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Escrime (championnats d’Europe): un titre et beaucoup de doutes avant les JO

Luidgi Midelton

Luidgi Midelton - ICON Sport

L’équipe de France d’escrime voulait faire de ces championnats d’Europe à Bâle une répétition générale, pour prendre de la confiance à un peu plus d’un mois des Jeux olympiques de Paris. Mais la belle et inattendue victoire à l’épée de Luidgi Midelton ne suffira pas à faire oublier les blessures et les contre-performances des têtes d’affiche.

Les images de Luidgi Midelton, tout sourire sur le podium, puis porté en triomphe par une partie de l’équipe de France ont conclu en beauté trois jours de compétition difficiles. Pour sa première participation à un grand championnat, l’épéiste de 25 ans a parfaitement maîtrisé sa journée, jusqu’à une victoire en finale contre le vice-champion olympique en titre Gergely Siklosi.

De très bon augure en vue des Jeux olympiques : "Ça représente le fruit de beaucoup d’années d’entraînement, ça me fait beaucoup de bien" explique-t-il médaille autour du cou. "Mon objectif cet été, c’est de chercher l’or en individuel et par équipes. Je ne sais pas si on me qualifie de prétendant, mais je suis déterminé."

Cette médaille d’or vient quelque peu étoffer le bilan bien maigre de quatre médailles dans ces championnats d’Europe, parmi lesquelles l’argent d’Auriane Mallo-Breton à l’épée, et les médailles de bronze surprises de Jean-Philippe Patrice au sabre et Maxime Pauty au fleuret. Le total est moins bon que lors de l’édition précédente à Plovdiv en 2023, où l’équipe de France était allée chercher sept médailles, dont deux titres.

Le coup dur pour Ysaora Thibus

Des résultats décevants qui s’expliquent en partie par une cascade de blessures ahurissantes. A commencer par la fleurettiste, Ysaora Thibus, qui faisait son grand retour après une suspension de plus de quatre mois pour suspicion de dopage. Ravie de retrouver les pistes, elle cherchait à retrouver du rythme avant les Jeux olympiques. C’est raté.

Dès son deuxième match de la matinée, la championne du monde 2022 chute et se blesse au genou gauche. Verdict : lésion ligamentaire, et participation pour les Jeux olympiques en danger même si elle n’est pour le moment pas forfait.

Dans la foulée, sa coéquipière Anita Blaze est victime d’une commotion cérébrale après un choc à la tête pendant un match. Là aussi, l’inquiétude règne car la Guadeloupéenne avait déjà subi ce type de choc, l’an passé aux Mondiaux, et avait été éloignée des pistes pendant un mois et demi.

Avalanche de forfaits

On se dit que la journée est exceptionnellement mauvaise, mais les soucis sont loin d’être finis. Le lendemain, rebelote, en épée masculine cette fois, Yannick Borel déclare forfait avant même le début de la compétition, à cause d’une lésion aux ischios. Pas d’inquiétude en vue des Jeux, mais de la précaution pour le quadruple champion d’Europe : "Je me sens bien, c’est juste une gêne, rassure-t-il après son abandon, "le staff médical veut de la prudence, on est à un mois des Jeux, c’est le risque 0". L’épéiste est lui aussi rentré à Paris pour des examens complémentaires, permettant à Alexandre Bardenet, qui conteste sa non-sélection aux Jeux olympiques, de réintégrer le groupe pour les épreuves par équipe de samedi.

Quelques heures plus tard, Yannick Borel est imité par la sabreuse Sara Balzer, grande favorite de ces championnats d’Europe, qui renonce également, touchée par une gêne au dos. Le directeur technique national Jean-Yves Robin se veut rassurant : "C’est juste une anicroche, on serait aux Jeux olympiques elle aurait fait l’effort, on est vraiment dans un principe de précaution."

Des blessures pas forcément expliquées

Beaucoup de prudence donc au sein du staff médical des Bleus, qui n’a pris aucun risque durant la compétition. L’accumulation de blessures ne s’explique pas vraiment, Jean-Yves Robin essaie même d’y trouver du positif : Ce ne sont pas les mêmes armes, c’est peut-être la faute à pas de chance, on est pourtant dans la même configuration que d’habitude. Au moins, on travaille sur l’inconfort, leur capacité à s’adapter, au cas où on a des situations similaires aux Jeux."

Des contre-performances étonnantes

Mais au-delà des blessures, certaines performances sportives inquiètent, notamment de la part des stars de la délégation française. A commencer par l’épéiste Romain Cannone, champion olympique en titre, battu dès les 16e de finale. Pareil pour le fleurettiste Enzo Lefort, cinquième au classement mondial, sorti à la surprise générale par l’Espagnol Ignacio Breteau, 160e mondial. Le champion du monde 2022 était forcément déçu : "Pour moi c’est une faute professionnelle, je perds sur quelqu’un de beaucoup moins bien classé que moi." Pas de préoccupation en vue de Paris pour autant, le candidat au rôle de porte-drapeau pour les Jeux olympiques en est sûr, sa performance cet été effacera tout : "Si je suis champion olympique, on ne pensera même pas à ces championnats d’Europe, et si je me foire, c’est pareil. A moi d’arriver à Paris en étant plus juste."

L’heure de la remise en question

La sabreuse Manon Apithy-Brunet, pourtant 3e au classement mondial est beaucoup moins optimiste. En larmes après son élimination, en huitièmes de finale, elle a du mal à se projeter sur une bonne performance aux JO : "Si je veux réussir les Jeux je vais devoir changer plein de choses, c’est dur de se dire qu’on s’entraîne mais que c’est peut être juste pas le bon chemin. Il n’y a pas les résultats, la confiance n’est pas là. Je galère tout le temps, contre tout le monde, que ce soit des fortes, des faibles, c’est tout le temps dur et ça ne passe pas souvent."

L’équipe de France voulait retrouver de la confiance, elle est en partie passée à côté de ces championnats d’Europe. Restent les épreuves par équipes du week-end, qui pourraient permettre de refaire le plein de sérénité avant les Jeux olympiques. Cet été, dans la nef du Grand Palais, les escrimeurs tenteront de répéter la performance des Jeux de Tokyo, en 2021, d’où ils avaient ramené cinq médailles, dont deux titres, faisant de leur discipline la deuxième délégation la plus prolifique derrière le judo.

Pierre Thevenet