Giro: critiquée, la bataille pour le général va prendre une autre tournure en dernière semaine

Le menu est copieux. La troisième et dernière semaine du Tour d'Italie s'annonce comme la plus excitante en vue de la bataille pour le maillot rose. Il faut dire aussi que les deux premières n'ont pas été les plus enthousiasmantes dans cette perspective, à l'image du camouflet sur les pentes de Gran Sasso lors de la septième étape. Ou de la treizième étape raccourcie en raison de la météo, une décision perçue comme une forme de blasphème par les anciens.
Un condensé de difficultés en troisième semaine
Sur les six journées restantes, quatre auront lieu en altitude soit un condensé de difficultés qui peut expliquer l'attentisme des leaders. Au lendemain de la journée de repos, les coureurs reprendront la route ce mardi vers Monte Bondone, au-dessus de Trente. Le peloton n'empruntera pas le versant le plus raide (6,7% de moyenne) mais la longueur (21,4km) du col, devrait permettre d'assister à de premières différences. D'autant plus que le Monte Bondone interviendra après quatre cols.
Après une étape sans aucune difficulté mercredi, il faudra gravir encore plusieurs cols jeudi en direction de Val di Zoldo et du refuge Palafavera (2,3km à 7%), qui sera précédé par la montée de Coi (5,5km à 9,5%) et Forcella Cibiana (9,7km à 7,7%) dans le final. Mais l'étape de tous les dangers aura lieu vendredi en direction des Tre Cime di Lavaredo, l'emblème des Dolomites. La montée finale est propulsée toit de ce Giro (2.304m) après le retrait du Grand Saint-Bernard et les pentes dans les derniers kilomètres seront terribles (7,2km à 7,6%). Le Passo Giau (9,9km à 9,3%) sera aussi à escalader pour un total de cinq difficultés répertoriées. Reste à savoir si la météo ne perturbera pas encore cette dernière semaine. En 2013, Vincenzo Nibali s'imposait aux Tre Cime di Lavaredo sous des flocons de neige. Depuis, un protocole météo et aux conditions extrêmes est apparu, appliqué par exemple vendredi dernier à l'issue d'un vote.
Enfin, samedi, un contre-la-montre individuel de 18,6 kilomètres sera proposé, incluant la montée menant à Lussari (7,3km à 12,1%). De quoi faire trembler les coureurs sur une route récemment bitumée, anciennement un simple chemin muletier. Primoz Roglic, renversé par Tadej Pogacar lors du Tour de France 2020 sur le chrono de la Planche des Belles-Filles, n'a sans doute pas oublié cet épisode. Les renversements de situation seront encore possibles.
Les coureurs se défendent face aux critiques
Outre le parcours proposé, il faudra aussi que les favoris se dévoilent. Derrière le maillot rose Bruno Armirail, qui s'attend à céder sa tunique, les trois favoris encore en course (Geraint Thomas, Primoz Roglic et Joao Almeida) se tiennent en 22 secondes. La fatigue accumulée depuis quinze jours devrait aussi se faire sentir. Car entre la pluie, le froid et le Covid, ils ne sont plus que 132 coureurs sur les 176 initialement engagés. A titre de comparaison, ils étaient 149 à terminer le Giro l'an passé.
Pour l'heure, les écarts ont été réalisés surtout sur les deux chronos individuels. Vendredi, face à la météo annoncée, le peloton a pris l'initiative et obtenu gain de cause avec une étape raccourcie. Mais derrière l'échappée, où Thibaut Pinot a pris la deuxième place, les leaders n'ont pas attaqué sur les 74 kilomètres proposés.
La décision de réduire cette étape a en tout cas provoqué la colère d'anciens coureurs, à l'image de Marc Madiot, également manager de la formation Groupama-FDJ. "On est en train de détruire notre sport, a réagi le patron de Thibaut Pinot sur RMC samedi. Le cyclisme c'est quelque chose que l'on fait et que les autres ne peuvent pas faire." L'ancien champion du monde belge Philippe Gilbert, devenu consultant sur Eurosport, a lui défendu la "sage" décision de raccourcir l'étape vendredi. Maxime Bouet l'a remercié à l'antenne, en duplex depuis le bus de son équipe sous une pluie battante, réclamant "un peu de bienveillance aux spectateurs s'il vous plaît", "parce qu'on s'est fait beaucoup critiquer alors que là on fait vraiment un Giro de fou".
"La façon de faire du vélo a changé", pour le patron du Giro
Selon le directeur de la course, Mauro Vegni, ce n'est pourtant "pas le Giro le plus difficile qu'on ait connu", rappelant l'édition 1995 où il avait "plu de la première à la dernière étape". Mais, ajoute-t-il, "la façon de faire du vélo a changé". "Certaines équipes et des organisateurs ne voient les coureurs que comme des chevaux de course remplaçables", répond Adam Hansen, patron de l'association des coureurs, qui défend notamment des étapes plus courtes.
Samedi, un peu en patron du peloton, Geraint Thomas avait balayé les critiques des anciens à sa manière: "Il y aussi beaucoup de choses qui se sont passées dans les années 1980/90 et qu'on ne fait plus maintenant. Et on est fier de ça. Alors ils peuvent dire ce qu'ils veulent", a tranché le Gallois dans une allusion au dopage notamment.
Toutefois, en l'absence de rebondissements sur la route, en dehors d'abandons sur chute comme Tao Geoghegan Hart ou sur Covid tel Remco Evenepoel, il serait alors difficile de tirer un bilan positif pour le Tour d'Italie. Les favoris ont encore une semaine pour tout changer et donner raison aux organisateurs, qui ont fait le pari d'attendre la dernière semaine pour proposer les étapes les plus difficiles. En attendant, les baroudeurs s'amusent avec déjà huit victoires pour eux en l'espace de quinze jours.