Perche: qui est Duplantis, le nouveau recordman qui a détrôné Lavillenie?

Gamin surdoué du saut à la perche, où il baigne depuis toujours, l'Américano-suédois Armand Duplantis, dit "Mondo", a bondi à 6,17 mètres ce samedi pour s'emparer du record du monde de saut à la perche qui était détenu depuis six ans par le champion français Renaud Lavillenie.

Fin mai 2017, Eugene, deuxième plus grande ville de l'Oregon au beau milieu des États-Unis, accueille un meeting de la Ligue de diamant. "C'est un bon gars, il est super sympa, on a passé de très bon moments. C'est cool de voir un nouveau visage, cela élève encore le niveau de notre discipline", déclare Renaud Lavillenie à propos d'un jeune perchiste suédois dont le nom ne parle à personne, si ce n'est à ses pairs et aux amateurs de la discipline. Il ne pensait peut-être pas si bien dire.

Près de trois ans plus tard, ce samedi à Torun (Pologne), cet inconnu désormais âgé de 20 ans, Armand Duplantis, a battu le record du monde du saut à la perche grâce à une tentative réussie à 6,17 mètres. Il a ainsi effacé la marque de 6,16m établie par le champion français en février 2014.

Lavillenie pas surpris

Ce jeune homme à la mèche rebelle ne sort pas de nulle part. "Ce n'est pas une surprise. On a échangé depuis une semaine, je lui disais en rigolant d'attendre que je fête mon sixième anniversaire", a plaisanté Renaud Lavillenie au micro de RMC Sport. 

Rien que quatre jours auparavant, au meeting en salle de Düsseldorf (Allemagne), Armand Duplantis avait fait sensation en passant une barre à 6 mètres pour sa rentrée. Soit la meilleure performance mondiale de l'année. Il avait alors déjà tenté de faire tomber le fameux record, sans succès. Mais au vu de ses performances réussies depuis son adolescence, et même son enfance, il n'était pas insensé de prédire un tel accomplissement pour lui.

"J'ai un gros mental, rien ne me perturbe"

Lorsque Renaud Lavillenie - devenu un ami à qui il rend parfois visite à Clermont-Ferrand - parle de lui en 2017, Armand Duplantis a 17 ans et dispute son premier concours face au gratin mondial et attise les curiosités parce qu'il vient tout écraser chez les juniors. Un mois avant, il met tous ses concurrents à l'amende lors d'un championnat scolaire au Texas. Il y passe une barre à 5,90 mètres, s'octroyant ainsi la meilleure performance mondiale de l'année, le record du monde des moins de 20 ans et même le meilleur saut senior de l'histoire de la Suède. Une nouvelle étape franchie dans sa jeune carrière déjà impressionnante, lui qui prend l'habitude dès 10 ans de faire mieux que des jeunes plus âgés que lui.

Renaud Lavillenie et Armand Duplantis, le 6 août 2017 à Londres © Kirill KUDRYAVTSEV / AFP

Né le 10 novembre 1999 à Lafayette (Louisiane) d'une famille aux ancêtres français, "Mondo", son surnom, a presque sauté toute sa vie. À seulement quatre ans, un sautoir est installé dans son jardin par son père. Ce dernier, Greg, est lui-même un ancien perchiste américain qui s'était autrefois hissé à 5,80 mètres. 

"Je suis tombé amoureux et cela ne m'a plus quitté. Le saut à la perche se joue beaucoup au niveau mental. J'ai un gros mental, rien ne me perturbe", a raconté Armand Duplantis, résolument élevé dans un culture sportive et dans une chambre où se trouvaient des posters de Renaud Lavillenie. L'un de ses frères, Andreas, a également fait de la perche. L'autre s'est mis au baseball. Et sa mère, Helena, est une ancienne heptathlète et volleyeuse. C'est d'elle qu'il tire sa nationalité suédoise, qui est aussi la conséquence des critères de sélection très rudes des instances américaines.

Mieux que Bubka à 17 ans, champion d'Europe à 18 

Une fois débarqué dans le circuit senior, Armand Duplantis n'a pas pris plus de temps pour accumuler les succès. À Londres, toujours en 2017 et à l'âge de 17 ans, il fait mieux que Sergueï Bubka en devenant le plus jeune perchiste à participer à une finale de championnats du monde. L'Ukrainien, lui, l'avait fait sur la fin de ses 19 ans. L'ancien entraîneur de Renaud Lavillenie, Damien Inocencio, qui l'avait suivi dès le plus jeune âge par un concours de circonstances, avait alors prédit auprès de Culture Athlé que ce crack était le "parfait représentant" de la "nouvelle génération" devant faire "monter le niveau d'ici peu" et qu'il allait "faire beaucoup de mal les prochaines années". L'été suivant, en août 2018, il devient champion d'Europe à Berlin devant un Renaud Lavillenie qui doit se contenter du bronze. Mais surtout, il passe la barre des 6,05 mètres pour s'imposer. Une performance majuscule que seuls cinq autres hommes ont réussie.

"Sur la piste je me sens très expérimenté. Je sais ce que je fais, je le fais depuis des années. Mon âge n'a pas d'importance et n'en a pour personne, surtout pas pour mes concurrents. (...) Maintenant, je suis dans la place", lâchait-il récemment. Le voilà désormais seul au sommet.

JA