Extension de Roland-Garros : pourquoi il y a (encore) problème

Roland-Garros - AFP
On croyait en voir le bout. Puis un rapport est arrivé, sans se presser… Et les travaux pourraient encore être retardés. Après trois années de conflits administratifs, le projet d’extension de l’espace de Roland-Garros via une partie des serres du Jardin d’Auteuil, porté par la Fédération française de tennis, semblait pourtant avoir enfin pris la bonne route. Après des demandes déposées en juillet 2013, les permis de construire étaient attendus dans les prochaines semaines, au plus tard en avril pour respecter un calendrier prévoyant une livraison échelonnée entre 2017 et 2019. Des permis qui nécessitent l’aval des ministères de la Culture et de l’Ecologie. Et c’est là que le bât blesse. Car si la signature du premier ne fait aucun doute, la publication lundi soir d’un rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable – organisme qui émane du ministère de l’Ecologie (qui a donc diffusé ledit rapport sur son site) – jette le doute sur les intentions du second.
Que dit le rapport du CGEDD ?
Le rapport publié lundi soir évoque la faisabilité du projet alternatif d’extension de Roland-Garros, porté par les associations et qui consisterait à couvrir une partie de l’autoroute A13. Les pages « résumé » portent bien leur nom : « Les opposants au projet de la Fédération ont esquissé des alternatives qui, à la demande de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie (Ségolène Royal, ndlr), font l’objet de la présente expertise. (…) La couverture de l’autoroute est jugée par la mission techniquement réalisable. (…) Par ailleurs, aucun obstacle d’ordre juridique ne s’oppose à la réalisation du projet alternatif. (…) Le coût estimatif de la couverture prévue dans le projet des associations sur une longueur d’environ 100 m semble réaliste. »
Des arguments repris dans le même état d’esprit dans les pages « conclusion » avec cette sentence finale : « Il serait nécessaire que les différentes options possibles fassent l’objet d’études à un niveau suffisant pour pouvoir être comparées objectivement et en toute transparence. » Alors que le projet porté par la Fédération semblait faire l’unanimité auprès des pouvoirs publics, Ségolène Royal – qui réside près du stade et serait opposée au projet de la FFT depuis longtemps – pourrait-elle retarder les travaux ? Possible si l’ancienne candidate à la présidence de la République décidait de s’appuyer sur ce rapport du CGEDD (qui n’a aucune valeur juridique en soi et ne peut à lui seul reporter la délivrance des permis de construire) pour attendre avant d’apposer sa nécessaire signature.
Un rapport rempli de nuances qui « n’a aucun sens »
Directeur général de la FFT et du tournoi du Grand Chelem parisien, Gilbert Ysern a vite fait part de son « incompréhension » après la publication du rapport. « C’est une nouvelle attaque mais ce n’est pas la première, reprend-il, remonté. Mais c’est la première fois que le projet est attaqué par une administration. Nous sommes dans la dernière ligne droite et on vient nous dire qu’il faudra peut-être faire encore trois tours de plus, de nouvelles études… Tout ça n’est pas sérieux. Je ne peux pas croire que ça ait un impact sur notre calendrier. On a un peu de mal à comprendre ce rapport et on n’en pense pas beaucoup de bien. Le rapport ne valide pas le projet alternatif. Il dit que ce dernier est faisable. Mais ça veut dire quoi ? Beaucoup de choses sont faisables dans la vie. Mais à quel coût ? Dans quel délai ? Sous quelles conditions ? Oui, c’est faisable, sans doute. Comme je peux commander un rapport qui montrera que c’est faisable de démonter la Tour Eiffel et d’aller la reconstruire chez moi à Narbonne ! Mais est-ce que ça a du sens ? Le rapport montre que c’est faisable mais ça n’a vraiment aucun sens. »
A lire les 49 pages signées Evelyne Humbert et Philippe Iselin, on aurait tendance à suivre Gilbert Ysern. Un rapport dans lequel les nuances se multiplient. Une « couverture de l’autoroute jugée techniquement réalisable » ? Oui mais « sous réserves que soient respectées certaines contraintes constructives et de sécurité que le projet alternatif, en l’état de ses différentes variantes, ne semble pas avoir pleinement prises en compte ». « Aucun obstacle juridique à la réalisation du projet alternatif » ? Oui mais « sous réserve de l’aboutissement de plusieurs procédures à engager au titre des différentes législations applicables ». Un « coût estimatif réaliste » ? Oui, sauf si on opte pour le contre-projet de couverture de la FFT (avec une dalle plus grande et un nouveau court de 5000 places au lieu de l’augmentation de la capacité du n°1 réclamée par les associations) qui fait grimper la note de « 60 » à « 220 millions d’euros ». Et l’on vous passe certains autres détails. Bref, rien de très précis. D’autant plus frustrant si le ministère décidait de se baser sur ce flou artistique pour retarder sa signature des permis de construire.
Paris 2024 an arrière-plan
Quelle conséquence suite à ce rapport ? Ségolène Royal détient la clé de cette question. Mais Gilbert Ysern espère ne pas le voir bousculer les choses. « Ce qu’on attend du gouvernement, c’est qu’il fasse le nécessaire pour que les permis de construire soient délivrés, insiste le directeur général de la FFT. Ils devaient arriver dans les jours ou les semaines à venir. Je veux croire que ce sera bien le cas. Surtout quand on voit l’enthousiasme de notre gouvernement pour une candidature olympique avec le futur Roland-Garros parmi les atouts. » Et Ysern de rappeler : « La mairie de Paris n’est pas opposée à notre projet. Au contraire. Anne Hidalgo n’a cessé de rappeler son attachement à ce projet. »
Soutien confirmé dans un communiqué, Anne Hidalgo s’alarmant d’un possible retard en vue de l’hypothèse d’une candidature aux Jeux pour 2024 : « Un tel retard serait un très mauvais signal envoyé au CIO. Il réduirait considérablement nos possibilités de l’emporter. » La maire de Paris en appelle à la responsabilité de chacun pour que « ce projet (…) qui participera au rayonnement de Paris et de la France puisse voir le jour dans le respect du calendrier prévu ». Ysern n’aurait pas dit mieux : « Il y aura aval, ce n’est pas possible ! Vous pouvez imaginer que ce pays ne nous laisse pas faire un tel projet à un moment où il a un appétit olympique et veut montrer au monde entier que Paris mérite les JO ? Est-ce que vous pensez un seul instant que le gouvernement va s’opposer à la réalisation de ce merveilleux projet ? Je ne peux pas le croire ! » Ségolène Royal le voit peut-être autrement.