Quand le cyclisme sur route sort des sentiers battus avec succès pour mieux se renouveler

Les fans de Gravel ne devaient pas trop savoir où donner de la tête ce week-end. Entre les championnats du monde de la discipline dans le Brabant Flamand remportés par Mathieu Van Der Poel et la 118e édition de Paris-Tours, rendez-vous automnal transfiguré depuis l'apparition en 2018 dans le final de son parcours d'une dizaine de kilomètres de chemins de vigne particulièrement graveleux, ils avaient de quoi faire.
Il faut dire que le Gravel, discipline popularisée dans les années 1990 aux Etats-Unis se situant aux confins du vélo de route, du cyclo-cross et du VTT a de plus en plus d'adeptes. Et s'il avait eu le choix, Christophe Laporte, vainqueur hier de Paris-Tours se serait aligné en Belgique pour les championnats du monde. "J’y avais pensé car j'aime bien cette discipline confirme-t-il, mais l’équipe (Visma Lease a Bike) avait besoin de courir aussi ici. Le Gravel ça devient à la mode et c’est sympa. Personnellement ça me plaît car j'aime quand c'est un peu chaotique."
"Toujours une belle course ici, c'est bien que les échappés arrivent au bout"
Qu'à cela ne tienne, le Varois a tout de même eu sa dose de sensations dans l'Indre. Car si la Classique des feuilles mortes reste bien une course du calendrier sur route, elle a comme de plus en plus d'autres moments de la saison troqué une partie de ses habits de bitume pour des chemins moins académiques, des chemins de Gravel, traduisez "gravier" en français. Hier, ces "graviers" ont par-dessus le marché été généreusement arrosés de pluie rendant le scénario aussi incertain que la course épique et boueuse.
Car après une première attaque du Danois Mads Pedersen à 70 kilomètres de l'arrivée, c'est finalement le coup de force de Christophe Laporte 40 kilomètres plus loin qui a fini par faire la différence. A chaque fois ces deux gros bras sont sortis aux abords de ces fameux chemins de vigne transformés en bains de gadoue. C'est finalement le Français qui a gagné au bout d'une échappée en compagnie de Matias Vacek, douchant comme l'an passé les ambitions de sprinters pourtant venus en nombre. "C'était un gros travail de placement et ça s'est quand même fait à la jambe. Les plus forts étaient devant, reconnaissait à l'arrivée Anthony Turgis finalement 10e. Avec les chemins, c'est toujours une belle course ici, et c'est bien que ce soit des échappés qui arrivent au bout."
78% des fans approuvent les parties de gravel sur le Tour de France
Et le Francilien sait de quoi il parle lui qui s'était justement imposé cet été sur l'étape des chemins blancs de Troyes, journée parmi les plus mémorables du dernier Tour de France. Rien de tel en effet pour lutter contre l'ennui et les scénarios cousus de fil blanc que ce genre de journées sur le vélo. "Les spectateurs aiment ça sourit Christophe Laporte. Ce n’est pas toujours logique, mais les gens aiment regarder ce genre de course à la télé, c’est pour ça qu’on en voit un petit peu plus." Confirmation de la part du public qui après l'étape des chemins blancs sur le Tour avait à 78% répondu oui à la question suivante sur le site spécialisé Pro Cycling Stats: "Des étapes de type Gravel ont elles leur place sur le Tour de France?" Un sondage à plus de 10.000 participants tout de même.
Véritable machine à laver les ambitions des coureurs les moins à l'aise dès que le bitume se dérobe sous les pneus pour laisser place à des terrains plus hasardeux, les parties de Gravel accouchent souvent de journées tout sauf monotones comme par le passé seule la Grand-Messe annuelle de Paris Roubaix savait en procurer. Entre Paris-Tours, certaines étapes sur les Grands Tours ou encore les Strade Bianche, les organisateurs ont la preuve que ce cyclisme de pionnier fait d'un retour à la terre et à l'instinct a tout pour plaire. Aux coureurs y compris qui étaient donc nombreux hier à s'être aventurés aux championnats du monde de Gravel (Van Der Poel, Del Toro, Mohoric, Benoot, Merlier). "Des journées comme ça, oui mais pas tout le temps", tempérait pour sa part au bout de l'avenue de Grammont à Tours Anthony Turgis le visage maculé de boue et un sourire malgré tout.