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Tour de France: Chris Froome, la victoire dans l’adversité

Chris Froome dans les Alpes, en route vers sa deuxième victoire dans le Tour

Chris Froome dans les Alpes, en route vers sa deuxième victoire dans le Tour - AFP

Vainqueur de son deuxième Tour de France après celui de 2013, Christopher Froome a semblé maîtriser son sujet sans vraiment trembler sur cette Grande Boucle 2015. Le Britannique a pourtant dû faire face à une adversité multiple. Entre soupçons, hostilité et attaques de Nairo Quintana.

L’ère du doute permanent

Son coup de force à La Pierre-Saint-Martin a laissé de nombreux observateurs incrédules. Un sale goût dans la bouche. Trop fort, l'ami Chris Froome. Alors on a utilisé des adjectifs comme « stupéfiant ». On a multiplié les sous-entendus. On a calculé les watts et scruté la fréquence de pédalage. Jurisprudence Lance Armstrong oblige, le cyclisme est rentré un peu plus dans l’ère du doute permanent. Et logique. Trop cocufié, le suiveur joue la prudence avant l’extase. En cas de mauvaise surprise dans le futur, ça permet de tomber de moins haut.

Au-delà de l’interprétation physiologique des chiffres, débat compliqué et souvent tronqué par manque de données, le climat malsain autour de la démonstration pyrénéenne du Britannique trouvait son origine dans cette impression de déjà-vu : une équipe au top, avec encore de nombreux équipiers pour Froome quand certains de ses rivaux ont déjà craqué, et un leader qui écrase tout dès la première étape de haute montagne pour montrer qui est le patron. Ça ne vous rappelle personne ? Le passé est une bête qui vous hante et difficile à enterrer.

Il n’empêche. La présomption d’innocence existe, même dans le vélo. Accuser sans preuve vire au jeu dangereux. La défiance, Froome a dû y faire face les yeux dans les yeux. Equation impossible à résoudre. Un autre succès de la même veine aurait été accueilli par des soupçons. Mais un Froome moins dominateur alimente les rumeurs d’un coureur qui en garde sous la pédale. Le maillot jaune et Sky n’ont pas hésité à tacler certains consultants, accusés de jouer les pompiers pyromanes. Dans la quête de la victoire, l’adversité n’était pas que dans le peloton.

Le bord des routes, terre hostile

Conséquence du premier point et des tacles de certains observateurs ? Piqûre de rappel d’un public trop souvent déçu dans le passé ? L’origine de l’hostilité rencontrée par Froome et les Sky sur le bord des routes du Tour est multiple. Une certitude : elle était bien réelle. On a craché sur le maillot jaune. On l’a insulté. On lui a fait des bras d’honneur. Il faut écouter Pierre Rolland à l’arrivée de l’étape de l’Alpe d’Huez pour réaliser le poids supplémentaire porté par le Britannique dans cette Grande Boucle. « J’ai été déçu du comportement de beaucoup de gens, confirme le coureur français de l’équipe Europcar, 10e du général. Il y avait des gestes déplacés. On s’est pris de la bière sur la figure, j’ai failli tomber plusieurs fois… C’était moins pire qu’en 2013 mais il y a des gens qui ne respectent pas trop le sportif. C’était 100% destiné à Froome. »

Ce dernier, qui n’a pas hésité à raconter toutes ses mésaventures avec le public, ne dira pas autre chose, tout en teintant son discours de positif : « On a dû se battre contre les coureurs, contre le public, contre tous. Mais je tiens tout de même à remercier tout le public qui est venu. C’est ça, le Tour. » Rayon Froome et Sky contre le public, on n’oublie pas le jet d’urine sur Chris et le coup de poing donné à Richie Porte dans les Pyrénées. Même si ces deux histoires, contrairement aux autres, n’ont pas donné lieu à la moindre preuve. En 1975, le quintuple vainqueur du Tour Eddy Merckx avait été agressé dans le Puy de Dôme. Quelque chose nous dit que Froome a eu peur de partager la destinée du Belge cette année.

Quintana l’aura (un peu) fait trembler

La grande bataille des « Quatre Fantastiques » n’aura pas eu lieu. La faute à la forme des uns et des autres et à cette fâcheuse tendance à ne pas savoir s’unir pour faire chuter le maillot jaune. Si Nairo Quintana aura fait trembler Froome dans les ultimes kilomètres de la dernière ascension des Alpes, une journée après lui avoir déjà pris du temps à La Touissuire, les deux autres rivaux annoncés du Britannique – Vincenzo Nibali et Alberto Contador – ne l’ont pas inquiété. Tout en maîtrise dans la première partie du Tour, Froome a écrasé la course dès la première étape des Pyrénées. Derrière, et malgré une équipe Sky très présente à ses côtés, il ne dominera jamais plus de cette façon. Au point de se demander si le garçon n’a pas sciemment décidé de flinguer tout le monde à La Pierre-Saint-Martin pour taper du guidon sur la table et faire peur à ses rivaux, réduisant leurs envies d’attaques par peur du contre fatal.

Peu importe. Il avait pris assez d’avance pour ne pas trop prendre peur dans les Alpes. Même s’il n’aurait pas fallu une arrivée supplémentaire au sommet vu la forme de Quintana (qui a fait mieux que lui sur l’ensemble des étapes de haute montagne) en troisième semaine. Sans parler du moindre incident qui aurait pu le condamner dans l’Alpe d’Huez… « Je n’étais vraiment pas au mieux dans cette dernière ascension de l’Alpe d’Huez, expliquait le premier Britannique double vainqueur du Tour samedi à l’issue de la 20e étape. Je suis allé au bout de moi-même aujourd’hui. J’ai touché mes limites, mes jambes sont mortes. Mais j’ai rempli la mission de mon année. » Membre de la Dream Team RMC Sport, Cyrille Guimard confirme que l’adversité sportive a fini par titiller la confiance du maillot jaune : « Vu son matelas, il était relativement serein. Mais je pense qu’il a eu peur et qu’il a douté. » La deuxième victoire de Chris Froome sur le Tour n’en est que plus belle.

Alexandre Herbinet