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Paris-Nice: comment Pogacar, vainqueur devant Gaudu, a patiemment tricoté son Maillot jaune

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Avec 24 secondes de bonifications glanées depuis le départ de Paris-Nice dimanche, Tadej Pogacar a patiemment tricoté son maillot jaune de leader acquis ce mercredi après sa victoire d'étape à La Loge des Gardes, une seconde devant le Breton David Gaudu, son dauphin au classement général. C'est, pour le talentueux Slovène, le fruit d'une façon de courir dénuée de complexe, parfois risquée mais portée vers l'attaque à tout prix.

Si son talent l’avait guidé vers la musique, la composition phare de "maître Tadej" se serait sans doute appelée le Canon de Pogacar. Car sur le vélo, les jours se suivent et le refrain se répète inlassablement pour le virtuose slovène, double vainqueur du Tour de France. Deux fois à l’attaque dans le final de la 1ère étape de ce Paris-Nice dimanche, il avait fait voler le peloton en confettis dans la Côte de Million-la-Chapelle avant de prendre quelques minutes plus tard les 6 secondes du sprint bonification placé à 5 kilomètres de l’arrivée.

Rebelote lundi, avec cette fois un sprint bonification placé à 13 kilomètres de l’arrivée et lors duquel Tadej Pogacar est notamment allé devancer le sprinter Michael Matthews pour prendre un nouveau bonus de 6 secondes. Et ce mercredi encore, Tadej Pogacar est allé en chercher deux supplémentaires lors d'un sprint intermédiaire placé à 15 kilomètres de l'arrivée et encore 10 de plus au titre de sa victoire d'étape. Face à lui, David Gaudu n'en a pris que 6 depuis le départ dimanche. Jonas Vingegaard le Danois pas une seule. Moralité: Pogacar se retrouve leader du classement général devant ses deux principaux concurrents, en dépit d'un contre la montre par équipes pas franchement inoubliable hier à Dampierre-en-Burly. Et sans ces 24 secondes de bonifications, le leader du général s'appellerait ce mercredi soir David Gaudu.

Gaudu battu d'un cheveu ce mercredi

Le Breton de la Groupama-FDJ n’a été battu que pour une petite seconde ce mercredi au sommet de la Loge des Gardes, petite station de ski de l’Allier. Parti en contre à 3,5 km du sommet, lorsque les deux ogres se sont relevés après leur première attaque, Gaudu a même pu envisager la victoire en prenant près de 20 secondes d'avance. Pogacar est finalement revenu en trombe pour s’adjuger la victoire et la première place du général grâce aux bonifications prises les jours précédents.

"Evidemment, c’était une tactique de sprinter pour aller chercher le plus de bonifications possibles, c’est toujours mieux d’avoir quelques secondes dans sa besace explique le manager général de son équipe UAE-Team-Emirates, Joxean Fernandez, mais attaquer pour aller chercher des bonifications, c’est de toute manière un concept qui lui plaît. C’est utile car ça lui permet d’être compétitif, mais surtout ça l’amuse."

L’amusement, un mot qui revient souvent à l’évocation de l’espiègle prodige Slovène, dont la petite facétie du jour a été ce coup d'œil malicieux et cet immense sourire à la moto-caméra en pleine montée finale à moins de 4 kilomètres de l'arrivée. Lui-même l’avoue, "j’aime la course, j’adore voir que la façon dont on court de nos jours est beaucoup plus fun, ça me plaît. Il faut tout donner car on ne sait jamais de quoi l’avenir sera fait." Une façon de courir entièrement portée vers l’attaque qui tranche un tantinet avec celle de son adversaire et empêcheur de tourner tranquillement en rond, Jonas Vingegaard, un peu plus conservateur dans sa manière de construire ses succès. Moins feu follet en résumé.

A la façon des flahutes Mathieu Van Der Poel et autres Wout Van Aert, qui ont ces dernières années substantiellement modifié la physionomie des courses et en particulier des classiques, Tadej Pogacar offre lui un spectacle rarement décevant lors des courses à étapes, qu’il s’agisse du Tour de France ou de courses de moindre importance comme Paris-Nice. C'est "Tadej style" résume simplement Joxean Fernandez. Il n’essaye pas d’être mieux que les autres. Il n’est pas moins bien que les autres. C’est Tadej, avec ses qualités et ses défauts, même s’il a surtout beaucoup de qualités. Mais c’est vrai que Jonas Vingegaard est beaucoup plus dans le contrôle que lui."

"On a besoin de spectacle"

Des facéties qui font bien sûr parler dans la caravane cycliste. Très souvent en bien. "On a besoin de spectacle et de ce genre de coureurs reconnaît ainsi plein d’admiration Julien Jurdie, directeur sportif de l’équipe française AG2R-Citroen. Chaque sport à ses phénomènes. Quand le PSG joue des matchs très difficiles en foot, on compte sur qui ? Mbappé pour sa rapidité et Messi pour son habileté. Nous dans le vélo on a des coureurs comme Van Der Poel, Van Aert ou Pogacar, et c’est tant mieux pour notre sport. Pogacar, quand il dynamite la course, je serre un peu les fesses dans la voiture en espérant que nos coureurs tiennent le coup, mais je suis vraiment fan de sa façon de faire. C’est hyper agréable, les spectateurs se régalent. Et pour ne rien gâcher c’est un garçon fort sympathique qui a toujours un petit geste pour tout le monde."

Une attitude de la part du Slovène qui fait effectivement l’unanimité. Toujours souriant et facétieux comme en témoignent l’agréable légèreté des interviews accordées aux journalistes qui le suivent, Pogacar brille également par son flegme auprès de ses coéquipiers et de son staff. "C’est un très bon compagnon de route, témoigne ainsi Joxean Fernandez. C’est un leader plus qu’un champion. Les champions exigent. Lui, il est le premier à combler un manque ou un besoin pour ses copains si c’est nécessaire. Oui c’est un champion sur le vélo, mais avec ses équipiers c’est un vrai leader."

Arnaud Souque, à La Loge Des Gardes