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Vuelta: "Il faudra que l'équipe se retire", face aux manifestations pro-Palestine, l'équipe Israel-Premier Tech doit-elle quitter la course?

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Après le raccourcissement de la 11e étape à cause de la présence jugée dangereuse de manifestants pro-palestiniens près de l'arrivée à Bilbao, les organisateurs de la Vuelta vont devoir prendre une décision forte. Face à la pression du peloton inquiet pour sa sécurité, ils pourraient bien être contraints de demander à Israel-Premier Tech de se retirer du Tour d'Espagne. À moins que la formation israélienne ne parte d'elle-même.

La situation semble intenable. Contre-la-montre par équipe interrompu, chute, étape écourtée... La 80e édition de la Vuelta est fortement perturbée par des manifestations pro-palestiniennes. En grande majorité pacifiques, ces soutiens au peuple palestinien - au centre d'une grave crise humanitaire - inquiètent les coureurs, certains manifestants prenant des risques inconsidérés pour faire passer leurs messages ou interrompre la course.

Dans leur viseur: l'équipe Israel-Premier Tech (IPT), formation de l'Israélo-Canadien Sylvan Adams - proche de Benyamin Netanyahu - qui veut "porter l'image" de l'État hébreu. Les manifestants réclament le retrait d'IPT des courses World Tour, comme cela a été fait pour les équipes russes ou biélorusses dans de nombreux sports depuis l'invasion de l'Ukraine.

L'UCI face à ses responsabilités

Depuis l'arrivée de la Vuelta en Espagne, la guerre à Gaza a pris de plus en plus de place dans la course. De très nombreux drapeaux palestiniens ont d'abord été brandis sur le bord de la route sans provoquer d'incident. Jusqu'à la 5e étape. Lors du contre-la-montre par équipes, des militants ont tenté - et partiellement réussi - de bloquer les coureurs de la formation israélienne en Catalogne. Le directeur de la Vuelta, Javier Guillen, avait alors indiqué que les organisateurs porteraient plainte auprès de la police, qualifiant cette manifestation d'"acte de violence".

Mardi, l'irruption de manifestants sur la route a provoqué la chute de Simone Petilli. Le grimpeur italien a ensuite déclaré "se sentir en danger", comme bon nombre de coureurs. Ce mercredi, avant le départ de l'étape, plusieurs cyclistes ont pointé les risques pour leur sécurité. Et leurs craintes se sont avérées justifiées puisque des manifestations ont retardé le départ réel et l'arrivée a été neutralisée face à l'afflux de manifestants près de la ligne, faisant tomber certaines barrières.

L'enjeu sécuritaire prend donc le pas sur la course. Et l'accumulation des incidents fait des remous dans le peloton. Mais quelles sont les solutions? Israel-Premier Tech doit-elle se retirer du Tour d'Espagne?

Pour l'instant, l'organisation botte en touche et se reporte sur l'Union cycliste internationale. "Nous avons contacté l'UCI et nous l'avons informé", a déclaré le directeur technique de la Vuelta Kiko Garcia auprès de Marca. "Nous savions que les manifestants étaient très engagés. Jusqu'à présent, rien n'a changé. Espérons que des mesures seront prises rapidement, car le temps passe." En précisant que les organisateurs n'ont tout simplement pas le droit d'exclure IPT - leur présence étant obligatoire - il a ajouté: "La solution, aujourd'hui, il n'y en a qu'une, pour moi, personnellement. Pour que ça se calme, que tout revienne un peu au calme."

"Ils ne devraient concourir sous aucun drapeau"

Du côté des coureurs, les langues commencent à se délier. Très frileux lorsqu'il s'agit de questions politiques, le peloton commence vraiment à craindre pour sa sécurité. "En cyclisme, les coureurs ne sont pas habitués à cette sécurité, et ne sont pas là pour ça", a confié un membre d'une formation française présente sur la Vuelta auprès de RMC Sport. "Mais cela doit surtout être pesant pour l'équipe Israel-Premier Tech qui est entourée de beaucoup de forces de l'ordre."

Membre de la formation Lidl-Trek, l'Espagnol Carlos Verona a lui pris une position forte après l'étape amputée de trois kilomètres. "Israël participe à cette course, le pays est impliqué dans un conflit politique assez important, et l'UCI doit gérer la situation", a-t-il lancé. "La meilleure chose à faire est de maintenir le sport le plus éloigné possible de la politique. Et tant que le conflit dure, ils ne devraient concourir sous aucun drapeau." 

Pour les observateurs, le retrait d'IPT semble inéluctable. Ancien cycliste professionnel et consultant pour RMC, Jérôme Pineau assure que les organisateurs n'ont plus le choix. "J'espère que du côté de l'organisation, on a entendu les causes et le pourquoi de la présence de ces manifestants et de ce qu'ils portent comme message", a-t-il développé. "Si c'est la présence de l'équipe Israël Premier Tech qui pose problème, alors oui il faudra que cette équipe-là se retire pour laisser la place à la compétition."

Avant de préciser: "Je ne crois pas que les coureurs de l'équipe Premier Tech soient des gens qui soient en lien de loin, de près, et qu'ils portent vers eux un message de guerre."

Même son de cloche du côté de Jacky Durand, ancien vainqueur du Tour des Flandres et désormais consultant sur Eurosport. "Pour moi, il n'y a qu'une seule solution parce qu'on n'aura jamais d'arrivée: l'équipe d'Israël va quitter la Vuelta assez rapidement", a-t-il assuré. "C'est terrible pour cette équipe car elle est composée de coureurs qui n'ont strictement rien à voir avec ce qui se passe en Palestine."

Jérôme Pineau a aussi ajouté que le passage de la Vuelta dans des régions espagnoles à forte tendance indépendantiste accroît le risque de débordements, rendant la situation plus explosive chaque jour. Il a néanmoins soufflé une alternative au retrait de la formation israélienne, bien que très difficile à mettre en place: "Une course à huis clos. On l'a fait pendant le Covid. Si on veut que la course aille au bout, on punit une certaine partie de passionnés."

TP