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Athlétisme: "J’ai moins de pression que l’année dernière, ça m’arrange", confie Sasha Zhoya

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La superstar annoncée de l’athlétisme français n’a pas totalement assumé son potentiel en 2022. Sasha Zhoya, champion du monde juniors et recordman du monde du 60 et 110m haies en 2021, nous a laissé sur notre faim en se faisant éliminer en demi-finale des championnats du monde de Eugene et en chutant en finale des championnats d’Europe de Munich. Mais le hurdler n’a que 20 ans et découvrait le monde des seniors, avec des haies perchées à 1m06. Souvent touché par des pépins physiques, Zhoya veut solidifier son corps en 2023 et fanfaronne moins quant à ses rêves de titre mondial et olympique, comme il le raconte à RMC Sport.

Sasha, vous deviez faire une saison hivernale complète mais physiquement vous n’étiez pas prêt. Vous enchaînez les pépins, ce n’est pas embêtant ? 

Ça ne me gêne pas trop, je ne suis pas fan de la saison hivernale. Cette année, j’étais prêt pour la faire. Toutes les séances étaient orientées pour la faire mais j’ai eu des complications, des petites gênes qui m’ont empêché de faire la saison. Du coup, on va préparer l’été. Aujourd’hui je suis bien. J’ai un peu changé mon équipe médicale. J’ai ajouté un autre docteur pour avoir un avis professionnel avec plus d’expérience. Il a déjà vu des choses à améliorer dans l’équilibre de mon corps. Je change un peu ma façon de manger, des choses à l’entraînement pour corriger des faiblesses. 

Et mentalement, comment ressortez-vous d’une année 2022 très encourageante pour un jeune hurdler de 20 ans, mais plus difficile quand on a les ambitions et le potentiel d’un Sasha Zhoya ? 

Comme tout le monde, on vise le maximum et ça ne s’est pas passé comme ça. Mais ça reste mieux que ce à quoi on s’attendait quand j’ai commencé (ndlr : sur les haies à 1m06). Pour cette année, je vise encore le plus haut, mais on ne sait pas comment ça va se dérouler. On est sur la bonne trajectoire. Après, je ne vise que Paris 2024 alors même si cette année, je ne progresse pas autant que je veux mais que mon corps va bien pour 2024, c’est le principal. Dans ma tête, je suis toujours espoir alors on a le temps pour les Jeux. 

"Le choix de la France ? Toujours une bonne idée […] la concurrence m’aide à courir plus vite."

Mais vous êtes le hurlder le plus rapide de l’histoire et de loin en juniors (12.72 sur 110m haies), le bilan 2022 doit vous laisser des regrets ? 

Ce n’est pas facile mais ça partie du game. Franchement, j’ai plus kiffé que j’ai détesté. Me faire taper dans des courses, ça me rappelle quand j’étais plus jeune et ça m’a donné la motivation pour aller plus vite. Avec le recul, quand je regarde cette saison 2022, c’est quand même pas mal. J’ai fait le meilleur chrono pour une transition de catégorie (13.17). C’est une belle rentrée pour moi. Tant que le chrono descend saison après saison, ça me va. 

Et il faut courir vite en France. Avec l’émergence de Just Kwaou-Mathey (en bronze aux Europe de Munich), les costauds comme Pascal Martinot-Lagarde, Aurel Manga, Wilhem Belocian et éventuellement le retour d’un Dimitri Bascou, il faut déjà se qualifier pour les Jeux olympiques. Il n’y a que trois places à la fin…. 

C’est chaud pour tout. Après la perche je pense, c’est l’épreuve en France la plus intense. La densité est incroyable. Mais c’est bien pour Just et moi de représenter la jeune génération. Les plus expérimentés font la bataille avec nous. Pour moi, c’est sensationnel, on progresse beaucoup sur la piste en faisant des finales contre eux. Il y a trois places à gagner, on est au moins six à la vouloir et c’est beau. 

Si on prend encore plus de recul, le choix de la France (au détriment de l'Australie) apparaît risqué aujourd’hui. Rater les Jeux olympiques de Paris serait un échec énorme. Vous ne regrettez pas ce choix ? 

Non… c’est une bonne idée. Faire la course contre ces gars qui sont tellement forts, ça me booste. Je ne me sens pas laissé derrière. Rester dans un endroit où la concurrence n’existe pas en ayant la certitude de me qualifier, c’est aussi compliqué car une fois sur la piste des Jeux avec les plus forts du monde, ça ne va pas m’aider.  

"J’ai envie de perfer aux Europe espoirs et peut-être passer sous les 13 secondes."

Vous parlez d’une année sans trop de pression mais on imagine que vous visez les championnats du monde de Budapest en août ? 

Toujours. Je vise le haut du panier. Mais j’y vais étape par étape. D’abord, il y a les championnats d’Europe espoirs, et c’est ma catégorie actuellement. J’ai envie de performer là-bas (en Finlande en juillet) et peut-être passer sous les 13 secondes (sourire)… et après bien sûr, viser les championnats du monde qui est la plus grande des compétitions, excepté les Jeux. Si je peux faire une petite rédemption en Hongrie, rentrer en finale mondiale et peut-être y faire un petit quelque chose… 

Pour parler technique, ces haies hautes à 1m06 (contre 99cm en juniors, celles de ses records) vous posent encore problème ? 

Ce sera toujours un souci. Il y aura toujours 10 barrières à passer donc chacune est importante. On attaque des choses nouvelles cette année. Je ne peux pas dire quoi car les adversaires auront ce petit avantage. Les deux prochains mois, je vais vraiment bosser uniquement sur la technique. Je ne ferai pas les mêmes erreurs cette année. 

"L’athlétisme c’est comme un jeu d’échecs, il faut avoir cinq coups d’avance." 

Pour résumer, diriez-vous que vous avez moins de pression en 2023 à cause d’une année 2022 moins extraordinaire que les saisons précédentes ? 

J’ai moins de pression car mes records datent de deux ans maintenant. Ça m’arrange du coup, ça met les spotlights sur les autres Français et moi je peux être celui qui est dans l’ombre pour surgir. Il y a toujours de l’attente autour de moi pour les Jeux, normal. Moi aussi j’attends beaucoup de moi pour les JO. Quoi qu’il arrive, je pense que je gère bien la pression pour l’instant. Tant qu’elle est positive, ça m’aide à courir plus vite et d’avoir la motivation. 

Comment vous vivez l’attente des Jeux olympiques, justement ? 

Ça commence à être de plus en sérieux franchement…. Chaque jour, le focus est là-dessus. Le train de vie que j’avais change encore un peu plus. Je n’ai pas trop de marge d’erreur. C’est un truc qui va être énorme mais dans la tête des athlètes, personne n’est qualifié. Dans la tête, il faut être costaud mentalement. Toute la saison est construite jusqu’aux Jeux, même après on a déjà décidé ce qu’on allait faire. L’athlétisme, c’est comme un jeu d’échecs. Il faut avoir cinq coups d’avance sur les autres. 

Propos recueillis par Aurélien Tiercin