Formule 1: ce qui séduit et ce qui déçoit dans le règlement 2021

Le budget... pas si limité que cela
Le budget plafonné est une des mesures phares du règlement 2021, adopté cette semaine par la Fédération internationale: les différentes écuries auront le droit, à partir de cette date, de dépenser au maximum 175 millions de dollars par saison. Si jamais certaines venaient à flirter avec la limite, elles seraient lourdement pénalisées.
Il est toutefois important de noter que les salaires des pilotes, le marketing, mais également les rétributions des membres les mieux payés de chaque entité de la grille ne seront pas comptabilisés parmi lesdits 175 millions de dollars. Ce qui, en tant que tel, constitue un problème majeur.
Et pour cause, nous pourrions assister à plusieurs montages financiers permettant aux écuries les plus malignes de finalement contourner ce règlement, et dépenser plus d’argent que le celui-ci ne les autorise. Même si la FIA, de son côté, se veut rassurante lorsqu’elle est interrogée à ce sujet, et se dit "capable de contrôler l’ensemble des écuries du plateau" sur ce point capital.
Cette mesure, impopulaire chez les écuries de pointe du plateau - Mercedes, Ferrari et Red Bull - a pour but de réduire les écarts de performances entre les écuries. Le postulat est le suivant: si tout le monde dépense la même somme d’argent pour développer sa monoplace, il y a moins de chances de voir une écurie - ou deux - écraser la concurrence grâce à des moyens pharaoniques comme Mercedes le fait depuis 2014 maintenant.
2020... pour contourner la règle budgétaire?
Mais il subsiste une limite terrible à cette mesure: l’année 2020. Celle au cours de laquelle les monoplaces seront pensées, dessinées, assemblées pour 2021. Lors de ladite année 2020, les budgets seront illimitées. Les écuries les plus riches auront donc à leur disposition autant de ressources qu’elles le souhaitent pour construite une monoplace plus rapide que la concurrence, mais surtout, plus véloce que les écuries qui ont des moyens limités.
Il se pourrait donc que les forces en présence restent les mêmes. Pire encore, les écarts pourraient ensuite être très compliqués à combler puisque les budgets seront plafonnés, et de facto, les mêmes pour tout le monde. Si la mesure semble partir d’un bon raisonnement, le fait que celle-ci n’englobe pas l’année 2020 pourrait la rendre inefficace.
Une aérodynamique pour redoper les dépassements
Les monoplaces en 2021 ne ressembleront plus du tout à celles de 2019 ni à celles de 2020 (un look différent et 25 kilos de plus). Le règlement aérodynamique est bouleversé. En 2017, la FIA a pris "la mauvaise direction", a concédé Nikolas Tombazis, directeur technique de l’entité qui régit le règlement du championnat du monde. Les voitures sont devenues plus larges et ont emporté avec elles plus d’éléments aérodynamiques. Les pilotes se plaignaient avant de la lenteur des monoplaces. L’erreur était donc réparée, du moins auprès de ceux qui tournent le volant. Mais ce surplus aérodynamique a une conséquence terrible: l’impossibilité de rester dans le sillage d’une monoplace, et par conséquence, de la dépasser. Sur certains tracés, les manœuvres de dépassement, essence même du sport automobile, sont devenus rares, car quasiment impossible.
En 2021, le règlement n’autorisera plus autant d’éléments aérodynamiques et surtout la forme à laquelle devra ressembler une monoplace sera complètement différente. De quoi permettre de redonner aux manœuvres en piste leurs lettres de noblesse? Impossible à dire pour l’instant. Les seuls éléments donnés à voir sont des graphiques. Le retour à l’effet de sol est vantée par la FIA. Mais entre la théorie est la pratique, il y parfois un monde. Seuls les essais de Barcelone en 2021 donneront leurs premiers éléments de réponses.
Pierre Gasly, lui, ne souhaitait pas trop s’avancer: "En termes de look, cela a l’air plutôt bien. Après le look ce n’est pas ce qui nous importe vraiment. C’est vraiment de savoir ce que ça apporte sur la piste, en espérant que ça améliore les dépassements, les courses, le spectacle, et que ça puisse regrouper toutes les voitures en terme de performance ensemble entre les top teams et le mid-field."
Romain Grosjean se voulait plutôt positif. "En tout cas les voitures ont l’air belles. C’est un vrai changement, un gros changement, note le Français. Après on fait confiance à toutes les équipes qui ont travaillé sur ce projet. Ce que l’on veut, ce sont des voitures capables de suivre. Et apparemment, c’est dans ce sens-là. Maintenant, la piste sera la vraie réponse. Mais en tout cas je trouve que ça ressemble à une voiture cool."
Des weekends plus courts, mais davantage de courses
Pour l’auditeur, le téléspectateur ou le spectateur, rien ou presque ne changera. La journée du jeudi ne sera plus consacrée aux médias puisque la matinée du vendredi endossera ce rôle. Conséquence directe, les deux premières séances d’essais libres se disputeront le vendredi après-midi. Nous pourrions penser que l’idée est d’alléger la pression exercée sur les mécaniciens qui travaillent dur tout au long de l’année, mais non. C'est d’aller encore plus loin en ce qui concerne le calendrier, jusqu’à 25 courses. Lewis Hamilton avoue que "ce n’est pas raisonnable pour l’ensemble du personnel qui travaille toute l’année pour rendre les monoplaces compétitives. Je comprends que l’idée derrière tout ça est de générer de l’argent. En tant que pilote, conduire, c’est ce que j’aime, mais les saisons seraient beaucoup trop longues".
Un argumentaire que Romain Grosjean défend ardemment: "C’est trop. C’est trop pour tout le monde, pour les mécaniciens, les pilotes, etc… Honnêtement en étant père de famille, on est absents tout le temps donc c’est dur. Maintenant, ça réduira peut -être le temps de carrière des pilotes et du coup ça fera un plus gros turn-round. Mais c’est vrai qu’on est déjà à 21 et on sent que ce n’est pas facile. Donc en rajouter quatre de plus, à moins qu’on commence mi-janvier et qu’on finisse mi-décembre, ça va être compliqué."
Dans les années 1980, 1990, le calendrier n’excédait pas 15 ou 16 courses. "Le Grand Prix doit être un rendez-vous, et je ne pense pas que ce soit une très bonne idée de multiplier les courses, que ce soit pour fans, les ingénieurs, les pilotes ou même les médias", concède Alain Prost. De son côté Sebastian Vettel est encore plus direct: "Il serait préférable d’avoir moins de courses, mais plus de circuits intéressants (rires)."
En 2020, il y aura 22 courses puisque le Vietnam et les Pays-Bas viennent s’ajouter au calendrier, tandis que l’Allemagne disparaîtra. En 2021, Miami pourrait venir garnir un calendrier. Avec 21 courses, l’ensemble des mécaniciens et des membres des écuries sont extrêmement fatigués. La semaine dernière à Mexico, plus de 150 personnes étaient atteintes d’un virus. La faute aussi à la fatigue.