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Calendrier surchargé, cascades de blessures, changements de surfaces… Pourquoi les JO rendent la saison de tennis impossible

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L’organisation du tournoi de tennis aux Jeux olympiques de Paris rend la saison de plus en plus compliquée pour les joueurs et les joueuses, qui doivent déjà faire face à un calendrier surchargé et des périodes d’adaptations plus courtes.

Le bloc de la saison sur terre battue à peine terminé avec Roland-Garros, le circuit de l’ATP et de la WTA se tourne désormais vers Wimbledon, pour le Grand Chelem londonien organisé sur gazon à partir du 1er juillet. Mais en cette année olympique, les regards sont aussi tournés sur la terre de Roland-Garros, théâtre du tournoi des JO du 27 juillet au 4 août. Une première sur la surface depuis 1992 à Barcelone, mais pas forcément une bonne nouvelle pour les joueurs et les joueuses, qui devront ajouter une transition gazon-terre battue-dur à un calendrier déjà bien exigeant.

Une donnée qui a déjà poussé certains à faire des sacrifices, surtout dans le tableau féminin. Double vainqueure de l’Open d’Australie et numéro 3 mondiale, Aryna Sabalenka a fait une croix sur le tournoi olympique “pour prendre soin de sa santé” et alléger un programme qui “serait trop chargé”. Même décision pour Ons Jabeur, numéro 10 mondiale, qui estime que “le changement rapide de surface et l’adaptation du corps requis” mettraient un peu plus son genou en danger pour la suite de l’année.

Les joueurs mordent la poussière

Le cap de la moitié de saison à peine dépassé, l’inquiétude règne à propos du physique des joueurs. Rien que la semaine passée, le tournoi WTA de Berlin a offert une cascade d’abandons (Sabalenka, Rybakina, Jabeur, Vondrousova), tout comme chez les garçons au Queen’s et à Halle (Murray, Tiafoe, Evans). Ajoutez à celà des joueurs déjà blessés cette saison (Alcaraz, Sinner, Nadal), en quête d’un retour (Djokovic, Muchova) et le circuit est totalement chamboulé. Mais comment expliquer une telle avalanche de pépins physiques?

“Sur gazon, on doit descendre sur les jambes, le centre de gravité et les appuis sont beaucoup plus bas. Le rebond est plus bas aussi même si le gazon s'est quand même ralenti. En début de tournoi, lorsque l’herbe est encore assez bonne et assez verte sur les premières heures de la journée, ça glisse aussi donc les adducteurs et les genoux peuvent être mis à rude épreuve”, analyse Florent Serra, consultant tennis pour RMC Sport.

“Le gazon est une surface particulière. Il faut un temps d'adaptation et travailler pour prendre confiance sur cette surface, parce qu'au début on y arrive un petit peu comme sur des oeufs.”

En parallèle, le passage de certains Masters/WTA 1000 sur un format de 12 jours au lieu d’une semaine classique divise, d’autant que la tournée sur terre joue les prolongations pour ceux qui vont loin dans les tournois. Cette année, Madrid et Rome, qui servent de préparation pour Roland-Garros, ont franchi le pas et suivent désormais l’exemple d’Indian Wells et Miami, dont la durée a également été prolongée. Pas forcément un cadeau pour tout le monde.

“Ce n’est pas évident, ces tournois sur deux semaines. Tu ne fais pas grand chose, tu attends. Ce format est un peu frustrant. Il y a bien quelqu’un qui s’y retrouve, mais moi je ne m’y retrouve pas”, confiait Caroline Garcia. “On vous dit que vous avez un jour de repos entre les deux, que vous n'avez pas à jouer tous les jours. En fin de compte, ce n'est pas du repos. Se reposer, c'est passer du temps chez soi, dormir dans son propre lit, passer du temps avec sa famille, ses chiens, ses enfants”, expliquait Alexander Zverev avant sa victoire à Rome il y a quelques semaines.

Un point de vue partagé par Florent Serra, qui rappelle que l’enchaînement Indian Wells-Miami en mars est “une tournée relativement éprouvante” en raison de la distance. “Pendant ces tournois, même avec un jour de repos entre chaque match, tu es obligé de rester concentré, tu ne peux pas faire n'importe quoi. C'est aussi de la fatigue, alors que lorsque c'est plus court, quand tu finis le tournoi, tu rentres un peu chez toi.”

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Une transition à mieux aborder cet été

En cette année olympique, l’enchaînement s’annonce encore plus difficile. Si habituellement la transition terre battue-gazon doit se faire rapidement - Roland-Garros et Wimbledon n’étant séparés que d’un mois - le retour sur l’ocre fin de juillet pour les JO avant de préparer la tournée américaine sur dur s’annonce comme un défi de taille. Même si le gazon est plus lent ces dernières années, il est nécessaire pour les joueurs d’adapter leur jeu de jambes, en faisant des pas plus petits et en se baissant davantage pour anticiper des rebonds plus bas que sur terre, une surface plus lente, plus sensible aux effets et plus propice aux glissades.

Mais certains abordent cette période avec ambition, notamment la numéro une mondiale Iga Swiatek. Auteure d’un incroyable triplé sur terre battue avec ses succès à Madrid, Rome et Roland-Garros, la Polonaise n’est pas perturbée par un retour sur son terrain de prédilection, encore plus dans son jardin Porte d’Auteuil. ”Je pense que ce serait un plus grand défi s’il y avait d’abord du gazon, de la terre battue au milieu et à nouveau du gazon. Revenir sur terre battue ne sera pas un problème pour moi. Quand je reviens après une année entière, deux jours suffisent pour que je me sente très bien sur cette surface”, relativisait-elle auprès du média Przegląd Sportowy après son 4e sacre à Roland-Garros.

D’autres, à l’image de Rafael Nadal, ont carrément décidé de faire l’impasse sur la saison sur gazon pour pleinement se préparer pour l’échéance olympique.

Dur retour sur terre

Un avantage que beaucoup aimeraient avoir, même s’il n’y a que deux semaines entre la fin de Wimbledon et le début des JO. “Tu passes sur du gazon où le rebond est très bas à la terre battue où il faut faire un travail un peu particulier, comme réviser ses glissades et ses trajectoires de balle. On a tendance à utiliser des effets slicés sur gazon, il faut retrouver un peu le kick, il y a plein de petites choses à revoir pour pouvoir bien jouer”, poursuit Florent Serra. Pour retrouver au mieux les repères sur terre battue, les joueurs auront au moins deux semaines, entre la fin de Wimbledon (14 juillet) et le début du tournoi olympique (27 juillet). Certains pourront disputer quelques matchs (Budapest, Palerme ou Prague pour la WTA, Hambourg, Bastad ou Gstaad pour l’ATP).

“Il y a plein d’aspects où les joueurs doivent être très prudents dans la prévention des blessures. Ils doivent respecter un peu de repos et faire les soins correctement. C'est le calendrier très chargé qui veut ça. Les JO se rajoutent, avec une surface un peu différente. Ce n'est pas une deuxième partie de saison facile.”

Le calendrier surchargé n’épargne pas les joueurs, qui devront ensuite gérer la transition terre battue-dur pour préparer l’US Open à la fin du mois d’août. Les médaillés à Paris auront d’ailleurs… deux jours entre la finale des JO et le prochain tournoi sur dur au Canada, à l’autre bout du monde. “Logistiquement impossible” de coupler les deux, de nombreux forfaits ne seront donc pas à exclure, d’autant que la tournée américaine est très exigeante, avec deux Masters 1000 sur une semaine (Toronto pour la WTA, Montréal à l’ATP puis Cincinnati) pour boucler un énorme bloc par le dernier Grand Chelem de l’année (26 août - 8 septembre). Histoire d’essorer définitivement des machines qui tournent à plein régime.

Analie Simon Journaliste RMC Sport