
Patrick Ranvier: "Je n’ai pas la sensation que l’athlétisme français soit autant en difficulté que cela"
La Fédération française d’athlétisme (FFA) retrouve enfin un Directeur technique national. Elle naviguait sans capitaine depuis le départ de l’intérimaire Anne Barois après les Jeux olympiques de Tokyo, où les Bleus n’ont ramené qu’une médaille d’argent. Patrick Ranvier, ancien DTN de l’aviron notamment, était le choix prioritaire du président André Giraud. Mais l’Agence Nationale du Sport et le ministère des Sports n’en voulaient pas. Patrick Ranvier a pourtant fini par s’installer dans son bureau, près du Stade Charléty dans le sud de Paris, en attendant la nomination imminente de Romain Barras à la direction de la Haute-Performance.
RMC Sport: Patrick Ranvier, vous êtes donc le nouveau DTN de la Fédération Française d’Athlétisme, dans votre bureau depuis quelques jours. Comment vous sentez-vous?
Patrick Ranvier: J’ai le sentiment d’être bien accueilli. J’arrive dans la fédération du premier sport olympique, ça ne me laisse pas insensible, avec des gens qui sont ravis de m’accueillir donc c’est très agréable. Je suis content des premières relations établies avec le président André Giraud et je vais apprendre à connaître et manager peut-être différemment cette belle équipe de cadres techniques. Après une période un peu compliquée, avec les départs de Patrice Gergès, Florian Rousseau, les intérims, mon arrivée apporte un peu l’espoir de plus de sérénité et c’est ce à quoi je vais m’atteler.
L’Agence Nationale du Sport et Claude Onesta se sont longtemps opposés à votre nomination. Comment avez-vous vécu ces trois mois et demi d’attente?
C’est plus simple que cela. On n’est pas face à une opposition de principe. J’ai eu une réunion d’installation avec le directeur des sports et Claude Onesta, on a mis les choses à plat. Il n’y avait pas d’animosité ni d’opposition entre les uns et les autres. Mais l’ANS et le ministère avaient besoin de comprendre le projet du président André Giraud. Maintenant qu’on est là, l’objectif est d’apporter une dynamique collective et de tirer tous le même sens.
Après des postes à la fédération des sports de glace, de motocyclisme et surtout d’aviron, vous l’ancien rameur, pourquoi tentez-vous votre chance dans le monde de l’athlétisme ? Est-ce un plan de carrière?
Une progression dans ma carrière… pfff… vous connaissez mon âge (ndlr : 62 ans). Non ce n’est pas un projet de carrière. J’ai dirigé trois fédérations dans ma vie et les deux que je ne connaissais pas, je pense que c’est là où j’ai le plus apporté avec mon œil extérieur. J’avais laissé penser que je ne serai plus DTN mais quand il s’agit de l’athlé, premier sport olympique, on est un peu en difficulté et je me suis dit pourquoi pas. J’ai envie de contribuer à ce nouvel essor et remettre tout le monde dans le même sens. Je n’ai pas la sensation que cette fédération soit autant en difficulté que ce qu’on a entendu. Elle a déjà retrouvé son niveau de licenciés d’avant Covid. L’équipe que je découvre fonctionne bien. La capacité de performance existe, la jeunesse semble prometteuse, les athlètes de haut niveau restent des potentiels. Je n’ai pas l’impression que la Fédération soit en crise.
La rumeur laissait entendre que des rivalités de clan, notamment les anciens proches de Ghani Yalouz, avaient poussé dehors ou lassé l’ancien DTN Patrice Gergès, puis Florian Rousseau, l’ex directeur de la haute performance. Le ressentez-vous?
Ce sont des raccourcis. Dans des moments compliqués, on ne peut pas empêcher ces rapprochements. Moi les échanges que j’ai avec eux sont bons. On doit faire équipe et c’est tout. On va évoluer, apprendre à travailler ensemble dans une organisation claire et lisible.
Justement, dans cette organisation, le directeur de la haute performance n’est toujours pas nommé. Ce sera Romain Barras, champion d’Europe du Décathlon en 2010, il n’y a plus de doute?
On échange beaucoup avec Romain, je vais encore le voir ce vendredi après-midi. Ce n’est pas finalisé mais c’est vrai qu’on avance dans ce sens. Il présente des qualités qui permettent d’aller dans cette voie-là. Il est extrêmement consensuel, vient des épreuves combinées et c’est bien de couvrir l’ensemble de ces disciplines. C’est quelqu’un reconnu comme un vrai spécialiste. Je pense que je m’entendrai bien avec lui. On va faire en sorte d’aligner les planètes pour qu’on puisse officialiser cela. On va dans cette direction en tout cas.
Quel constat tirez-vous de la situation sportive de la Fédération Française d’Athlétisme?
C’est un peu tôt car je ne suis pas spécialiste. Néanmoins je vois encore des têtes d’affiche capable de briller. Prenez Renaud Lavillenie, il a encore sauté à plus de 6m cette année, et malheureusement il arrive blessé à Tokyo. On a encore des tauliers qui peuvent performer, encore faut-il les mettre dans les bonnes conditions pour y parvenir. Je pense aussi qu’il y a des jeunes qui peuvent faire de bonnes performances à l’horizon de Paris 2024. Je ne vais pas vous dire "on va faire 15 médailles à Paris", là n’est pas l’enjeu, mais redresser la barre et revenir à un niveau de performance plus conforme à ce qu’on est en droit d’attendre de la Fédération Française d’Athlétisme, je pense qu’on peut le faire. Il n’y a pas de génération spontanée de toute façon, il faut aussi accepter que dans certains sports, il y a des générations plus ou moins dorées et parfois un peu de creux.
On a tendance à critiquer l’accompagnement des athlètes en France, pas assez d’aides, de dotations, d’encadrement… un environnement pas assez professionnel. Que préconisez-vous?
Le suivi socio-professionnel m’est très cher. Je l’ai initié dans d’autres fédérations. C’est une des conditions de la réussite et de l’épanouissement des athlètes, pour après mais aussi pendant la carrière. Tous doivent y travailler dès maintenant. Après, ce n’est pas toujours facile. Il y a quand même du travail qui est fait. Nos athlètes sont plutôt bien aidés mais j’aimerais rendre les choses plus lisibles avec des règles d’attribution claires, rajouter de l’équité en installant des groupes de niveau avec plus de transparence. Mais globalement, les athlètes de haut niveau me semblent bien aidés avec quelques cas particuliers qu’il faudra revisiter.
Les Jeux de Paris 2024 arrive dans deux ans et demi désormais. Et en 2022, trois championnats majeurs auront lieu (mondiaux en salle à Belgrade, en plein air à Eugene et les Europe à Münich), quels sont vos objectifs?
Je pense que cela serait bien que nos athlètes performent ne serait-ce que pour leur confiance et commencer à marquer les esprits. Performer à deux ans des JO, c’est rassurant pour les athlètes et c’est bien pour conforter la stratégie qu’on a mis en place. Les performances réalisées dans une Fédération rendent la vie beaucoup plus facile. Mais c’est trop tôt pour viser un nombre de médaille. On ne peut pas tout calculer par rapport au nombre de médaille. Il faut mesurer la progression des athlètes, leurs perspectives, le nombres de finalistes, de record amélioré. Il va falloir aussi être clair sur les modalités de qualifications.