Tour de France: peut-on vraiment croire à une victoire d'étape française en ce 14 juillet ?

Emmanuel Macron vient d'être élu président de la République, le PSG s’apprête à signer un chèque de 222 millions d’euros pour s’offrir Neymar et Jonas Vingegaard bosse encore sur un marché de poissons au nord du Danemark. Nous sommes en 2017, au cœur de l’été. Avec trois succès obtenus lors des douze premières journées du Tour (Arnaud Démare à Vittel, Lilian Calmejane aux Rousses et Romain Bardet à Peyragudes), le cyclisme tricolore se porte bien mais le public en veut encore plus et il va être servi.
Battu cinq jours plus tôt par Rigoberto Uran à la photo-finish, Warren Barguil nourrit de belles ambitions au moment d’attaquer l’étape du 14 juillet, dessinée dans les Pyrénées entre Saint-Girons et Foix. Dans le bon wagon des échappées, le vibrionnant breton de 25 ans court à la perfection et finit par régler au sprint Nairo Quintana, Alberto Contador et Mikel Landa. Le ticket gagnant pour entrer pour de bon dans le cœur des Français.
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Avant lui, il fallait remonter à 2005 et le numéro en solitaire de David Moncoutié à Digne-les-Bains pour voir un coureur bleu, blanc, rouge triompher sur la Grande Boucle un jour de fête nationale. Depuis, "Wawa" continue d’attendre son héritier, celui qui mettra fin à cette interminable disette. Et si c’était pour cette année ? Il faudra être costaud car le menu proposé ce vendredi pour la 13e étape du Tour s’annonce corsé, et beaucoup misent sur une nouvelle baston entre le maillot jaune (Jonas Vingegaard) et son dauphin affamé (Tadej Pogacar). Le parcours conduira le peloton jusqu’au Grand Colombier, l'un des cols les plus redoutés du pays avec une montée de 17,4 kilomètres à 7,1% de moyenne, de longues portions à 10% et des passages à 12%. Il y a trois ans, Pogacar s'y était imposé, alors que le premier Français, Guillaume Martin, avait dû se contenter d’une 14e place.
Gaudu veut y croire
Au vu de l’incroyable dynamique affichée par sa formation, qui a déjà levé deux fois les bras sur ce Tour grâce à Victor Lafay et Ion Izagirre, le grimpeur de Cofidis fait partie de nos meilleures cartes. Problème, lui assure ne pas du tout penser à la dimension symbolique du 14 juillet. "J’y pense parce que c’est une étape de montagne, mais que ce soit le 15 juillet ou le 15 décembre… C’est la température qui sera différente (sourire). Mais, oui, ce sera une belle étape, avec à mon avis une explication entre favoris. J’espère avoir récupéré et ne pas perdre trop de temps dans la montée finale", disait-il jeudi soir après s’être montré à l’avant toute la journée. Pour avoir un message plus optimiste, il faut se tourner vers David Gaudu. Seulement neuvième du classement général et loin de son meilleur niveau depuis le départ du Pays basque, le leader de la Groupama-FDJ n’a pas tiré un trait sur un top 3 à Paris et il rêve d’un gros coup, épaulé notamment par le champion de France Valentin Madouas.
"Ça fait deux jours que j'ai le Grand Colombier dans la tête et j'ai envie de faire une performance, disait-il à l’arrivée de la 12e étape. Il faudra être présent, être prêt. J'ai hâte d’y être. C'est 14 juillet, une belle arrivée au sommet. Je pense qu'il y aura déjà les premières grosses défaillances". Même discours combatif chez son directeur sportif Philippe Mauduit : "Il y a toujours ce podium à aller chercher et ça reste notre ligne de conduite." Sixième à Belleville-en-Beaujolais et remonté dans le top 10 au général, juste derrière Gaudu, Thibaut Pinot représente un autre motif d’espoir, même s’il lui faudra se remette de la fatigue accumulée jeudi : "C'était au courage aujourd'hui. Je suis mort. J'ai donné tout ce que j'avais, c'était dur. J'ai vraiment survécu dans l'échappée. Je m'attendais à ce que les autres soient à fond, mais ils étaient un cran au-dessus de moi. C'était vraiment chaud comme journée. Je ne me suis pas trop préoccupé du général. J'ai laissé une cartouche sur la route et j'espère ne pas trop le payer. On va essayer vendredi que ce soit une journée un peu plus cool".
L'effet 14 juillet, vraiment "passé de mode" ?
Comme d’autres, sera-t-il transcendé par la fête nationale ? Peut-on légitimement espérer un feu d’artifices d’attaques françaises ? Verra-t-on Julian Alaphilippe, Romain Bardet ou Mathieu Burgaudeau emballer la course dès le kilomètre zéro ? Pas si sûr à en croire Marc Madiot, qui remballe toute euphorie, convaincu que "l'effet 14 juillet est un peu passé de mode". "On ne va pas faire grand-chose de spécial, les coureurs y sont peut-être moins sensibles, soutient le manager de la Groupama-FDJ. Est-ce que je le regrette ? Oui et non, c’est l’évolution du temps."
Ce n’est pas tout à fait ce qui se dit dans les rangs de Cofidis. "Toutes les étapes sont belles à gagner sur le Tour mais s'imposer le 14 juillet en étant français dans une équipe française, ça donne une saveur particulière, appuie Cédric Vasseur. Il y aura une ambiance particulière dans le bus le matin, on mettra sûrement La Marseillaise. Cette fierté nationale ressort le 14 juillet. Quand on est coureur français, on se fait un peu plus mal le 14 juillet. On espère que ça va sourire."
"On sait que si un Français gagne le 14 juillet ça a plus d’impact pour le coureur et pour les marques, mais ce n’est pas ce qui fera la différence, nuance Vincent Lavenu, manager d’AG2R-Citroën. Ça sera intéressant pour l’équipe et pour le coureur mais ce n’est pas ça qui fait développer le plus de puissance. Des stratégies différentes sont développées tous les jours dans les bus par les directeurs sportifs, donc il faudra mettre les bonnes pièces au bon endroit. On a le sentiment que des acteurs majeurs ne vont pas laisser passer cette étape, ils voudront peut-être en découdre et gagner là-haut. Tout dépend de l’échappée qui se développera." Une échappée où l’on pourrait bien retrouver… Warren Barguil. "Tout le monde est motivé par la fête nationale, assure le coureur d’Arkéa-Samsic. Avoir gagné le 14 juillet, avec le maillot à pois et devant ma femme qui était là à l’arrivée, c’est un souvenir qui restera gravé toute ma vie. C’était un jour exceptionnel, c’était fou !"
Avant d’ajouter, comme un coup de poignard planté tout droit dans le cœur des supporters français : "J’aimerais bien, mais ce ne sera pas un Français qui gagnera. Ce sera soit un Danois soit un Slovène. Ils sont au-dessus." Réponse attendue vers 17h10.