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F1: Cyril Abiteboul, directeur général de Renault, veut se "battre avec les McLaren"

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Pour Cyril Abiteboul, directeur général de Renault F1 Team, la saison 2018 qui débute le 25 mars en Australie (Melbourne) sera la dernière année de la "reconstruction" de l'écurie tricolore. Avec un objectif fixé par le Français : progresser et finir l'année dans le top 5 du classement des constructeurs.

Renault a fait son retour en Formule 1 en 2016. Cette année, c’est la troisième saison de la "reconstruction" annoncée par le constructeur français. Quels sont vos objectifs?

Le premier objectif est de poursuivre et finir cette reconstruction. On est ambitieux, avec un plan à long terme. Un plan sur six ans : trois ans de reconstruction et trois ans pour aller challenger les top teams. Cette année, ça va donc être la dernière année de cette reconstruction. Le second objectif, c’est de continuer notre progression. On est passé de la neuvième à la sixième place au classement des constructeurs entre 2016 et 2017 et on a eu la meilleure progression en piste dans le courant de la saison 2017. Je pense qu’on a démontré que nos ambitions et nos objectifs étaient crédibles. Il faut maintenant gagner, d’une certaine façon, le respect des autres équipes en démontrant que cette progression ne s’arrêtera pas là.

L’objectif est-il de viser la cinquième, voire la quatrième place au classement des constructeurs?

Effectivement, il ne faut pas s’arrêter à la sixième place. En revanche, on ne veut pas s’enfermer dans cet unique objectif. On sait ce qu’on fait, les moyens qu’on y met et les progrès qu’on réalise. Je m’attends à une bataille assez serrée, notamment avec McLaren et Force India. L’écurie indienne est la référence sur le moteur par exemple, parce qu’elle dispose du moteur Mercedes. McLaren, c’est une référence au niveau des pilotes, ou pour la partie mécanique. Le fait de travailler au plus près de ces deux écuries, cela nous permet de nous inspirer, d’apprendre plus vite. Et je m’attends à ce qu'ils soient de sérieux clients sur la piste. Et puis il y a toutes les autres écuries. Sauber est en train de renaître avec Alfa-Roméo et Frédéric Vasseur. Haas a toujours son partenariat stratégique avec Ferrari. Chaque écurie a ses propres forces. Je pense que les trois top teams ne changeront pas et j’espère que Red Bull s‘invitera dans le débat pour le championnat. Ça va être une saison très ouverte et intéressante.

Vous évoquez le top 3. Derrière ces trois écuries, c’est très serré. Savez-vous quel est le potentiel de votre voiture?

Il est difficile d’établir une hiérarchie. De l’extérieur, la voiture semble avoir peu évolué, mais à l’intérieur, absolument tout est nouveau. Le packaging, l’intégration moteur, la boite de vitesse, les composites, les suspensions… On a presque fait un bon générationnel avec cette voiture. Encore une fois, on est en train de reconstruire beaucoup de choses. On a validé et vérifié tous ces systèmes, on va maintenant être capable de travailler un peu plus sur la performance. Mais il est difficile de savoir où nous en sommes par rapport aux autres, car chacun a ses propres paramètres lors des essais. Les top teams sont là, mais je pense qu’en milieu de peloton, ça va être serré et ça va donner de belles bagarres en course.

Vous êtes sous le feu des projecteurs, après avoir recruté Marcin Budkowski, l’ancien directeur technique de la Fédération Internationale de l’Automobile, ou encore par rapport aux échappements soufflés. Pour certains, vous flirtez avec les limites. Quelle est votre opinion?

Il n’y a rien de pire que l’ignorance, et que de passer inaperçu dans un sport où, quand on commence à être critiqué, c’est que l’on commence à déranger. Je pense que l’on ne dérange pas encore mais on commence à inquiéter. Donc je suis satisfait, ça veut dire qu’on commence à mettre les ingrédients pour venir bouleverser l’ordre établi. L’establishment, c’est quelque chose qui a la peau dure en Formule 1. On est une écurie un peu bizarre, française dans un milieu très britannique. Une écurie associée à une marque grand public, populaire au sens noble du terme, dans un univers de marques premium. Renault a toujours un peu dérangé. Déjà, en 2005, on avait une innovation avec les "mass damper", que tout le monde a cherché à interdire pour nous empêcher de gagner le championnat (malgré tout remporté par l’écurie française avec Fernando Alonso). Donc, je pense qu’historiquement, on a toujours perturbé le jeu établi. Si on s’y remet, ça veut dire qu’on est sur la bonne voie.

En termes d’aérodynamique, plusieurs écuries vont utiliser de nouveaux packages à partir de Melbourne (le 25 mars). Est-ce que ce sera également le cas pour Renault ?

On va avoir un rythme de développement très prononcé durant la saison. On va commencer avec une base aérodynamique un peu conservative par rapport à l’année dernière. En revanche, on va avoir un plan de développement aérodynamique et moteur qui va être très agressif. Donc on peut s’attendre à voir la voiture évoluer, presque à chaque course. Il ne va pas y avoir une révolution, il va y avoir des modifications, de nouvelles pièces à chaque course.

Que pensent Nico Hülkenberg et Carlos Sainz Jr (les deux pilotes titulaires de l'écurie française) de la voiture ? Notamment en matière de fiabilité, après les déboires de la fin de saison passée…

Il est un peu tôt pour en parler. Encore une fois, on a fait beaucoup de travail sur la fiabilité. La voiture est pas mal née, on a de bons outils de travail. Les pilotes ne se plaignent pas, même s’ils veulent toujours aller plus vite. Ils ont des critiques constructives, elles vont dans le même sens, ce qui est l’avantage d’avoir une line up de pilotes homogène avec Nico et Carlos. Ils vont faire rapidement progresser la voiture en fonction de leurs retours.

Vous l’avez dit, vous avez un duo de pilotes des plus homogènes. Comme chez Force India la saison passée, pourrait-il y avoir des consignes d’équipe ?

Pour le moment, on n’a pas eu besoin de cela. On a deux pilotes qui sont extrêmement matures et intelligents. Ils ont encore une carrière à construire. C’est un problème de riche, et si le problème se pose, il faut le régler de manière responsable. On est là pour faire grandir Renault. Tous les deux se projettent potentiellement dans la durée avec nous. Donc ils ont tout intérêt à faire passer l’équipe avant tout autre considération.

Que peut-on vous souhaiter pour cette saison 2018 ?

J’ai envie de me battre avec les McLaren, que l’on change de "ligue" par rapport à la saison passée. Aujourd'hui, on doit commencer à voir vers les écuries qui correspondent à nos ambitions. Continuer à gêner, de manière cohérente avec ce qui est l’histoire de Renault en F1, qui est extrêmement brillante. Les choses prennent du temps, mais on a toujours fini par arriver au plus haut niveau, donc l’idée c’est de démontrer que cette trajectoire est en cours.

Lucas Vinois