Pinot sort le grand jeu et fait craquer Bardet

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Un peu par naïveté, beaucoup par noblesse d’esprit, Romain Bardet avait émis durant la journée de repos le souhait d’une alliance franco-française entre AG2R La Mondiale et la FDJ.fr dans le seul but de déboulonner Nibali de son piédestal. Un vœu qui s’est avéré bien pieu dans l’ascension du Port de Balès, premier juge de paix du triptyque pyrénéen, où la suprématie nationale a éclipsé la querelle de voisinage entre Français et Italien. Mais plus qu’un bras de fer tricolore, c’est d’abord et avant tout de podium à Paris dont il est question et à ce petit jeu-là, Thibaut Pinot a éjecté Romain Bardet de la boîte. Avec force et autorité.
Alors que le 3e du Tour avant cette 16e étape avait déjà la mine des mauvais jours dès les premières rampes du Port de Balès, maillot blanc ouvert et fréquence de pédalage saccadée, Bardet lâchait définitivement prise du groupe des favoris à 23 km de l’arrivée sous l’impulsion de Thibaut Pinot, 4e du général derrière lui pour 16 petites secondes, et qui avait ce mardi des jambes de feu. Un « Pinot hors catégorie », oui, impressionnant de maitrise et de panache. Une jambe au-dessus des autres, même, à part Nibali, visiblement le seul à pouvoir soutenir la comparaison avec lui.
Pinot : « J’avais des super jambes »
Décidément intenable, Pinot en remettait une couche à l’approche du sommet, larguant irrémédiablement Bardet mais aussi Van Garderen (5e avant cette étape) à plus d’1’50. Et même la descente vers Bagnères-de-Bigorre, réputée pourtant indigeste voire casse-gueule pour le 10e du Tour 2012, se déroula comme dans un rêve. Bref, Pinot a réalisé un grand numéro qu’il faudra confirmer dès ce mercredi entre Saint-Gaudens et Saint-Lary Pla d’Adet. Mais vue sa forme affichée en ce début de troisième semaine du Tour, on le voit mal perdre pied dans l’étape-toboggan de demain.
« J’avais des super jambes, il fallait que j’en profite, a reconnu le désormais nouveau 3e mais aussi nouveau meilleur jeune du Tour. J’étais au courant oui et non que Romain et Van Garderen étaient lâchés. Mais je ne me suis pas occupé d’eux. Il fallait que j’aille au bout et que j’arrive au sommet en tête d’autant que la descente était piégeuse. J’espère encore avoir les mêmes jambes dans les deux jours à venir. J’ai montré que je suis offensif, il faut continuer comme ça. Je suis en confiance et assez serein. »
Trois hommes pour un coup fin
Même s’il s’en défend car ce n’est que son second Tour à seulement 23 ans, pour Bardet, c’est un peu la soupe à la grimace. Bronzé jusqu’à ce matin, le protégé de Vincent Lavenu doit non seulement céder sa place provisoire sur le podium (il est désormais 5e à 1’34 de Pinot), mais aussi le leadership de son équipe à Jean-Christophe Péraud, qui le devance de 32 secondes.
Mais plutôt que de sortir la calculette et de bouder un plaisir qui devient contagieux, réjouissons-nous : ce soir, trois Français figurent dans le Top 5 du Tour de France. Trois hommes pour un coup fin, à savoir une place sur le podium final du Tour de France. Un rêve qui commence à se matérialiser après dix-sept ans de disette.