Vuelta 2025: "Les coureurs ont peur!", l'association internationale des coureurs cyclistes alerte sur ce Tour d'Espagne de tous les dangers

Au soir de la 17e étape de la Vuelta, Pascal Chanteur, vice-président de l’association internationale des coureurs cyclistes, réagit dans un contexte compliqué pour le peloton de la Vuelta.

Ce mercredi, l’étape est allée à son terme mais on sent beaucoup d’inquiétude chez les coureurs. Comment réagissent-ils aux nombreux incidents qui émaillent la course?

L’étape a eu lieu et l’arrivée s’est déroulée correctement même si ça a été plutôt houleux une fois la ligne franchie en raison de la présence de manifestants. Le peloton a peur. Les coureurs ont peur physiquement du danger provoqué par les manifestants. On a vu ces derniers jours que certains d'entre eux sont violents, voire totalement inconséquents par rapport aux risques qu'ils peuvent faire prendre aux coureurs, donc ça c'est grave. Coureur cycliste d'un grand tour, c'est déjà difficile sans avoir d'aléa autre que l'effort physique et que la prise de risque sur la course. Donc à partir du moment où vous avez des phénomènes perturbateurs et perturbants, c'est d'autant plus difficile. Et puis nerveusement, bien sûr, mais lorsque vous êtes sur votre poste de travail et que vous ne savez pas si vous allez pouvoir exercer votre métier dans de bonnes conditions, c'est très difficile. Et c'est d'autant plus rendu difficile parce que vous avez cet état de fatigue avec la course, de par l'effort que vous avez mis, et puis la nervosité, parce que tout au long de la journée, vous êtes contraint d'être concentré sur ce qui vous entoure. Et ce genre de choses, c'est d'autant plus difficile à appréhender.

C'est donc plus qu’un agacement?

Aujourd'hui, les coureurs ont peur. Aujourd'hui, ils ont peur de chuter. Ils ont peur, comme je vous l'ai dit, du danger que peuvent occasionner les mouvements et les personnes qui composent ces mouvements de représentation et de revendication. Même si, le peloton c'est la société. Donc, vous avez des coureurs qui ont la même sensibilité que les manifestants. Le problème israélo-palestinien, il touche toutes les personnes qui sont dans une démarche sociétale. Mais à un moment donné, ils sont là pour exercer leur métier et ils sont présents sur un événement sportif pour pouvoir évoluer. Ce sont avant tout des compétiteurs. Donc, ils sont là pour le respect de l'événement sportif et de la Vuelta.

Ils ont réalisé un vote ce mercredi matin. Ils ont décidé de neutraliser la course?

Au sein du CPA, nous avons un représentant sur la course qui est en relation constante avec chaque représentant d'équipe. Les représentants d'équipe ont donc voté sur la tenue de l'étape jusqu'au moment où, s'il venait à y avoir un problème de sécurité lié à une manifestation quelconque, ils s'arrêteraient immédiatement et neutraliseraient l'étape pour après être en capacité de pouvoir discuter, de savoir s'ils pouvaient continuer ou non la Vuelta. Et cette décision a été prise à la majorité. Plusieurs choses leur étaient soumises: est-ce que vous voulez arrêter définitivement la Vuelta? Est-ce que vous voulez neutraliser l'étape, et celle que je viens de vous énoncer. Et ils ont décidé par respect pour l'épreuve, et aussi par respect au pays. Le Tour d'Espagne ce n'est pas anodin, c'est comme le Giro, c'est comme le Tour de France, c'est quelque chose d'important pour eux. Donc j'aimerais que le gouvernement espagnol puisse prendre ça en considération de la même manière que les coureurs peuvent prendre le pays en considération.

Est-ce que c'est aux cyclistes et aux sportifs de régler un problème que nos politiques sont dans l'incapacité de régler?

Ça veut dire que vous demandez à ce que la fin de la course soit très encadrée, très surveillée? Il y aura 1.100 policiers supplémentaires dimanche, c'est ce qu'ont annoncé les autorités.

Eh bien ils auront mis le temps, mais c'est une très très bonne chose. Qu'ils puissent soutenir la position des manifestants dont acte, il n'y a pas de problème. Il y a énormément de gens dans la société civile qui ne comprennent pas et qui sont totalement solidaires du mouvement. Mais ce n'est certainement pas en mettant en danger des coureurs, des salariés sur leur poste de travail qu'on peut obtenir gain de cause sur ce genre de choses. Donc oui très bien, je suis très heureux de l'apprendre et je demande clairement à l'état espagnol et au gouvernement espagnol de mettre tout en œuvre pour que la course puisse arriver à son terme et qu'elle puisse mettre en sécurité l'intégralité des acteurs. Et les principaux acteurs ça reste quand même les coureurs.

Il va y avoir d'autres courses même si on est quasiment à la fin de la saison. Est-ce que vous craignez que le cyclisme soit menacé régulièrement par ce type de manifestations?

Moi je répondrai à ces manifestants, est-ce que c'est aux cyclistes et aux sportifs de régler un problème que nos politiques sont dans l'incapacité de régler? Voilà, c'est tout ce que je leur pose comme question. Aujourd'hui les coureurs cyclistes professionnels sont juste là pour exercer un métier qu'ils essayent de faire dans les meilleures dispositions. Et aujourd'hui certains mettent tout en œuvre pour leur interdire d'effectuer leur métier dans de bonnes conditions et qui plus est encore plus grave de les mettre en danger. À aucun moment un coureur cycliste, ou quelque athlète que ce soit, ne vient manifester au pied d'une entreprise ou d'une usine pour empêcher qui que ce soit d'aller travailler.

Jeudi il y a un contre-la-montre où les coureurs de l'équipe Israel-Premier-Tech pourraient être en première ligne, est-ce que vous avez des retours de cette équipe?

Les coureurs savent exactement le soutien que l'on a pour eux, mais si je pouvais faire passer un message là maintenant, c'est: s'il vous plaît que vous puissiez manifester sur quelque cause que ce soit, il n'y a pas de problème, mais surtout ne mettez pas en danger les coureurs. Ne mettez pas en danger les sportifs parce qu'encore une fois ce n'est pas eux qui vont régler ce problème-là. Et le problème israélo-palestinien est gravissime. La situation est dramatique, On en a tous bien conscience, Mais encore une fois ce n'est pas comme ça qu'on va pouvoir régler ce problème.

Quelle peut-être la solution?

Les politiques sont déjà dans l'incapacité de la trouver eux-mêmes, donc je ne vois pas comment je pourrais trouver la solution. Mais encore une fois, ils peuvent aussi très bien mener des actions, même sur la Vuelta, intelligemment, pour essayer de délivrer leur message. Le fait d'être présent avec des drapeaux à partir du moment où ils ne mettent pas en danger les coureurs, c'est déjà quelque chose de visible. Et de montrer qu'ils sont présents.

Propos recueillis par Pierre-Yves Leroux