RMC Sport

Tour de France: comment le peloton s’organise face aux grosses chaleurs

placeholder video
Epargné par les fortes chaleurs en tout début de Tour de France, le peloton s’attend à rouler sous un soleil de plomb ce week-end et la semaine prochaine. Ce qui pourrait causer des dégâts, même si les coureurs sont préparés pour y faire face.

Oubliées, les températures fraîches des premiers jours. Après s’être élancé du Pays basque sous un ciel capricieux, au point d’avoir longtemps tremblé face aux risques de pluie, le Tour de France est entré dans une nouvelle phase. Le thermomètre s’est envolé vendredi à l’occasion de la septième étape ralliant Mont-de-Marsan à Bordeaux, en dépassant allègrement la barre des 30°C. Les visages étaient tirés et transparents à l’arrivée, et ils étaient plus nombreux à s’engouffrer dans leurs bus climatisés qu’à s’arrêter aux micros des journalistes. Un scénario qui va se répéter tout au long du week-end. Un soleil de plomb s’apprête à taper encore très fort sur les casques avec au moins 32°C attendus ce samedi après-midi du côté de Limoges.

>>> La 8e étape entre Libourne et Limoges en direct

Poches de glace et cryothérapie

Le Puy de Dôme, où se rendra le peloton dimanche, n’échappera pas non plus à cette vague de chaleur. Et si l’on se fie aux prédictions météos, la deuxième semaine du Tour devrait se disputer dans une belle fournaise. Ce qui nécessite forcément quelques ajustements pour préparer les organismes et éviter la déshydratation. "Ce qu’on dit aux coureurs, c’est de s’hydrater de façon efficace, c’est-à-dire très souvent, indique Serge Niamke, médecin de l’équipe AG2R-Citroën. Il faut pouvoir refroidir la température corporelle. Sur des étapes où il fait entre 32 et 36°C, la température ressentie sur le vélo est encore plus élevée, donc les coureurs doivent mettre des poches de glace au niveau des cervicales pour faire baisser au maximum cette température corporelle."

Si l’eau est essentiellement utilisée "pour se rincer la bouche et s’asperger", ce sont les boissons riches en minéraux contenues dans les bidons qui permettent de "compenser la perte hydrique". Autrement dit, il faut boire encore et encore. Jusqu’à 10 ou 15 litres par étape. "Sur une étape, il y a différents points où les soigneurs peuvent donner des bidons. Sur le vélo, les coureurs ont l’habitude, ce sont des professionnels, il y a toujours des petits moments de répit pour s’alimenter et boire. Au niveau de la récupération, quand l’étape est finie, il est possible par exemple de prendre des bains de glace ou de faire de la cryothérapie (méthode de traitement par le froid, ndlr) pour faire baisser la température corporelle", précise Serge Niamke.

>>> Pour écouter la radio digitale RMC 100% Tour, c'est en cliquant ici

Vingegaard le revendique, il "aime la chaleur"

Après la première étape du Tour à Bilbao, des spectateurs un peu curieux ont ainsi pu voir Tadej Pogacar s’offrir discrètement (et rapidement) un bain de glace une fois franchi la ligne d’arrivée, seulement une poignée de secondes avant de monter sur le podium récupérer son maillot de meilleur jeune. "C’est un simple refroidissement, ce n’est rien d’extraordinaire, avait expliqué au site Cyclingnews le directeur médical de la formation UAE-Emirates, Adriano Rotunno. Nous n’utilisons pas d’immersion prolongée, car il a été prouvé qu’elle n’est pas bénéfique pour la récupération et la performance. Là on entre dans le bain et on en ressort après moins d’une minute. Ça permet aux coureurs de se sentir mieux. On le fait uniquement à leur demande. La température dépend de la température ambiante et de l’endroit où nous nous trouvons, mais c’est généralement entre 10 et 15°C. Nous le faisons dans un van uniquement pour respecter la vie privée des coureurs, nous n’avons rien à cacher."

Certains se souviennent sans doute que Pogacar avait un peu coincé dans le Ventoux en 2021 sur le Tour en raison de fortes chaleurs, alors que son rival danois Jonas Vingegaard aime répéter qu’il se sent très à l’aise quand la course se transforme en sauna géant. "C’était une étape assez facile même s’il a fait très chaud. J’aime la chaleur donc pour moi ça ne pose pas vraiment de problème. Je me débrouille plutôt bien quand il fait chaud", clamait le maillot jaune vendredi, à Bordeaux. Si certains ont plus de mal avec la chaleur, à l’image d’un Thibaut Pinot qui reconnaît lui-même préférer la douceur du printemps aux canicules estivales, le peloton ne semble pas particulièrement inquiet à l’heure d’affronter ces journées qui s’annoncent éprouvantes. "C’est la même chose pour tout le monde et on commence à être rodés au fil des saisons avec un Tour de plus en plus chaud, donc ça va pour l'instant", positive Marc Madiot, manager de la Groupama-FDJ.

Le rôle essentiel des porteurs de bidons

"On n'a pas beaucoup d'air, c'est compliqué mais on essaie de se refroidir un maximum. On a des gilets réfrigérés pour garder de la fraîcheur avant le départ", témoigne le grimpeur Aurélien Paret-Peintre (AG2R-Citroën). "Ça tapait déjà pas mal dans les bosses des Pyrénées. Mais quand c’est plat et qu’il y a du vent, ça va", sourit le sprinteur de Cofidis, Axel Zingle, alors que l’Italien Luca Mozzato (Arkéa-Samsic) se tient déjà prêt : "Les jambes commencent à être fatiguées, une grande partie du peloton est dans la même situation. Dans les Pyrénées, il faisait frais mais pas assez. Là ce sont les premiers jours vraiment chauds, il faudra continuer à beaucoup boire et utiliser des glaçons, mais c’est pareil pour tout le monde." Dans ces conditions, le rôle des "porteurs d’eau" devient essentiel.

"On commence à avoir de l’expérience, souligne Nicolas Guillé, directeur sportif chez AG2R-Citröen. On a des coureurs qui sont chargés de redescendre à la voiture pour aller chercher des bidons et les poches de glace. Ils sont très importants. Sur des journées chaudes, les coureurs boivent un peu plus que d’habitude dès le matin. On leur fait des rappels réguliers. Il faut boire même si on n’a pas très soif, il faut faire les efforts pour aller chercher des bidons et la glace. L’idée, c’est de prendre un bidon toutes les 20 minutes. Les coureurs peuvent aussi mettre des gilets froids au départ. Les organisateurs, eux, ne mettent rien en place de particulier, c’est à nous de trouver les meilleures solutions pour empêcher les coups de chaud." Et pour éviter de connaître la même mésaventure qu'un Romain Bardet l'an dernier. Sonné par le soleil dans la terrible ascension de l'Alpe d'Huez lors de la 12e étape, le leader de DSM avait alors perdu de précieuses places au général.

Rodolphe Ryo (à Libourne)