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Tour de France: "Yates you can!" A la rencontre des parents d'Adam et Simon Yates, qui suivent leurs fils en camping-car

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Susan et John Yates, parents d'Adam et Simon, installent chaque jour leur camping-car au bord des routes pour encourager leurs fils pendant le Tour de France. Autant dire qu'ils ont sacrément vibré samedi lorsque leurs jumeaux ont signé un doublé à Bilbao.

C’est la mission du jour confiée par notre rédacteur en chef à RMC Sport : aller à la rencontre des parents d’Adam et Simon Yates, présents cette année sur les routes du Tour de France pour soutenir leurs deux fils, respectivement premier et troisième du classement général. Après une enquête rondement menée et plusieurs traversées de villages en voiture, nous voilà à l’heure du déjeuner à l’entrée de Saint-Sever, charmante commune des Landes de 4800 âmes, où le peloton a rendez-vous dans l’après-midi à l’occasion de la quatrième étape ralliant Dax à Nogaro. C’est là que nous retrouvons Susan et John Yates, tranquillement installés au pied de leur camping-car : short de bain et Crocs aux pieds pour Monsieur, tasse de thé à la main et ensemble rose pour Madame. Des drapeaux britanniques et des affiches "Yates You Can" ont également été installés. De jeunes supporters français les ont aidés à recouvrir le goudron de "Yates, Yates, Yates !" à la craie blanche. Accompagnés par deux amis de leur club de vélo de Bury, une bourgade où ils résident au nord de la grande banlieue de Manchester, Susan et John ont prévu de suivre leurs jumeaux jusqu’à l’arrivée sur les Champs le 23 juillet. Et autant dire qu’ils ont bien choisi leur année.

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Samedi, pour la première étape dessinée dans le Pays basque espagnol, ils ont eu droit à un tourbillon d’émotions avec la victoire d’Adam devant Simon. Le premier doublé d’une fratrie sur le Tour depuis Andy et Frank Schleck en 2011. Un scénario qui n’avait pas du tout été anticipé par les parents Yates… Ils avaient déjà plié bagage au moment où ils ont compris que quelque chose d’immense allait se produire à Bilbao. "On venait de ranger nos affaires et nos banderoles pour rejoindre notre lieu suivant, rembobine Susan. La petite amie d’Adam m’a alors demandé si je regardais l’étape en direct. Je lui ai dit que non parce que je devais garder du réseau internet sur mon téléphone. Elle m’a dit de vite regarder. J’ai pris mon portable et là… On était comme ça : ‘Oh mon dieu, oh mon dieu !’ Je criais ! John, lui, était en train de conduire. On se disait : ‘Oh non, oh non, le peloton va les rattraper.’ Quelques secondes après, on était si contents ! Gagner la première étape du Tour, c’est juste fabuleux. Adam, je suis si fière de toi. C’était ton rêve de porter le maillot jaune. Et tu l’as fait !"

Susan et John Yates, les parents d'Adam et Simon Yates, à Saint-Sever lors de la 4e étape du Tour de France, le 4 juillet 2023
Susan et John Yates, les parents d'Adam et Simon Yates, à Saint-Sever lors de la 4e étape du Tour de France, le 4 juillet 2023 © RMC Sport

"Moi je devais me concentrer pour ne pas aller du mauvais côté de la route. Mais j’ai pu voir un petit peu de l’arrivée sur le téléphone", raconte John, alors que Susan s’amuse à rejouer la scène encore et encore, grands gestes à l’appui. "Il avait au moins le son pour écouter ! Moi je pleurais, mon cœur battait si fort. C’était fantastique !" Depuis, le maillot jaune est toujours sur les épaules d’Adam, pour une poignée de secondes d’avance sur Tadej Pogacar, son leader chez UAE-Emirates, et Simon, qui représente lui la Team Jayco AlUla. "Des grosses étapes de montagne arrivent et Adam sait qu’il devra sûrement aider Tadej. Mais Simon a faim aussi, il veut le maillot jaune", sourit la très enjouée Susan, qui n’a pas oublié les années "de sacrifices" de ses deux garçons. "Ils ne faisaient pas ce que tous les adolescents faisaient comme aller en soirée, explique-t-elle. Ils étaient dédiés au vélo. Ils allaient rouler après l’école parce qu’ils savaient que c’était ce qu’ils voulaient faire plus tard."

"Si Simon prend le maillot jaune à Adam, je serai une maman heureuse !"

John complète : "C’était compliqué de savoir qui était qui quand ils étaient petits. En grandissant, ils avaient des manières différentes. Donc nous on pouvait les reconnaître mais pas les gens. Plus tard, quand ils se sont retrouvés dans la même équipe (chez Orica, ndlr), c’était difficile parce qu’ils portaient la même tenue, la même casquette et les mêmes lunettes." Bien avant de porter les mêmes couleurs entre 2014 et 2020, au sein de la formation australienne Orica-GreenEDGE (devenue Orica-BikeExchange, Orica-Scott et Mitchelton-Scott), les frangins ont connu des trajectoires bien distinctes. Adam n'a que dix-neuf ans lorsqu'il pose ses valises dans l'est de la France. Boudé par la fédération britannique, qui ne le juge pas assez bon sur piste pour l'intégrer à son programme d'élite, contrairement à son frère, il fait jouer ses contacts et débarque en troisième division amateur, à l’UVCA Troyes. L'aventure dure à peine deux ans et personne ne peut imaginer qu'il va devenir l'un des meilleurs coureurs du monde. La faute à quelques kilos en trop sur la balance et à un certain désamour pour les cols. Lui, le futur grimpeur, est alors catalogué comme... un rouleur-sprinteur.

Susan et John Yates sur le Tour de France, le 4 juillet 2023
Susan et John Yates sur le Tour de France, le 4 juillet 2023 © RMC Sport

"C’était un peu triste parce qu’il devait se gérer tout seul, se souvient Susan. Il était loin et on ne pouvait pas le voir souvent. Il a quitté la maison très jeune et moi je suis une maman protectrice. On était triste qu’il parte de la maison. En plus, les courses qu’il faisait n’étaient pas retransmises à la télé en Angleterre. On devait les suivre sur les réseaux sociaux mais à l’époque ils n’étaient pas aussi développés qu’aujourd’hui (rires). C’était dur de le suivre mais il rentrait à la maison de temps en temps. On était venu le voir une fois le jour de mon anniversaire, il avait une course en Champagne et il avait gagné. On était reparti à la maison avec des bouteilles de champagne !" Après Troyes, la suite s'écrit dans le Doubs pour Adam, à Etupes, où le club local est une référence en termes de formation pour avoir vu passer Thibaut Pinot et Warren Barguil, entre autres. Ses premières courses ne sont pas une grande réussite mais l’été 2013 est celui de la révélation. Rejoint par son jumeau, il termine deuxième du Tour de l’Avenir, considéré comme le "Tour de France des jeunes".

Simon, lui, s’offre deux succès d’étapes. Dans la foulée, les offres affluent et le duo décide de dire non à la toute puissante Sky pour rejoindre Orica. Dix ans plus tard, les voilà tout en haut de l’affiche sur le (vrai) Tour. "C'est dur de décrire ce que l'on ressent quand on les voit passer sur la route, souligne John. L'ambiance est tellement incroyable. Il faut être ici pour comprendre." Les rôles des deux frères sont bien distincts puisque Adam est censé être le dernier lieutenant de Pogacar en montagne alors que Simon est l’atout numéro un de Jayco-AlUla pour le général. Le premier pourrait perdre sa première place dès jeudi soir à l'issue de la cinquième étape. Avec deux belles ascensions au programme entre Pau et Laruns, les Pyrénées offriront le premier véritable défi montagneux de cette édition 2023. Ce qui pourrait permettre à Simon de mettre Adam dans son rétro. Leur maman, elle, a déjà tout prévu : "Si Simon prend le maillot jaune à Adam, je serai une maman heureuse !"

Par Rodolphe Ryo et Léna Marjak, à Saint-Sever