
Basket: "Je me suis senti très seul", déplore Akono, victime d’injures racistes en plein match
Racontez-nous, qu’est-ce qu’il s’est passé dimanche ?
On avait un match de championnat à Charleville-Mézières. Un match normal, avec de l’ambiance. On avait des enjeux différents. Et pendant un fait de jeu, un joueur de l’équipe adverse et moi on plonge sur un ballon, on tombe face à une tribune, et j’ai entendu un gars dans la tribune dire: "Relève toi Bonobo." De là, je me suis énervé, l’arbitre m’a dit qu’il avait entendu mais que je ne pouvais pas parler au public sous peine de faute technique. J’ai un peu vrillé, je me suis dit "ce n’est pas possible, je me fais insulter, je n’ai pas le droit de parler, de répondre." Malheureusement, le jeu ne s’est pas arrêté pendant une ou deux minutes. J’ai été voir le 2e arbitre du match lors d’un autre fait de jeu pour lui dire que je m’étais fait insulter de bonobo et qu’il fallait faire quelque chose. Mais rien n’a été fait. Donc j’ai quitté la salle et je suis rentré au vestiaire.
D’autres joueurs ont entendu les insultes ?
Mon capitaine a entendu aussi. Moi j’ai averti l’arbitre et normalement il doit arrêter le match et faire sortir la personne de la salle, ce qui n’a pas été fait. Ça a été un peu flou pendant quelques minutes parce que personne ne savait ce qu’il se passait et ils me voyaient m’énerver. Moi je pense que le match aurait dû être arrêté, je n’ai pas été entendu et écouté, donc j’ai pris la décision de quitter le terrain et de ne pas revenir.
Comment vous vous êtes senti à ce moment-là ?
J’avais les nerfs mais je ne savais pas comment réagir. Tout s’est mélangé. En plus, en rentrant au vestiaire je me suis senti humilié parce que le public me chambrait, me huait et je leur disais: "Moi je ressemble à un bonobo, je viens de me faire insulter de bonobo donc là, devant vous, est-ce que je ressemble à un bonobo ?" Puis j’ai eu des larmes de nerfs. Je me suis senti très seul, t’es humilié et blessé.
Vous êtes encore en état de choc ?
Oui, encore aujourd’hui j’ai du mal à encaisser, à digérer. Je me pose beaucoup de questions. Pourquoi ça m’arrive à moi ? Pourquoi ça arrive encore ce genre de comportements en 2023 ? Mais on va relever la tête, faire en sorte que ces personnes-là ne soient plus autorisées dans les enceintes sportives.
Vous avez reçu plusieurs messages de soutien, notamment de la part de Nicolas Batum, ça vous a touché ?
Oui forcément ça m’a touché. Ce sont souvent d' anciens coéquipiers en professionnel ou dans les catégories jeunes comme Batum. On se connaît tous dans le basket. Tout le monde se sent concerné par ce qu’il s’est passé.
Vous allez porter plainte ?
Je me suis entretenu avec les dirigeants de mon club et le président de la Fédération. J’avais besoin d’être aiguillé par rapport à tout ça. Et je vais porter plainte. Une photographe du match m’a contacté et envoyé quelques clichés. On arrive très bien à reconnaître la personne qui était assise à cet endroit-là. Je vais porter plainte, la fédération est au courant et a mis en place une procédure disciplinaire.
Vous vous sentez soutenu par votre fédération ?
Oui, ils vont m’accompagner jusqu’au bout. Je ne lâcherai pas, s’il faut aller les chercher dans leurs bureaux, j’irais. Il y un vrai élan de solidarité de la part de toute la communauté basket. Il faut changer les choses et les mentalités. Je ne m’attendais pas à autant de soutien. Mais tant mieux si on peut réussir à enlever toutes ces incivilités et ces discriminations dans les salles de basket.
Quelles sont les solutions ?
On ne peut pas savoir qui rentre dans les salles. Ce jour-là précis, une personne peut être raciste ou avoir des propos discriminants envers quelqu’un, on ne pourra jamais prévoir. Par contre, quand on peut identifier les personnes, il faut les bannir à vie. Ces personnes n’ont rien à faire dans nos enceintes.