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Tour de France: le peloton prudent mais pas effrayé par la menace du coronavirus

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Avec son protocole sanitaire, le Tour de France peut donner l'impression de vivre dans un monde parallèle alors que le coronavirus n'est quasiment plus un sujet dans les autres sports. Mais la situation est bien vécue par les coureurs, pas inquiets outre mesure.

Christian Prudhomme aimerait sans doute ne pas trop y penser. Pour éviter les migraines avant d'aller dormir. Parce qu'il faut du suspense, des retournements de situation et des têtes d'affiches pour un blockbuster réussi, le directeur du Tour de France doit prier les dieux du vélo pour ne pas connaître la même mésaventure que ses collègues du Tour d'Italie. En mai, après moins de dix jours de course, le Giro s'était retrouvé orphelin d'un de ses rôles principaux. Alors qu'il venait de reprendre le maillot rose de leader du classement général, Remco Evenepoel avait lui-même annoncé son retrait de la course après un test positif au coronavirus. Un coup de tonnerre et le début d'une hécatombe sur le premier Grand Tour de la saison.

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Le Covid-19 était revenu hanter le peloton sans prévenir avec une série d'abandons pendant trois semaines. Pour ne pas voir ce scénario cauchemar se répéter, les organisateurs du Tour ont donc opté pour un protocole sanitaire. Alors qu'il n'est plus qu'un mauvais souvenir pour le monde entier ou presque, le masque va accompagner la Grande Boucle jusqu'à l'arrivée à Paris le 23 juillet prochain. Comme lors des trois dernières éditions, journalistes, suiveurs et autres invités devront le porter au contact des coureurs. Et respecter une "distanciation sociale". Avant le départ samedi à Bilbao, seules quelques formations ont opté pour des conférences de presse en présentiel. Les autres ont préféré ressortir les liens Teams et Zoom comme des reliquats du confinement. Mais si les coureurs ont aussi pour consigne d'éviter selfies et autographes, et que les attachés de presse font très attention au port du masque, l'ambiance n'est pas pour autant anxiogène.

"Moins oppressant que l'an passé"

"Il faut forcément être vigilant. Il y a eu beaucoup de cas positifs sur le Giro. C'est quelque chose qu'on ne peut pas éviter au sein du peloton parce qu'on est tous les uns à côté des autres. Et puis il y a aussi le public. C'est sûr que prendre quelques mesures permet de limiter une partie des risques. Mais on ne peut pas non plus être enfermé 24h/24 et 7j/7", confie le grimpeur breton de l'équipe Arkéa-Samsic, Warren Barguil, pas inquiet outre mesure. "Première chose, on est dans une situation bien différente du Tour de l'an passé où il y avait des cas un peu partout. On était sur le fil du rasoir pour prendre le départ, souligne Marc Madiot, le manager de la Groupama-FDJ. Malheureusement, il y a eu l'accident sur le Tour de Suisse (la mort de Gino Mäder, ndlr) mais au niveau sanitaire, ça s'est bien passé. Sur le Giro, il y a eu une alerte et ça a été très médiatisé puisque Evenepoel a eu le Covid. Entre nous, on reste sans le masque."

Au regard des règlements de l'Union cycliste internationale, rien n'oblige les organisateurs du Tour à imposer ce type de protocole. Ni aux équipes de tester leurs coureurs, ni même de les exclure de la course en cas de test positif. Mais Amaury Sport Organisation, la société organisatrice du Tour, préfère limiter les risques et peut compter sur un peloton conciliant. "Dès qu'une personne a le moindre symptôme, on teste et isole pour éviter la propagation, poursuit Madiot. On verra sur le terrain comment ça se passe. Je peux avoir un retour de bâton mais c'est moins oppressant que l'an passé où on avait compris qu'il fallait fermer les volets. On avait eu zéro cas. Si on est dans la situation comme depuis deux-trois semaines, on peut être optimistes. En ce qui me concerne, c'est moins stressant."

"La prudence est notre seule arme"

Lors du Critérium du Dauphiné début juin, les coureurs avaient déjà repris le réflexe de porter le masque et n'avaient dans l'ensemble rien à y redire. Et ils devraient à nouveau jouer le jeu sur le Tour. "C'est une mesure de prudence. Vu ce qui s'est passé sur le Giro, je crois qu'il est opportun de commencer à se réhabituer à ces mesures de prévention pour le peloton pro et les suiveurs. C'est ce qui semble être le mieux pour au moins limiter et prévenir au maximum cette transmission virale. Ce ne sont pas des mesures drastiques. Elles doivent devenir communes. Il faut savoir mettre des gestes barrières", explique à RMC Sport Serge Niamke, le médecin de l'équipe AG2R-Citroën. Mais alors comment justifier une telle prudence de la part du cyclisme, qui peut donner au public l'impression de vivre dans un monde parallèle à rebours de tous les autres sports où les sujets autour du coronavirus n'existent plus ou presque ?

"Avec le recul qu'on a sur le Covid, on s'est aperçu que des coureurs avaient développé des Covid longs et que leur retour à la compétition était difficile, précise Serge Niamke. On a remarqué que ces infections virales ne sont pas si anodines que ça pour des personnes "fragiles", dans le sens où les coureurs sont soumis à des efforts de quatre à six heures. Il est évident que l'intensité sportive du cyclisme en compétition nécessite d'être vigilant et préventif sur la santé de nos coureurs. C'est un sport exigeant, long et difficile. La prudence est notre seule arme aujourd'hui."

Rodolphe Ryo avec Arnaud Souque