Ancien documentaliste, figure de l'ultra... Qui est Sofiane Sehili, le cycliste français placé en détention provisoire en Russie?

"Je suis proche du but. Plus que deux jours et c'est fini", se réjouissait Sofiane Sehili le 1er septembre sur son compte Instagram. Depuis, ses près de 50.000 abonnés qui suivaient quotidiennement sa traversée du continent eurasien à vélo restent sans nouvelles. Et pour cause, le cycliste français a été arrêté et placé en détention provisoire en Russie.
D'après l'agence de presse étatique russe Tass, il est soupçonné par les autorités d'avoir "franchi illégalement la frontière russe". "Notre consulat général à Moscou a pris attache avec les autorités russes et sollicité l'exercice de la protection consulaire", ont simplement précisé ce lundi des sources diplomatiques à l'AFP.
Passer la frontière, coûte que coûte
À 44 ans, Sofiane Sehili s'était lancé le défi fou de battre le record du monde de la traversée eurasienne à vélo, le fameux Lisbonne-Vladivostok que l'Allemand Jonas Deichmann avait parcouru en 2017 en 64 jours et deux heures. Le 1er juillet dernier à 8 heures du matin, le Français avait alors quitté Cabo da Roca (Portugal), le point le plus à l'ouest de l'Europe, pour rejoindre l'Extrême-Orient russe après avoir traversé 17 pays et parcouru 18.000 kilomètres.
Mais, son périple a pris fin le 2 septembre à moins de 400 kilomètres du but, bloqué par les douaniers à la frontière sino-russe. Alors qu'il allait se présenter à Vladivostok avec une belle avance sur le record du monde, Sofiane Sehili s'est décidé à faire un détour de 200 kilomètres pour entrer en Russie. Mais la sentence a été la même dans trois postes malgré son e-visa russe, seul un passage en bus ou en train aurait été autorisé à l'un d'entre eux.
"Je suis la principale attraction, le seul étranger. La police inspecte mon vélo, me regarde et ne me dit rien. Je ne sais pas si je vais pouvoir passer la frontière", avait-il commenté en story Instagram. Avant d'annoncer la mauvaise nouvelle à ses abonnés: "Échouer si près du but, c'est déchirant. Désormais, j'ai dix mois pour décider si je veux repartir une nouvelle fois pour ce record... ou s'il restera un échec pour toujours."
D'après sa compagne Fanny Bensussan à L'Équipe, le cycliste a tenté une dernière fois de traverser la frontière en longeant une voie ferrée transfrontalière puis en se présentant à la douane ferroviaire de Sosnovaya Pad. "Il reconnaît (le franchissement illégal) mais il n'a pas pris la mesure de la chose", a-t-elle expliqué. "Il l'a fait en pensant à son sport, sans penser aux relations diplomatiques, en pensant: 'À partir du moment où je suis là, ils vont juste valider mon visa, qui est valable, et je vais continuer.'"
Des centaines de milliers de kilomètres à vélo
En quelques années, le désormais quadragénaire s'est rapidement imposé comme l'une des figures de l'ultra-endurance à vélo, discipline faite d'épreuves longues de plusieurs centaines ou milliers de kilomètres. Documentaliste au magazine Telerama jusqu'en 2012 avant de devenir coursier à vélo, celui qui a quitté la région parisienne pour le Sud-Ouest de la France assure avoir parcouru plus de 200.000 kilomètres depuis 2010.
Pleinement investi dans l'ultra-cyclisme depuis 2014 et un voyage de 20.000 kilomètres en Australie et Nouvelle-Zélande, il compte déjà de belles marques à son palmarès. "En neuf ans, j'ai participé à plus de 25 courses d'ultra-cyclisme, dont 11 remportées", écrit-il sur son site internet.
Parmi elles, le Tour Divide en 2022, un périple le long des montagnes Rocheuses aux États-Unis depuis le Canada, le tout en complète autonomie. Difficile également de ne pas mentionner ses trois victoires sur la Silk Road Mountain Race (2021, 2022 et 2023), une course de près de 2.000 kilomètres et 35.000 mètres de dénivelé positif au Kirghizistan.
Des exploits sportifs accomplis grâce à une détermination et une résilience sans faille. "À partir du moment où j'ai une idée dans la tête, je sais qu'un jour elle se fera", confiait-il en février 2024 dans le podcast "Dans la tête d'un coureur". Une interview durant laquelle il avait d'ailleurs révélé prendre en compte les conflits géopolitiques dans ses longues traversées. "Tu n'as pas le choix, avait-il assuré. Ce sont des vraies questions qui se posent, notamment sur un Lisbonne-Vladivostok."