’affronter Roger et Stan. Si on a deux blessés, que l’un y va sans trop le sentir et que l’autre ne peut pas de toute façon, alors ce n’est pas pareil.

Pouvez-vous nous dire un petit mot sur chacun de vos équipiers ? Commençons par Richard Gasquet…

Sa phrase avant de rentrer sur un terrain : « Bon ben, maintenant, il faut il y aller ». C’est comme si tu sentais que jusque-là, il avait un peu de crainte, un peu de peur ou de timidité, avant d’y aller. Et tout d’un coup, il y a ce « bon ben, maintenant, il n’y a plus le choix, il faut y aller ». Il y a une espèce de bascule mentale. Il y va, il joue et il est très bien. Je pense que ça résume assez bien qui il est, finalement.

Jo-Wilfried Tsonga…

Jo, c’est un peu pareil. Mais plus qu’une phrase, c’est une attitude. C’est quand il a cette espèce de bascule, où tout d’un coup, il a confiance et il peut rentrer sur le terrain le point serré. Alors que tu l’as vu juste avant et qu’il n’était pas si confiant que ça… Mais tout d’un coup, il arrive à se convaincre lui-même et à convaincre les autres qu’il est prêt, que ça va être un bison et qu’il va être dur à battre.

Gaël Monfils…

Gaël, je dirais que ce qui le résume le mieux, c’est ça : « Non, vendredi, ne comptez pas sur moi. Par contre, je ferme à 2-2 ». Certains matchs, on peut ne pas les sentir. Et du coup, ne pas avoir envie d’y aller, de forcer. Mais être aussi serein sur un match important à 2-2. Ça va être plus dur. Il y en a qui vont dire : « Berdych, tu n’as pas trop de pression. C’est le premier match, il est n°6 mondial, tu y vas et tu fais ce que tu peux… Alors qu’à 2-2, il faut gagner. » Lui, c’est l’inverse. C’est Gaël. 

Julien Benneteau…

Pas facile… Il est très appliqué, mais il est moins bon quand il est très appliqué. Quand il est avec nous en Coupe Davis et qu’il voit le fonctionnement d’un Gaël, qui est moins impliqué parfois, ça l’aide vachement. Quand il dit « les mecs sont complétement fous », c’est le moment où il réalise que t’as besoin d’être un peu fou, de sortir du truc appliqué, pour bien jouer et faire un énorme match. 

Et Arnaud Clément, le capitaine ?

La clé, c’est différent. On a joué la finale avec lui (2010) et puis tout d’un coup, il est passé capitaine. On a dû mettre automatiquement un peu de distance. Tu ne peux pas dire à ton capitaine : « Allez vient Nono, on va boire une bière ». Ce n’est plus pareil. Mais je pense que ça s’est bien passé. On est tous restés assez proches. On arrive à lui parler très librement, comme on lui a toujours parlé. Il nous connaît bien. Il connaît tous les joueurs, il a joué avec tous les joueurs et je pense que pour faire le mix de tout ça, c’était important de l’avoir.

la rédaction avec Julien Richard et Eric Salliot