"Sur mon lit d’hôpital, j’avais Tokyo dans un coin de ma tête": les objectifs de Lavillenie pour les Mondiaux d'athlétisme

On n’avait plus vu Renaud Lavillenie en grand championnat depuis l’été 2022. Trois longues années en arrière. Aux championnats du monde de Eugene (États-Unis), il avait accroché la 5e place avec un saut à 5m87, déjà un exploit pour un perchiste de bientôt 36 ans. Et depuis, il a subi une lourde opération puisqu’il a dû réparer une rupture partielle du tendon de l’ischio-jambier gauche. "Au-delà de l’âge, qui est un chiffre, c’est le plus marquant je pense : avoir été absent pendant deux ans, pas dû à ma volonté, mais pour me réparer. C’était loin d’être anodin. Le chirurgien m’avait dit de n’avoir pas trop d’espoirs pour la suite. A ce moment-là, je voulais surtout encore être capable de sauter et courir avec mes gamins dans 5 ou 10 ans."
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La convalescence allait être longue, Lavillenie le savait. "Je me doutais que Paris 2024, ce serait trop juste. Alors, sur mon lit d’hôpital, j’avais Tokyo dans un coin de ma tête. C’était loin, mais j’y pensais."
Huit concours à 5m80 et plus en 2025
A bientôt 39 ans – il les aura le 18 septembre – l’excellente nouvelle, c’est qu’il saute et court encore très bien. Avec une pointe à 5m91 et surtout huit concours en 2025 au-dessus des 5m80, Renaud Lavillenie fait toujours partie du gratin mondial. Son coach Philippe D’Encausse est toujours bluffé par son poulain. "Par rapport aux merdes qu’il a eues, il fait une bonne saison. Il est en bon état, il a su évoluer dans le bon sens. Il a compensé sa perte de capacité d’impulsion en travaillant la vitesse. Pour un type de 39 balais, il va vite !"
Si bien que l’ancien recordman du monde de la perche peut encore espérer monter sur le podium. "Il faut y aller étape par étape mais je suis content de ma régularité. Sauter à 5m80, je l’ai fait de manière répétée et très facile. J’ai fait tout ce qu’il fallait pour me qualifier en finale, qui est le premier objectif."
Le podium pour Lavillenie ? "Ce n’est pas déconnant", selon son coach
Un travail de forçat de la perche qui permet à Renaud Lavillenie d’attaquer ses 8es Mondiaux en plein air depuis 2009. Une compétition qu’il n’a jamais gagnée, son plus grand regret, mais d’où il a rapporté une médaille d’argent et quatre de bronze. "L’avantage, c’est que ce genre d’événements, de pression, je connais un petit peu. Je sais ce que je dois faire. En 2017 et 2022, dans des saisons comparables, sans pic très haut, j’avais réussi mon season best en finale mondiale. J’avais terminé 3e et 5e."
Alors un podium est-il réaliste selon le coach D’Encausse ? "Je déteste donner des prévisions parce que la perche… t’as des mecs qui font 6m qui sortent en qualification parfois. Mais imaginer Renaud entre la 3e et la 8e place, ce n’est pas déconnant, il a raison de penser cela."
Duplantis et Karalis intouchables, pour le bronze, c’est ouvert
Si les deux premières places semblent verrouillées et destinées évidemment au vaisseau spatial Armand Duplantis – qui pourrait tenter un énième record du monde à 6m30 si tout se passe bien - et au Grec Emmanouil Karalis, très régulier à plus de 6m, Renaud Lavillenie veut jouer sa carte à fond, sans perdre la raison malgré tout. "Kurtis Marschall et Menno Vloon sont peut-être les mieux placés, ils ont sauté plus de 3 fois à 5m90 cet été, ce sont les seuls et ça leur donne un avantage réel. Je reste réaliste, j’ai raté les deux derniers grands championnats, personne ne m’imaginait là en 2025. Le podium est possible mais ce n’est pas comme quand j’étais dans ma grande période, entre 2013 et 2015 où je visais le podium et rien d’autre. En revanche, si je ne suis pas en finale, je serai très déçu."
Déjà recordman du monde des plus de 35 ans (grâce à ses 5m91 de cet hiver), Lavillenie continue d’écrire son histoire, même loin de la toute première place. Viser un podium à 39 ans après une lourde opération : "C’est le genre de challenge qui ne me déplaît pas. Prouver à ceux qui vous enterrait que tout est possible."