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Athlétisme: "Je me dis que je n’ai plus aucune limite", Anaïs Bourgoin, nouvelle patronne du 800m français, se livre avant les Mondiaux

Anaïs Bourgoin après sa série du 800m, le 3 août 2024

Anaïs Bourgoin après sa série du 800m, le 3 août 2024 - ICON Sport/Jewel Samad

Depuis quelques mois, Anaïs Bourgoin progresse de façon impressionnante, jusqu’à se hisser, la semaine dernière, sur le podium de la finale de la Diamond League sur 800m en signant la deuxième meilleure performance française de l’histoire. La révélation tricolore de la discipline, policière de métier, nous a accordé un entretien avant de s’envoler pour Tokyo où elle espère se qualifier pour la finale. 

Anaïs Bourgoin, tout d’abord, comment allez-vous? 

Franchement, je vais bien. Je peux dire que cette saison se passe super bien pour moi, donc, forcément, quand les performances sont là, tout va bien. 

Vous avez décroché la troisième place du 800m lors de la finale de la Diamond League en descendant pour la première fois sous les 1’57, faisant de vous la deuxième meilleure performeuse française de l’histoire. Qu’est-ce qui se passe dans votre tête à ce moment-là?

Je suis super contente! Ça confirme beaucoup de choses qu'on a mises en place à l'entraînement et ça me met vraiment en confiance pour les championnats du monde. J'avais déjà participé à plusieurs meetings Diamond League cette année et j'avais toujours fait quatrième. J'avais vraiment envie d'aller chercher un podium, donc forcément, le faire, c'est génial. Voir que t'es à ton meilleur niveau à 15 jours des championnats du monde, c'est rassurant.

Voir Jimmy Gressier remporter la Diamond League sur 3000m juste avant votre course, ça vous a donné de l’énergie supplémentaire?

Oui, forcément, ça m'a transcendée. On a fait toute la préparation à Font-Romeu ensemble… J'étais en train de mettre mes pointes sur le bord de la piste et j’ai vu Jimmy gagner... C'était un truc de malade! Il gagne la finale de la Diamond League, c'est vraiment grandiose! Je me suis dit "on a passé un mois ensemble, on a mangé pareil, on s'est entraîné pareil, si lui il est fort, moi aussi je vais être forte" et c'est vrai que ça m'a vraiment donné de la force. C'est dur, on fait beaucoup de sacrifices et, quand ça marche, c'est génial. Ça nous fait oublier à quel point c'est difficile. 

Quel est votre objectif pour ces championnats du monde? 

J'ai vraiment envie d'aller en finale, de faire une finale mondiale. On sait que lors d'une finale mondiale, tout peut se passer, et qu’on peut rêver grand. 

Cette troisième place en finale de la Diamond League, ça vous pousse à rêver encore plus grand? 

Oui, forcément. Après, les championnats, c'est différent. Dans les grands meetings, certes il y a les meilleures mondiales, mais tout le monde n'est pas là. Mais oui, évidemment, là je me dis que je n’ai plus aucune limite et que je n'ai plus peur de rien. 

Le 800m est une course très tactique, il faut souvent jouer des coudes pour se faire une place, il y a parfois des bousculades… Est-ce que vous avez une petite appréhension supplémentaire par rapport à ça avant une course? 

Je ne dirais pas que j'ai de l'appréhension par rapport à ça. Je fais les choses au ressenti, au feeling, et je sais que chaque course est différente. Aucune course ne se ressemble, on ne sait jamais ce qu’il va se passer. Il faut juste s'adapter, en fait. Je pense que, sur 800m, il faut vraiment être capable de s'adapter quelle que soit la configuration de course et je trouve ça passionnant. Aujourd'hui, à l’entraînement, on a par exemple vraiment travaillé le cœur du 800m: une fois qu'on passe à la cloche, il faut être capable d'avoir un rythme bien soutenu et sans craquer jusqu'au bout. On travaille aussi les changements d'allure, le finish… 

Vous avez eu une progression fulgurante ces derniers mois, on se demande parfois quand vous allez vous arrêter…

C'est vrai que c'est parfois la question que je me pose (rires), parce que le chrono continue de descendre, je continue de faire des performances géniales, donc c'est vrai que je me demande jusqu'où je vais aller… On a mis beaucoup de choses en place cette année, je suis à 100% concentrée sur l'athlé et je mets toute mon énergie dedans. Je vois que ça fonctionne et j'ai envie que ça continue comme ça. 

Vous évoquez le fait d’être concentrée à 100% sur l’athlé, il faut en effet rappeler que vous êtes policière et qu’auparavant vous jongliez entre votre carrière professionnelle et votre carrière d’athlète. Quand avez-vous pris la décision de mettre votre métier de côté pour vous consacrer pleinement à l’athlétisme? Pensez-vous que cette décision a joué sur votre progression? 

J’ai pris cette décision il y a environ deux ans. Parfois, il y a des choses qu'on ressent et qu'on n'explique pas trop. J'ai senti que j'étais capable de faire quelque chose de grand en athlé, et, à un moment donné, j’ai réalisé que j’arrivais à faire des choses sympas comme des médailles en championnats de France tout en travaillant à côté, et j’ai eu envie de plus. J'avais l'impression d'être moyenne dans mon travail et moyenne dans l'athlé, parce que, quand on partage son énergie, finalement… Et puis forcément, les Jeux de Paris arrivaient et ça m'a motivée, je me suis dit "pourquoi pas moi?". C’est là que tout a basculé. 

Et est-ce que votre travail vous manque? 

Oui, parfois, parce que, pour moi, c'était un métier passion où je me retrouvais vraiment. Mais je me retrouve tellement dans l'athlé aujourd’hui que je ne ressens pas trop ce manque. Ce sont deux univers qui me passionnent. 

Propos recueillis par Camille Beaurain