Mondial de volley: Barthélémy Chinenyeze, personnage central des Bleus

D’abord une interrogation, "Chinenyeze", comment ça se prononce et d’où cela vient?Une fois passé l’écueil de la prononciation (prononcez simplement "Chinenièsé"), les origines: "Mon papa est nigérian. Il travaillait comme mécanicien sur un bateau. Il y a une trentaine d’année, son bateau fait escale à Dunkerque. Le navire a eu un problème et l’équipe a dû rester à Dunkerque pendant plusieurs mois. Mon père y a rencontré sa future femme. C’est une belle histoire."
Le couple franco-nigérian fonde une famille avec trois enfants et choisit de rester dans le nord. "Mon premier souvenir de volley, c’est à Dunkerque avec nos voisins qui jouaient, j’avais sept, huit ans, raconte Barthélémy Chinenyeze auprès de RMC Sport. Le foot ne me plaisait plus et je me suis mis au volley, j’ai directement été central au collège. J’ai découvert un poste un peu ingrat où l’on saute tout le temps, où l’on se fait mener en bateau à droite à gauche et pourtant j’ai bien aimé!"
Le "Babar" des Bleus
Rapidement celui qu’on surnomme "Babar" en équipe de France, fait ses classes au Centre National du volley-ball (CNVB) à Montpellier, avant de briller à Toulouse et connaître ses premiers titres au Tours Volley-Ball (doublé coupe-championnat en 2019 et meilleur central).
"Le premier souvenir de Barthélémy, c’était en stage à Montpellier en 2016 avant les JO, il me manquait des jeunes centraux, il est venu avec nous, il avait à peine 18 ans", se souvient Laurent Tillie (entraîneur français de 2012 à 2021) depuis le Japon en pleine mousson où il a regardé, crispé, la fin du France-Japon à 5 heure du matin, heure d’Osaka.
"J’ai été tout de suite subjugué par sa qualité de contre et son déplacement, il était trop tôt pour l’incorporer en équipe nationale, explique encore Laurent Tillie. Dès 2017, je l’ai pris car il m’avait bluffé sur les deux, trois entrainements qu’il avait fait avec nous. Il a un block naturel que peu ont."
Chinenyeze se souvient pourtant de débuts difficiles: "Je me rappelle que je n’arrivais pourtant pas à faire un point sur un exercice simple. Je me suis dit: 'C’est ça être en équipe de France? Ne pas mettre un point!' J’étais loin encore."
L’homme élastique
"Il ne peut pas ressembler à Nicolas Le Goff (2m05) ou à Lucas (Lucas Saatkamp central brésilien de 2m10) ces grands centraux, insiste Tillie. Je lui ai dit d’imiter Solé (Sebastian Solé central argentin de 2m02) qui est complétement élastique et capable d’attaquer dans toutes les positions."
"On a tous les deux ces feintes de corps où l’on se penche d’un côté pour attaquer de l’autre, rajoute Barthélémy Chinenyeze. On n’a pas la taille des centraux russes mais on possède ce petit truc qui fait notre force."
Celui qui devenu un pilier des champions olympiques étonne par ses qualités athlétiques: "Barthélémy a vraiment cette élasticité qui le fait devenir un poison pour le block adverse se délecte Tillie. Il est presque toujours dans le temps en attaque. Le passeur peut se tromper sur la hauteur ou la vitesse, il arrive toujours à récupérer le coup."
Un mondial de haute volée
Quinze points contre la Slovénie, dix-sept face au Japon dans des matches qui "comptent", le nordiste connaît une efficacité redoutable et une confiance sans limite.
"Quand je monte en attaque, j’ai cette sensation d’être intouchable, dit-il naturellement. C’est un peu bizarre mais tout sportif peut avoir cette sensation d’être un peu dans la 'zone'. Tout cela se passe en une demie seconde, je vois où le contreur adverse plonge et je prends un autre angle."
"Ce qui est énorme c’est surtout son ratio!", indique Laurent Tillie (14/18 contre le Japon à 77%).
Connexion avec Brizard
Pour être aussi performant, le central peut compter sur les caviars ou même se contenter des passes forcées quand la réception est moins propre de son complice Antoine Brizard.
"On a commencé à jouer ensemble à Toulouse (une saison en 2016/2017) et depuis on garde des automatismes, il me fait confiance et me donne beaucoup de ballons", avance le meilleur contreur des JO de Tokyo.
"On se connaissait un peu du CNVB ajoute Brizard. Il devait aller à Cannes mais je l’ai convaincu de venir à Toulouse. Dès les premiers entrainements ça a marché très bien entre nous sur et hors du terrain. On s’est trouvé tout de suite. Je le recherche très souvent, en équipe de France, on l’appelle 'L’arc en ciel' parce qu’il a une fenêtre d’angles incroyables. Il peut se tordre dans tous les sens. En plus en ce moment, il est en pleine confiance."
La pression glisse sur lui
Attachant, et facétieux avec ses coéquipiers, il absorbe la pression pour la faire jaillir en dérision.
"Il prend le truc par le bon bout, ajoute Oliver Kieffer, référence du poste de central chez les bleus dans les années 2000. Il veut simplement s’amuser comme beaucoup dans cette équipe. Il a un super état d’esprit c’est aussi ça qui le fait progresser aussi vite. Il sait écouter, prendre les bons conseils de chacun. C’est un central complet, il sait faire une passe, une manchette, ça fait plaisir à voir un joueur comme cela."
Face à l’Italie, où il joue depuis trois ans, référence mondiale du muro (contre en italien) en quarts de finale, Barthélémy Chinenyese veut créer autant d’incertitudes dans le jeu italien qu’il a de certitudes dans le sien.