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Antibes: du foot au basket, Jérôme Alonzo raconte son expérience au service des Sharks

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Très présent médiatiquement pour parler de football, Jérôme Alonzo est depuis deux ans vice-président des Sharks d’Antibes, club de basket-ball pensionnaire de Pro B. L’ancien gardien de but du PSG et de l’OM raconte son quotidien et l’apport de son expertise d'ancien footballeur professionnel dans un club... de basket.

Jérôme Alonzo, quel est votre lien avec ce club ? 

J'ai grandi à Antibes et j'allais régulièrement à la salle Foch en centre ville. C’est une salle mythique ! Ma mère m’y amenait quand j’avais 13-14 ans, après j’ai eu le scooter, on s’y retrouvait avec les copains. J’allais au collège juste derrière, les heures d’EPS se faisaient dans la salle des pros, c’était assez ouf. Mes premières émotions sportives, c'est le basket qui me les procure… 

Quels souvenirs de cette période remontent à la surface ? 

Je croisais mes idoles à Antibes. Georgy Adams, Robert Smith, David Rivers, Stéphane Ostrowski… Et puis, quand ils s’échauffaient, ils portaient ces grands pantalons avec des boutons à pression sur le côté qui faisaient "shlack"... J’ai beaucoup d’images en tête et forcément les deux titres avec le grand Jacques Monclar sur le banc. Mon premier amour, je n’ai pas honte de le dire, c'est le basket à Antibes et l’OAJLP (Olympique d'Antibes-Juan-les-Pins).

Comment le football est-il arrivé dans tout ça ? 

Le Bon Dieu a voulu que je sois plus doué au foot qu'au basket. J'étais grand et adroit mais je n'aimais pas courir, et c’est problématique de rester tout le temps sous le même panier. Blague à part, j’ai longtemps fait les deux quand j’étais à l’école. Et même du hand ! C’est aussi pour ça que j’ai eu une trajectoire et un style particulier, je me suis beaucoup inspiré de ces sports. 

Après votre carrière dans le football, avez-vous tout de suite renoué avec les Sharks ?

Je n'ai jamais coupé le lien avec le club, je regardais les résultats même quand Antibes était en National 1. Puis, quelques années après l’arrêt de ma carrière, j'ai recroisé des connaissances et je suis revenu petit à petit à la salle. C’était en 2013, quand on finit champion de Pro B. Puis en 2015, le président Frédéric Jouve me propose de devenir ambassadeur du club, tout simplement.

Passer de supporter à ambassadeur puis dirigeant, ce n'est pas une mince affaire, si ? 

Ambassadeur c'est simple, cela consiste à serrer des mains au club VIP et à être une figure connue du club. Ensuite, Freddy Tacheny (actionnaire majoritaire devenu président en 2018), alors seul aux commandes, me dit qu'il ne s'en sort pas. Il a besoin de quelqu'un, notamment au niveau de la relation entre les joueurs et le staff. Là ça veut dire que je donne mon nom, mon temps, ma réputation, mon engagement? J’ai bien réfléchi, et j’ai dit oui pour devenir, je pense, le premier footballeur à être dirigeant d’un club de basket. 

Pensez que des compétences acquise dans un sport peuvent servir pour un autre ? 

Oui, sur l'apport du haut niveau, la gestion d'un vestiaire et des émotions. C'est à moi de calmer, expliquer parfois. On a aussi un autre vice-président, plus axé sur les instances, moi je suis plus dans l'humain. La passerelle entre le vestiaire et les têtes pensantes du club. Même si ça me passionne, je ne dis rien sur la tactique, ce n’est pas mon rôle. En revanche, j'amène mon savoir-faire et mon côté battant. J'ai joué dans des clubs populaires, sous pression. On veut faire comprendre qu'on est ici pour gagner et pas aller à la plage tranquillou. Tu ne viens pas aux Sharks en préretraite ou pour s’amuser. Ici c’est Antibes, et ça se respecte. 

Quel est votre rôle, concrètement ?

On fait régulièrement des réunions, avec l'entraîneur Dan Goethals par exemple, sur la dynamique de l’équipe, le staff, les préparateurs mentaux, physiques. Je fais un état des lieux pour voir si je peux aider. On a l'un des staff les plus fournis de Pro B. Je veux que les joueurs soient chouchoutés. C’est passionnant, ça me prend pas mal de temps mais je suis ravi. Quand tu as eu la carrière que j'ai eue, au moment où elle s’arrête, l'adrénaline te manque. Pouvoir revenir au stade et serrer le poing sur un panier important, rien que pour ça, ça vaut le coût.

Comment gérez-vous votre emploi du temps ?

Je n'y arrive pas (rires). En plus, j’ai un petit bébé, alors les journées sont bien minutées. J'ai un vieil agenda, à l'ancienne, sur lequel je note tout. Ca ressemble souvent à un Tetris mais quand ça ralentit je me fais chier. J’ai L'Équipe, Prime Video, France Info et les Sharks. Sans parler de mon bébé, ma femme, mes potes. Je me plains mais c’est cool. Pourvu que ça dure.

Quelle place occupent les Sharks ? 

Je viens au moins une fois par semaine à la salle pour rencontrer tout le monde et m’intéresser à ce qu’ils font. Les jours de match, j'arrive très tôt et je pars très tard, si la baby-sitter me le permet (rires). Mon rôle, c'est aussi de parler aux VIP. Ça fait quasiment huit ans que je viens à tous les matchs et les gens sont contents de débriefer après une rencontre. Mon rôle, c’est aussi de les calmer quand on gagne, et de les rassurer quand on perd. 

Prenez-vous la parole dans le vestiaire ? 

Jamais les jours de match, mais sinon, ça m'est déjà arrivé d'aller prêcher bonne parole quand j’ai senti, ou l'entraîneur, que c'était le moment d’aborder un point précis. Il y a eu des sifflets après une série de défaites, je savais que ça touchait les joueurs. Je leur ai dit qu’il y a des moments où il faut être dans sa bulle. Quand tout va bien, c'est très facile un club, que ce soit du foot, du basket ou ce que tu veux. Mais quand ça va mal, c'est là que tu vois les hommes et les compétences. Et ces dynamiques peuvent très vite s’inverser. Mon rôle est de trouver les ressources pour éteindre les incendies les rares fois où cela se produit. 

Les joueurs connaissent-ils votre passé de joueur ? 

Les Américains, c'est sûr que non. Les mecs de l'est, non plus. Mais les Français me connaissent et ont un respect pour ma carrière. Ils vont souvent au stade à Nice. Dans le vestiaire, il y a le clan des Parisiens et celui des Marseillais. Comme j'ai joué chez les deux, je peux les chambrer (rires). 

Après avoir été sauvé administrativement puis être passé tout proche d’un retour dans l’élite, que vise Antibes cette saison ?

Le basket est difficilement pronosticable. En foot, Saint-Etienne se bat pour ne pas descendre en National. Eh bien la Pro B, c'est pire. Il n'y a pas d'équipe qui se détache. Sans langue de bois, bien sûr que l'on veut monter, mais ce n'est pas une science exacte. On doit se mettre dans les meilleures conditions pour aller dans la même direction. L’objectif est d’être prêt en mars pour le sprint final et derrière, avec l’expérience et les joueurs qu’on a, on va en faire chier plus d'un. 

Qu’est-ce que votre expérience dans le football peut apporter au basket ? 

On a mis en place une structure pour se rapprocher des très grands clubs. Il y a des clubs en Pro A qui n'ont pas la salle, le public, la ferveur, les staffs. On est un club unique ici. Tu m'étonnes que les mecs veulent venir, il y a tout. Mais il faut faire attention qu'il n'y en ait pas trop. Ils n'ont pas le droit à l'erreur et c’est à nous de leur filer les outils nécessaires. Ils les ont. 

Vous avez donc professionnalisé le staff en quelque sorte ? 

Pour vous donner un exemple, avec le coach, on a voulu ajouter des préparateurs mentaux. Je connaissais un binôme qui travaille beaucoup en Ligue 1. Cela a été un effort à faire parce que ce n’est pas gratuit. On a travaillé, et il a fallu trois semaines pour que cela aboutisse. Cela a constitué des heures passées au téléphone parce qu’on ne peut pas garantir ce que donne un club de Ligue 1. 

Quelle différence constatez-vous avec le football ? 

Identitaire. En foot, le mec signe quatre ans et s'identifie à son club. Au basket tu peux couper les joueurs. S’il signe en Pologne, il peut aller à Belgrade le lendemain, faire une pige en Lituanie en novembre puis débarquer à Antibes. Le mec, il ne connaît pas, ne sait pas qu’on a été champion trois fois. Ce n’est qu’un passage dans sa vie. Il faut lui faire comprendre qu’ici, l’identité est forte, même en Pro B. C’est un de nos combats et je pense qu’on l’a plus souvent gagné que perdu au niveau du recrutement. Pour faire s’impliquer des mecs dans un projet sur un minimum de durée, c’est différent. 

Maxime Tilliette