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Tour de France: d'une relégation promise aux victoires à la chaîne, comment Astana a réussi une folle "remontada" en 2025

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Avec plusieurs cartes dans son jeu, XDS Astana ne devrait pas tarder à passer à l'action sur le Tour de France, dans la lignée d'une saison très, très solide. Au plus mal en début d'année, la formation sino-kazakhe a depuis réussi une drôle de remontée. Le fruit de savants calculs.

C'est l'histoire d'une folle "remontada". Si le terme apparaît souvent galvaudé, et sorti à toutes les sauces depuis une certaine nuit catalane de mars 2017, difficile de qualifier autrement la saison accomplie par XDS Astana. Au bord du précipice fin 2024, la formation sino-kazakhe mène depuis un train d'enfer, à la faveur d'une stratégie parfaitement rodée et assumée qui pourrait bien lui permettre de signer quelques jolis coups sur ce Tour de France. Le tout sans Mark Cavendish, son rayon de soleil de l'an dernier, parti en retraite après avoir fait tomber le record de victoires d'Eddy Merckx et présent dans le Nord comme simple spectateur cette semaine.

Cette fois, pas de star mais un casting tout terrain et cosmopolite digne d'un film de Cédric Klapisch. Avec en première ligne l'Italien Simone Velasco, improbable quatrième de Liège-Bastogne-Liège au printemps, le Néerlandais Mike Teunissen, éphémère maillot jaune en 2019, et le duo colombien Sergio Higuita-Harold Tejada, espéré en montagne. Surprenant septième de Paris-Nice, le Niçois Clément Champoussin est également de la partie, avec une ambition claire: sauter sur toutes les occasions et remplir de points UCI la valise de l'équipe dirigée par Alexandre Vinokourov.

Data scientist et courses exotiques

"Personne ne s'attendait à ce qu'on revienne comme ça dans le match", sourit Champoussin au micro de RMC Sport. "On avait pas mal de retard mais ça ne nous a pas mis plus de stress que ça et on a su très bien démarrer avec plusieurs succès. On est vite remontés et aujourd'hui on est dans une bien meilleure position, même si on sait que la saison est encore longue." Elle réunit pour l'heure tous les ingrédients de la success-story, au point de faire d'Astana la quatrième meilleure équipe en 2025, derrière les gros poissons UAE Emirates, Lidl-Trek et Visma-Lease a bike.

Un timing parfait puisque la saison en cours est la dernière d'un cycle de trois ans de relégation/promotion dans le World Tour, la première division du cyclisme qui regroupe les 18 meilleures formations du monde. En janvier, Astana se traînait au fond du gruppetto, pointée au 21e rang avec 5000 points de retard sur le dernier non-relégable. Six mois plus tard, la voilà propulsée à la 17e position, devant Picnic et surtout Cofidis, qui se retrouve virtuellement reléguée. "J'ai vu que Cédric Vasseur disait sur notre programme: 'Non, on ne s'inquiète pas trop'. Ok, on verra bien…", jubilait le mois dernier Vinokourov sur Eurosport.

Le classement UCI des équipes sur la période 2023-2025, au 5 juillet
Le classement UCI des équipes sur la période 2023-2025, au 5 juillet © Capture d'écran ProCyclingStats

Pour réussir cette remontée, Astana a d'abord pu compter sur l'arrivée de capitaux chinois, via son nouveau sponsor, le constructeur de cycles XDS. De quoi rehausser son budget à hauteur de 30 millions d'euros et attirer des coureurs capables de scorer partout ou presque comme le vétéran néerlandais Wout Poels (37 ans). Autre signature majeure : celle d'un "data scientist" français, Morgan Saussine, passé par... le monde de la finance. C'est lui qui a été chargé d'optimiser le calendrier 2025 en visant avant tout des courses mineures - pour ne pas dire exotiques - afin d'aller gratter des points plus facilement qu'en affrontant directement des cadors.

Pas question par exemple d'aller s'aventurer sur le Tour de l'Algarve, promis à Jonas Vingegaard. À la place, le Néo-Zélandais Aaron Gate et l'Italien Matteo Malucelli se sont chargés de lever les bras sur le confidentiel Tour de Hainan, en Chine. Autre razzia sur le Tour de Turquie avec quatre victoires d'étapes et le général final pour Poels. Ou en Hongrie avec l'Équatorien Harold Martín López.

"Ils sont dans leur rôle"

"Ils ont raison !", explique à RMC Sport Marc Madiot, manager de Groupama-FDJ. "On ne peut pas leur donner tort, c’est logique. Ils sont dans leur rôle, je n’ai aucun souci avec ça. Il est clair que les points UCI sont vitaux pour un certain nombre d’équipes. Nous aussi on surveille en permanence notre quota de points. Nous aussi on met nos meilleurs effectifs sur les courses qui nous conviennent le mieux. On n’a pas le choix. Quand tu n'es plus en World Tour, ça devient vite compliqué en termes de sponsoring et de visibilité. On ne peut pas se permettre de ne pas être en World Tour."

Même discours du côté de Christian Guiberteau, directeur sportif du Team Picnic PostNL, en concurrence directe avec les hommes en azur pour se maintenir en D1 : "Ils étaient très limite, ils sont partis à la guerre avec leur recrutement et ils ont fait une remontada. Est-ce que ça va tenir toute la saison, je ne sais pas. Nous, on essaie aussi de performer. On ne va pas changer notre façon de faire." La bonne recette d'Astana, c'est en prime un saut de performance en termes de matériel avec XDS, des recherches poussées autour de la nutrition (et les fameux glucides à ingurgiter par dizaines sur le vélo), et une confiance gonflée à bloc à l'image du doublé réussi par Christian Scaroni et Lorenzo Fortunato sur la 16e étape du Giro.

"En début de saison, quand on nous a parlé des points UCI, c'était un enjeu important et ça paraissait vraiment compliqué. Alors rester en World Tour, ce serait une belle victoire collective", résume Champoussin, convaincu qu'Astana, fanny samedi à Lille, a les armes pour décrocher sur ce Tour son 22e bouquet de la saison. Et ce dès ce dimanche à Boulogne-sur-Mer ?

Rodolphe Ryo, à Lauwin-Planque