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Total Direct Energie, les vélos de ses ambitions

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Alors qu’elle s’aligne dimanche sur Gand-Wevelgem, grande classique flandrienne dont elle raffole, l’équipe vendéenne de Jean-René Bernaudeau bénéficie d’une confiance accrue. L’arrivée dans ses rangs du triple champion du monde slovaque Peter Sagan à l’intersaison, et avec lui des vélos d’un équipementier californien considéré comme le meilleur du milieu, a donné le supplément d’âme qui explique en partie les bons résultats de début de saison. 

Le 11 mars dernier à quelques encablures d’Aubagne dans les Bouches-du-Rhône, le Vendéen Mathieu Burgaudeau a porté un coup de boutoir aussi décisif qu’inattendu dans le final de la 6e étape de Paris-Nice. Même les monstres du sprint, Van Aert, Pedersen et autres Coquard ne le reverront ce jour-là qu’après la ligne d’arrivée. A 23 ans, le coureur de Total Direct Energie signait pour l’occasion la première victoire de sa carrière pro. Pour parachever cette belle journée, son leader Pierre Latour conservait lui sa troisième place provisoire au classement général. "Il y’a une grosse dynamique souriait alors leur directeur sportif Benoît Genauzeau. Avec l’arrivée de Peter Sagan tous les coureurs ont voulu être à la hauteur, à la fois de ce grand champion et du nouvel équipementier venu avec lui." 

L’équipementier dont parle Benoît Genauzeau, c’est Specialized, une marque californienne tout simplement considérée comme la meilleure au monde. Pour les connaisseurs, le modèle précis du vélo répond au nom très aérien de Tarmac SL7 (disponible pour le grand public au prix catalogue de 12.800 euros) "Avec des vélos pareils, dans la tête il n’y a plus d’excuse reconnaît volontiers Fabien Doubey, coureur de la formation Total Direct Energie. C’est des petits plus et on sait qu’ils sont très importants pour performer dans le peloton international. Ça va de plus en plus vite. Tous les détails mis bout à bout, ça fait une grosse différence à la fin." 

500 grammes de moins, 15 watts de plus 

Et les chiffres avancés sont en effet assez parlants. Lors de tests réalisés il y a quelques semaines au Vélodrome National de Saint Quentin en Yvelines, Pierre Latour a par exemple gagné 15 watts de puissance moyenne avec son nouveau vélo de chrono. De quoi faire pâlir d’envie les cyclistes du dimanche aux yeux en permanence rivés sur leurs capteurs de puissance. "15 watts, ça n’est pas négligeable, ça commence à représenter de gros gains" explique Fabien Doubey. "A force égale sur le vélo, on va plus vite. Comme ça on sauve de l’énergie pour les fins d’étapes en ligne. Et sur un chrono, un gain de 15 watts de moyenne, ça se chiffre en secondes." 

Ces gains de puissances s’expliquent par plusieurs facteurs. En premier lieu, il faut citer la légèreté de ces nouvelles machines par rapport aux anciennes de la formation vendéenne. Capables de descendre à 6 kilos 800, poids minimal autorisé par le règlement, contre un peu moins de 7 kilos et demi pour le vélo précédent de la marque italienne Wilier Triestina. "Psychologiquement pour un coureur au bout de 200 kilomètres, si vous avez 500 ou 700 grammes de moins que l’adversaire ça fait la différence, se réjouit Dominique Arnould, autre directeur sportif de l’équipe française. Ça fait des watts en plus et de la fatigue en moins." 

Le meilleur vélo du monde aux yeux de Julian Alaphilippe 

Autre atout majeur, la qualité intrinsèque du matériel de l’équipementier californien. Les vélos qu’il fournit à Total Direct Energie ont des cadres dotés d’une fibre en carbone de très haut de gamme. Une composante à la rigidité à toute épreuve en dépit de sa légèreté, le cadre ne pesant que 800 grammes à nu. "On a un vélo assez juteux pour pouvoir exploser ou suivre sur les sprints et les accélérations franches poursuit Fabien Doubey. Il n’est pas mou, il encaisse chaque coup de pédale sans se tordre dans tous les sens."  

Une rigidité dont ne pourrait plus se passer le double champion du monde Julian Alaphilippe pour planter ses attaques éclair. Egalement équipé dans sa formation belge de ce vélo très haut niveau, il le considère comme le meilleur avec lequel il n’ait jamais roulé. A propos de l’importance de sa rigidité, son cousin et entraîneur Franck Alaphilippe résume: "pour la faire simple on peut utiliser cet exemple : prenez un bâton bien dur et une branche toute souple qui font le même poids et essayez de les lancer. Le bâton va partir tout seul alors que la branche va moins bien pénétrer dans l’air. En clair, quand un coureur attaque, avec ce genre de machine rigide ça répond tout de suite." 

"C’est des F1, on va plus vite" 

Au-delà de l’aspect "rigidité", l’aérodynamisme semble par ailleurs s’approcher de la perfection. Notamment grâce à la roue "Roval" fabriquée himself par l’équipementier, dont la hauteur de jante tout en gardant sa légèreté, est plus importante que la moyenne, oscillant de 5.1 centimètres à l’avant à 6 centimètres à l’arrière. "Il y’a eu énormément de progrès en la matière", témoigne Vincent Poulain, mécanicien depuis 22 ans auprès de l’équipe de Jean-René Bernaudeau et qui a vu passer sous ses clés à molettes plusieurs générations de vélos. "Là, avec cette roue, le vent s’engouffre beaucoup moins et les coureurs le ressentent vraiment."  

Une donnée est d’ailleurs avancée par les aérodynamiciens du fabricant américain: le gain de stabilité sur le vélo serait accru de 25% avec ce genre de roue. En conséquence, les coureurs parviendraient plus facilement à garder leur trajectoire lorsque des rafales latérales viennent les titiller, avec là aussi, une certaine économie d’énergie et des gains sur la performance globale. "Avec ces roues hautes, pendant les stages, on a senti quand on roulait à grande vitesse une vraie inertie, confirme Fabien Doubey. En échappée le vélo nous aide, en tête de peloton pareil, sur les placements décisifs aussi. Il y’a quelque chose qui fait qu’on va plus vite. Ces vélos, ce sont des F1, c’est très agréable. C’est capital, quand on est sur la machine 4 ou 5 heures que ça réponde. C’est primordial un bon vélo."  

Gains marginaux, succès magistraux 

Et ça fait donc partie des fameux gains marginaux que l’équipe Total Direct Energie essaye de proposer entre autres choses à ses coureurs pour tirer pour l’instant avec succès le collectif vers le haut. En la matière, un autre coureur français peut témoigner de la nécessité de ce genre de détails pour progresser, c’est Christophe Laporte passé cette année de Cofidis à la formation néerlandaise Jumbo Visma, l’une des toutes meilleures du peloton. Lui aussi désormais équipé d’un vélo d’exception fabriqué par la firme canadienne Cervélo, il a enfin à 29 ans, signé sa première victoire en World Tour lors de l’étape inaugurale de Paris-Nice à Mantes-La-Ville début mars. Il avait déjà ressenti les bénéfices de cette nouvelle monture dès ses premiers coups de pédales lors de sa préparation hivernale. 

"Ici, tout est optimisé. Le matériel, l’entrainement, la nutrition, les stages de trois semaines en altitude, témoigne-il. On pèse ce qu’on mange, donc on ne mange que ce dont on a besoin. Le pôle performance est impressionnant, et c’est pour ça aussi que l’équipe marche. Mentalement, quand on prend le départ d’une course en sachant qu’on a toutes les chances de notre côté, que le vélo est parmi les meilleurs, on se pose moins de questions. C’est les "pour-cent" qu’on va gagner notamment sur le matériel, l’entrainement et la confiance en soi qui font qu’on arrive à aller un peu plus loin." 

Dernière illustration en date chez Total Direct Energie, le formidable final de Milan San Remo samedi dernier où Anthony Turgis s’est offert une sublime et à la fois très décevante deuxième place derrière le Slovène Matej Mohoric sur le premier monument de la saison en sortant à la pédale du groupe des favoris (Pogacar, Van Der Poel, Van Aert, etc.) sur la Via Roma. A une marche du plus beau coup de sa carrière, le Francilien retentera sa chance, c’est sûr, ce printemps. Avec une machine qui pourrait donc lui donner encore plus d’ailes, un vélo "qui fait vraiment la différence" concluait-il la semaine dernière devant la presse au pied de son bus à San Remo. 

Par Arnaud Souque