Athlétisme: friture sur la ligne entre la FFA et Sasha Zhoya

Sasha Zhoya le 21 août 2023 aux Mondiaux d'athlétisme à Budapest - AFP
"Sasha est un électron libre, c’est clair", reconnaît Romain Barras, le directeur de la haute performance de la FFA. Et il n’est pas toujours simple de le canaliser. Sacha Zhoya partage sa saison entre l’Europe et l’Australie durant la saison hivernale. Sans compter une petite amie qui vit au Danemark. Par exemple, pour rejoindre sa compagne, il a écourté sa présence au stage de cohésion de Saint-Malo en octobre dernier, pourtant obligatoire. Le jeune hurdler n’était pas présent non plus en Afrique du Sud avec le reste de la délégation tricolore en ce mois de décembre, mais c’était pour raisons médicales, le gros orteil le faisant toujours souffrir. "L’Afrique du Sud n’était pas un stage obligatoire, et quand le programme sportif ou médical l’exige, un athlète peut ne pas venir", 'est-il expliqué. Mais les tensions ne sont jamais loin. En mars prochain, un stage à Tignes doit réunir à nouveau les Bleus, et Zhoya manquera encore à l’appel. Son programme l’emmène en Australie et en Nouvelle-Zélande pour participer à des compétitions.
"Même Kevin Mayer ne fait pas ce qu’il veut"
Le clan Zhoya, et notamment son coach Ladji Doucouré, a planifié cette saison 2024 dès la fin des Mondiaux de Budapest, alors que la Fédération Française n’avait pas toujours pas averti les athlètes de son calendrier. Un manque de clarté regretté par un autre athlète des Bleus: "Les convocations arrivent tard. Pour se libérer de nos études ou de nos emplois, il faut une trace écrite. Par exemple, pour l’Afrique du Sud, c’est arrivé une semaine avant le départ". Alors l’électron libre Zhoya joue sa partition. A l’image d’un Kevin Mayer, qui s’organise comme il le souhaite, comme le montre son stage en Australie en décembre où il devait tenter les minima olympiques. "Mais même Kevin ne fait pas ce qu’il veut, et Sasha n’a pas la même légitimité", prévient Romain Barras. "L’ancienne DTN lui a peut-être permis des choses hors-norme, mais désormais c’est moi qui dirige et je ne veux pas faire de croix sur la dynamique collective. J’ai bien fait le point avec Ladji, qui reste un jeune coach. Il doit garder le cap et bien driver Sasha."
Un malus sur les aides fédérales de Zhoya en 2023
La volonté des deux clans est évidemment d’aplanir les divergences et de ne pas envenimer une situation parfois très tendue. Comme lors du stage à Tignes en mars dernier, ou bis repetita, Sasha Zhoya avait réservé des billets pour l’Australie à cette période. Avant de connaître l’existence du stage. Le jeune franco-australien aurait voulu le remboursement de ses billets d’avion, mais la FFA ne l’a pas proposé et le stage étant obligatoire, l’a même privé de 15% de ses aides fédérales. Un malus appliqué à tous les absents. Des crispations financières ont aussi eu lieu dernièrement, à Saint-Malo, lorsque Zhoya a porté la voix de ses coéquipiers pour réclamer des primes pour les médailles, ce que la Fédération refuse. Lors du stage de Saint-Malo, le hurdler est même intervenu sur ces difficultés auprès de la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castera, lors d’une visio, et a vite été recadré par la direction Fédérale.
Zhoya, numéro 1 français sur les haies
Sasha Zhoya est parfois amer de cette situation, puisqu’il estime répondre présent sur la piste et devrait avoir plus de latitude dans ses décisions. Double champion de France et 6e des derniers Mondiaux, il a pris le leadership du 110m haies français, l’un des plus relevés du monde. "On sait qu’on ne peut pas casser la nature du garçon, son fonctionnement est un peu hors du commun. Mais il comprend vite et son entourage aussi", apaise Romain Barras. Dans le cercle proche du gamin de Perth justement, on explique aussi que les frictions Zhoya/FFA peuvent s’expliquer par la différence culturelle et linguistique entre le showman élevé dans l’esprit anglo-saxon des Australiens, et un giron fédéral tricolore, perçu trop conservateur et rigide.