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Volley (F) - Cannes: "L’impression de revenir au siècle dernier quand on exploitait la femme", Ravva s’oppose à Pesce

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Emblématique joueuse du RC Cannes (1995-2015) et ancienne manager générale du club azuréen de 2019 à 2020, Victoria Ravva sort de son silence. Celle qui est aujourd’hui en charge de l’international à l’AS Cannes VolleyBall, l’équipe masculine de la ville, soutient le coup de gueule des volleyeuses après les menaces du président cannois de baisser les salaires de 15 à 30% si elles ne remplissaient pas les objectifs.

Le président du RC Cannes, Agostino Pesce, est-il coutumier de ce genre de pression ?

Sa gestion humaine est catastrophique, il met tout le temps la pression. Le président dit que cette menace de baisse les salaires est un moyen de pression pour remplir les objectifs. Non. On ne menace pas des sportives. C’est une bonne manière de faire réagir ses joueuses ? Moi à mon époque, on me motivait. On ne me menaçait pas. La motivation, le partage, le respect, le jeu d’équipe, oui. Mais pas la menace. Je suis entrée en conflit avec lui sur car je n’adhérais pas à leurs techniques de management, humaines ou autres. Je ne l’acceptais pas, je l’ai dit, j’ai écrit plusieurs mails en demandant des explications. Ces méthodes ne me surprennent pas. Il n’a pas changé, il franchit les étapes et allez savoir quelles seront les prochaines.

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Confirmez-vous le tableau dressé par des volleyeuses à Cannes depuis l’arrivée du président Pesce ?

Oui je confirme que les filles se plaignaient en permanence des retards de salaire. Moi-même j’ai souvent été payée après de longs délais. Pire, j’ai été payée la moitié de mon salaire pendant plusieurs mois. Mais je dois avouer que, hélas, je l’ai accepté. Je ne me battais pas pour moi mais pour les joueuses. J’espérais que le club de mon cœur continue à fonctionner grâce aux efforts de toutes et tous.

Le RC Cannes avait-il des problèmes financiers ?

On nous disait que les subventions municipales étaient en retard ou les paiements des partenaires n’étaient pas arrivés. Je n’étais pas dans les comptes du club mais tout montrait qu’il y avait un problème.

Est-ce qu’on vous a proposé de vous payer différemment ?

On ne me l’a jamais proposé mais plusieurs joueuses en ont parlé. Certaines volleyeuses ont déjà intenté des procès contre le club, certaines ont pu récupérer leur argent grâce à leurs avocats. Il y a eu des arrangements avec les autres joueuses. Mais je n’ai aucune preuve de ces arrangements avec la légalité.

Pourquoi avez-vous quitté le club de votre cœur ?

Je me suis opposée aux méthodes du président. Petit à petit, autour du premier confinement, j’ai été écartée pendant plusieurs mois des décisions concernant le club. Sans doute, la direction avait-elle déjà l’idée de me faire partir. Mais finalement, la Covid a été la raison officiellement de mon licenciement après 25 ans dans ce club. Je l’ai très mal vécu. J’étais aux limites de la dépression. C’était une des pires périodes de ma vie.

Vous vous vengez de ce licenciement aujourd’hui ?

Non surtout pas. Si j’avais envie de me venger, je l’aurais fait il y a deux ans. Je n’ai pas été tendre lors de mon départ et j’espère que d’autres personne parleront car le président va sans doute dire que je m’attaque personnellement ou que je me venge. Le RC Cannes est mon club et ma réaction aurait été la même avec un autre président qui commet de tels actes. Ayant été une actrice de cette direction qui m’a licencié, ça m’engage de parler et je ne peux pas laisser les filles s’exprimer anonymement sans pouvoir les soutenir publiquement. A travers ça, je plaide la cause de toutes les sportives qui subissent ce genre de méthodes.

Les joueuses cannoises vous parlaient-elles de leurs difficultés à être normalement payées ?

On est des gens normaux. Certaines ont des enfants, d’autres achètent des appartements et paient des crédits. C’est inacceptable car ces retards mettent en danger la vie financière et sociale des joueuses. On ne faisait du baratin. Cette façon de faire n’est jamais arrivée durant la présidence de Mme Courtade. Je n’ai pas envie de croire qu’une direction se comporte ainsi parce que nous sommes des femmes. Il n’y a pas de bonnes raisons pour se permettre de payer ses joueuses en retard qui sont d’autant plus engagées sur des crédits, qui doivent gérer des familles, des enfants. Ce n’est pas acceptable.

N’est-ce pas trop tard pour dire la vérité ?

Ce club c’est ma famille. Depuis que je ne travaille plus au RC Cannes, je me suis dit que ce n’est pas en parlant que je vais attirer une mauvaise image sur le club, c’est le président Pesce qui donne une mauvaise image du RCC dans le volley français. Le Racing est et sera toujours un grand club grâce à son histoire, grâce à ses bénévoles et ses joueuses tant professionnelles qu’amateures. Il est entaché par ces polémiques, ces pratiques et cette mauvaise énergie ramenées par la direction actuelle. On ne peut pas se laisser faire et laisser détruire le club avec ce poison. Si ce n’est pas moi qui parle, aujourd’hui, c’est parce que certaines n’osent pas, ne veulent pas ou qui craignent de sonner une mauvaise image du Racing. Non, il faut nettoyer tout ça pour que l’image de Cannes soit encore plus belle. C’est ma seule chose à faire pour le club de mon cœur. Je ne veux que ce genre de procédés se répètent et que mon club utilise pour gagner, pour grandir et pour continuer à exister. Il faut enlever cette tâche. C’est insupportable et inacceptable. J’ai passé ma vie à défendre le volley-ball féminin mais là avec ces pratiques j’ai l’impression de revenir au siècle dernier quand on exploitait la femme. Aujourd’hui, au moment où la parole se libère, je ne peux pas rester sourde, anonyme, politiquement correcte et sans réaction face au ras-le-bol des volleyeuses. Je ne peux pas.

Que diriez-vous aux volleyeuses qui ont peur de parler ?

La France est un pays magnifique qui m’a adopté. On a le droit de s’exprimer et de se battre pour ses droits. N’acceptez aucune pression qu’elle soit morale ou financière. Nous sommes des sportives de haut niveau mais nous travaillons comme tout le monde. On a la chance de vivre de notre passion mais on ne doit pas se taire par peur. On ne peut pas accepter l’inacceptable. Le sport est basé sur des valeurs contraires à ce qui est en cause ici. Il faut arrêter ces procédés, ces pressions.

Morgan Besa