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Voile olympique: lésions articulaires, noyades, traumas crâniens... Comment les athlètes cohabitent avec le danger

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Une partie de l’équipe de France olympique de voile tentera cette semaine de parfaire la préparation vers les Jeux en allant chercher un titre de champion du monde de Nacra 17 ou de champion d’Europe de 49er et 49er Fx à la Grande Motte (Hérault) du 7 au 12 mai. Même opportunité pour le dériveur double mixte, avec le championnat d’Europe qui est organisé à Cannes. Dans cet équipage du 470, la nantaise Lou Berthomieu revient dix mois après une rupture des ligaments croisés. La voile olympique, un sport où les blessures sont aussi légion. 

"Il n’y a pas eu de sang, il n’y a pas eu de de genou qui partait vraiment", se souvient Lou Berthomieu. "Plus tard j’ai commencé à avoir très mal et mon genou a gonflé dans la nuit." C’était le 12 juillet 2023, pendant une manœuvre sur son dériveur avec Tim Mourniac lors du Test event à un an des Jeux olympiques. Bilan: rupture du ligament croisé et fissure du ménisque.

"On sait qu'on navigue sur des supports qui peuvent être potentiellement dangereux. Ils vont vite, on peut taper le bateau sur un crash. Mais on a l'impression que ça arrivera toujours aux autres et pas à nous." Pourtant, à un an des Jeux la Nantaise ne se dit pas que la sélection olympique va lui passer sous le nez. "C'est vrai que je l'ai entendu une fois au sein de l’équipe de France. Enfin quelqu'un l'a dit, mais pour moi c’était impossible. Je me lève tous les matins pour ça, c'est mon rêve, mon objectif et je savais que je serai sur cette ligne de départ." À force de courage et de persévérance, Lou Berthomieu a réussi son objectif en retrouvant son coéquipier pour la compétition début avril 2024 et en empochant le billet pour la sélection olympique quelques jours plus tard. Cette semaine à Cannes, le duo tentera d’accrocher un top 5 et d’observer la concurrence à trois mois des Jeux.

Un décès en 49er Fx il y a deux ans

L’image de la voile olympique sport à risque n’est pas forcément commune et pourtant les marins savent que la menace est permanente. "Nous sommes sur des bateaux instables", poursuit Lou Berthomieu. "Donc au niveau de la proprioception il faut vraiment s'y préparer. On est en permanence en train de tirer des charges importantes. Il faut toujours s'adapter puisqu'on est sur l'eau qui n’est pas une surface lisse. Tous ces paramètres font que la blessure arrive à un moment où on ne s'y attend pas. On n'a pas le temps de se mettre en position de sécurité comme en judo où elles apprennent à tomber."

Les récents champions du monde de 49er Erwan Fischer et Clément Péquin tenteront à Cannes de confirmer au championnat d’Europe qu’ils ont toujours un temps d’avance sur le reste de la flotte. Et pourtant eux aussi sont passés par la case blessure. Au Portugal lors d’un entraînement en janvier 2023 Clément Péquin s’était luxé le ménisque gauche, l’obligeant à mettre entre parenthèse sa saison pendant plusieurs semaines. "On a des bateaux qui vont de plus en plus vite avec l’arrivée des foils", explique Erwan Fischer. "On voit de plus en plus de gens harnachés, casqués avec des protections. Maintenant on a des 'gilets impact' pour éviter les blessures graves." 

Le risque de noyade est aussi présent. "Chacun navigue quand même en bon marin", souligne Lou Berthomieu. "On n'est pas là pour mourir. On est là pour faire du sport, mais on est tous conscients qu'à un moment ça peut devenir vraiment dangereux et nous sommes capables de nous calmer même si on est de très grands compétiteurs. Un jour à l’entraînement je suis tombée à l’eau et c'est vrai quand tu te relèves et que tu vois le bateau qui arrive sur toi c’est très impressionnant. Je suis passée tout près du foil. Ça se finit bien, mais il y a eu des accidents graves." En avril 2022, lors d’un entraînement avec sa sœur jumelle et l’équipe nationale de Tunisie, la navigatrice Eya Guezguez qui avait participé aux Jeux de Tokyo n’avait ainsi pu être sauvée à la suite d’un dessalage.

“Poser le cerveau" à 80 km/h sur l’eau

Pour le kite-foil, qui fera son apparition aux Jeux cet été, il faut également être conscient des risques du métier. D’abord rattaché à la Fédération française de vol libre, le sport n’a rejoint la fédération de voile qu'en 2010. "Je rappelle souvent à la fédé qu'on est un sport extrême", explique Arianne Imbert, entraîneur national. "On n'est pas comme un bateau. Enfin, nous on a des contraintes différentes. Quand le vent monte d'un coup, on est juste un plot sous un cerf-volant énorme et ça peut très très mal se passer." 

Avec des vitesses qui s’approchent des 42 noeuds (80 km/h), à un mètre de haut, les chutes peuvent être très violentes. "On a régulièrement des traumas crâniens quand la tête tape lors de la chute", poursuit la fondatrice du pôle espoirs de Hyères. "On a aussi souvent des petites blessures. On est vraiment un sport de glisse extrême. Quand on voit un skieur qui descend une montagne dans un grand couloir ou un mec en speed riding avec du Red Bull sur la tête, on va faire 'waouh'. Bah nous on est là-dedans quand même. Et ce n'est pas parce qu'on est à la voile qu'il faut l'oublier. Dans notre modèle de perf, on a vraiment un côté où il faut s'entraîner à poser le cerveau. On a des zones de défis qui sont très hautes et on parle beaucoup de la gestion du risque."

Un risque qu’il faudra encore mesurer pour Axel Mazella et Lauriane Nolot, qui participeront la semaine prochaine à Hyères au championnat du monde de formula kite, dernier grand rendez-vous avant les Jeux à Marseille.

Pierre-Yves Leroux