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Tennis - Ascione (entraîneur de Tsonga): "On va faire pleurer Jo comme un bébé"

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Avec Enzo Tsonga, le frère cadet de Jo-Wilfried, Thierry Ascione, l'entraîneur du Français, a assisté lundi soir à la dernière conférence de presse de son joueur à Monte-Carlo. Très ému, il a bien voulu revenir ensuite sur son parcours personnel au côté d’un joueur charismatique qui achèvera sa carrière à Roland-Garros. Dix ans d’une vie commune, ça marque…

Thierry, comment vous-a-t-il annoncé que ce serait la fin ?

C’était une réflexion qu’il avait depuis un petit moment. En étant à ses côtés depuis très longtemps, ses douleurs je les voyais, ses questionnements aussi… Pendant Miami, je suis à Paris, il m’appelle et il me dit : 'Ecoute, je pense que c’est le moment.' Et pourtant, il a encore envie de jouer. Là, il vient de perdre sur Cilic et il est effondré comme il y a cinq ans. Après, il y a eu cette vidéo. Il voulait la faire simple lui. Voilà, il ne reste plus que trois tournois… 

Quel a été votre plaisir de voyager à ses côtés ?

Tout, le quotidien, l’ambition qu’il avait. On a eu la chance d’avoir une équipe incroyable avec laquelle on travaille toujours. Je lui suis reconnaissant aussi de m’avoir fait confiance. J’ai essayé de ne pas trop faire de conneries. Je ne pouvais pas faire plus que ce que j’ai fait. Avec mes qualités et mes défauts. Ca a été une histoire incroyable. Surtout qu’elle va se prolonger avec tout ce qu’on est en train de faire (NDLR : la construction d’une Académie à Lyon, près du Grand Stade, a débuté).

Le compte à rebours est enclenché…

C’est beaucoup d’émotions, il le gère assez bien, mieux que moi. La clé, c’est d’être compétitif et de s’éclater. J’espère juste que ça se goupillera bien, qu’il pourra jouer devant plein de monde, qu’il sera heureux. La page sera tournée et cachetée. Donc, la priorité, c’est de ne pas se faire mal. Là, il va rester ici dans le Sud. On va s’entraîner pendant quinze jours en plein cagnard. Faut juste qu’il fasse la sortie aussi grosse que son entrée.

Il va laisser des statistiques exceptionnelles…

Il était ambitieux. Un huitième de finale en Grand Chelem, c’était considéré comme une cata. Au bout de neuf mois, je lui ai dit : 'On va arrêter. Regarde, ils prennent tous Becker, Edberg'. Il m’a répondu : ‘T’inquiète, on va y arriver’’. C’est ce fameux été 2014, où il gagne Toronto en battant quatre Top 10. C’est un mec exceptionnel. J’ai grandi en tant qu’homme. Il m’a aidé à prendre confiance en moi.

"Il est qui il est grâce aux cent-cinquante personnes qu’il a croisées"

Jo ne veut pas savoir ce que vous allez lui réserver à Roland-Garros…

Il faut que je le fasse chialer comme un bébé ! On prépare des choses mais il ne saura rien. Il y a beaucoup de gens qu’il aime. Il mérite ça. Il a rendu heureux plein de gens. Il a croisé beaucoup de gens sur son chemin. Il est qui il est grâce aux cent-cinquante personnes qu’il a croisées. Ces gens méritent de vivre ce moment avec lui.

Il va laisser un sacré vide et on redoute l’effet domino…

Ca fait un petit moment que je vous dis que ça va vous faire bizarre quand ils vont arrêter. J’avais pris un petit tacle d’ailleurs. Il faut faire le deuil de cette génération. Quand ils étaient tous les quatre en quarts de Grand Chelem on trouvait ça normal. Mais non en fait. Je l’ai senti quand ils sont arrivés. Ils clamaient qu’ils voulaient être dans les 10. Je me disais qu’ils avaient le boulard. Mais non… C’est un petit deuil pour tout le monde.

Qu’est-ce qu’il avait de spécial ?

Jo possède un charisme naturel. Il avait ce côté grand frère paternel. C’était un peu le boss mais sans le vouloir. Il n’a jamais ouvert sa gueule. C’est Gaël qui a dit que c’était un role modèle. C’est exactement ça. Il avait sa vie calme Il a été l’un des premiers à se marier, à avoir des enfants. Quelqu’un de simple. C’est pour cela que j’avais envie de le secouer : 'T’es une star mec ! Fais des conneries'. Mais non, c’est un gars sain. Sur le plan du jeu, il faisait lever les foules quand il jouait bien.

Propos recueillis par Eric Salliot