Volley (F): quand la Ligue Nationale couvrait les redressements fiscaux du RC Cannes

"Le président de la Ligue Nationale de VolleyBall a des problèmes avec le RC Cannes depuis 60 ans. Il vaut mieux s’occuper de sujets importants comme le développement économique du volley (droits tv, droits d’image, etc.)… Elle se donne une visibilité médiatique." Invité mardi dernier sur le plateau de BFM Nice Côte d’Azur, cette attaque du président du RC Cannes, Agostino Pesce, a exaspéré les instances du volley. Venu en direct se défendre après nos révélations sur la lettre adressée à ses joueuses les menaçant de baisser leurs salaires de 15 à 30% si elles ne remplissaient pas les objectifs sportifs, le patron cannois a ciblé la Ligue. Et pourtant...
Si le RC Cannes, le club de volley féminin azuréen, est aujourd’hui encore un club de l’élite (La Ligue A Féminine - LAF), il le doit à la bonne volonté et aux largesses de la LNV. RMC Sport dévoile une lettre adressée par le président de l’instance, M. Yves Bouget (élu en décembre 2020) rappelant que "la LNV, par respect pour le passé sportif exceptionnel du RC Cannes n’avait pas appliqué le règlement dans toute sa légitimité, c’est-à-dire la rétrogradation, afin d’éviter un dépôt de bilan du club. Depuis 3 ans, le passif du club représente 30% du budget ce qui lui interdirait de jouer en Ligue A féminine".

Cette situation financière est dûe à "une accumulation de redressements fiscaux et sociaux pour s’être affranchi du respect des lois de notre République depuis plus de 10 ans. Je (M. Bouget) passe sous silence la gestion aléatoire des contrats de travail et l’utilisation frauduleuse d’officines installées hors du territoire national". Voilà une décision étonnante de la LNV de ne pas appliquer ses propres règlements alors que Rennes avait été relégué en 2018 et le Paris Volley en 2020 pour des déficits similaires. Le palmarès du club parisien (1 Ligue des champions, 2 Coupe de la CEV et 9 titre de champions de France, entre autres) n’avait pourtant pas pesé bien lourd au sein d’un comité directeur qui voulait la peau sportive du président parisien, Michel Rougeyron, qui n’avait pu résorber une dette de près de 260.000 euros.
Que reproche la Ligue au RC Cannes ?
Tout est expliqué dans le deuxième document que RMC Sport s’est procuré sur l’état financier du club. Ce sont les comptes annuels 2019-2020 du RC Cannes expertisés par le Cabinet Trintignac et Associés, commissaires aux comptes. Il révèle la condamnation du club féminin cannois à un redressement fiscal pour des absences répétées de paiements de cotisations URSSAF. Pour les années 2012 à 2014, le RC Cannes "a été notifié de différents redressements pour un montant total de 213.854 euros …montant ramené par la Cour d’appel à 157.534 euros".

Puis, la vérification de la comptabilité du club de 2007 à 2010 a entraîné une rectification des comptes de 139.424 euros, pénalités comprises. Ensuite, le contrôle fiscal de juin 2019 a produit "un redressement total de 156.232 euros". Après une nouvelle réclamation, le redressement pourrait être ramené à 56.174 euros. Enfin, le club a aussi provisionné "126.000 euros qui couvre le litige avec un agent de joueuses". A partir du premier confinement de mi-mars 2020 et l’arrêt des championnats de France de volley, le club azuréen a eu légalement recours à des reports d’Urssaf et a bénéficié d’un Prêt Garanti par l’Etat (PGE) de 195.000 euros. Ce document évoque aussi les difficultés de l’AS Cannes, le club masculin. Si le plan d’épurement des comptes semble avoir été respecté, l’ASC conserve une fragilité économique certaine en raison du manque, notamment, de partenaires privés majeurs.
Il apparait donc que l’emblématique présidente Anny Courtade, présidente avec succès de 1993 à 2016, a laissé de lourdes ardoises au RCC. Aujourd’hui présidente d’honneur du club du club azuréen, Mme Courtade a fait du ‘Racing’ le plus grand club de France avec ses 2 Ligue des champions, 21 titres de champions de France et 21 Coupe de France. Si l’étoile de Mme Courtade pâlit au vu des incuries financières révélées plus haut, elle se ternit aussi auprès de ses anciennes joueuses qui n’ont pas du tout apprécié le soutien qu’elle a apporté à son successeur dans un portrait du président italien paru mercredi dans L’Equipe : cette lettre de menace "était maladroite, pour moi c’est un non-sujet, a expliqué Mme Courtade. Tout le monde sait que ce n’est pas applicable. Ce buzz a été exploité pour le déstabiliser (…) Quand il a quelque chose à dire, il ne l’envoie pas dire. Ça ne plait pas aux instances". Au grand désarroi de ses anciennes protégées, "elle a choisi son camp, pour des raisons qui lui sont propres.
Les instances, justement, ont semblé prendre le problème à bras le corps. La LNV a réuni un comité directeur exceptionnel, le lundi 14 février, pour évoquer exclusivement ce dossier du RC Cannes. Réunis en visio-conférence autour du président Bouget, ces membres ont pris la décision de diligenter "la saisine du Conseil supérieur de la DNACG pour un contrôle sur site du RC Cannes suite au courrier de M. Pesce adressé à ses joueuses", selon le PV de la réunion que RMC SPORT a pu consulter. Ni la Ligue, ni son président M. Bouget n’ont souhaité communiquer après ce comité directeur "pour ne pas rajouter une pièce dans la juke-box du tourbillon médiatique et laisser la place aux interprétations".

Mais selon nos informations, certains patrons de clubs, autant masculin que féminin, n’ont pas soutenu que cette saisine soit étendue à tous les clubs du championnat de France. Une chose est sûre : les joueuses sont conscientes que "cette affaire est l’occasion de faire bouger les choses. La ligue de volley ne peut plus fermer les yeux et doit réformer le système". La balle est dans le camp de la LNV.