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Pourquoi le Bayern, encore en lice pour un triplé, a décidé d'écarter Nagelsmann

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Pourtant en course pour réaliser un triplé Coupe-Bundesliga-Ligue des champions, le Bayern Munich a décidé de renvoyer Julian Nagelsmann pour le remplacer par Thomas Tuchel. Un choix inattendu motivé par plusieurs raisons.

Il faut toujours se méfier des compliments lorsqu’ils sont un peu trop appuyés. Surtout quand ils viennent de vos patrons. Julian Nagelsmann aurait dû s’en douter. Il y a quelques jours, dans les colonnes de Kicker, le PDG du Bayern Munich Herbert Hainer parlait de lui en ces termes : "C'est un formidable entraîneur, qui a démontré contre le PSG son excellence tactique et stratégique au plus haut niveau européen. Nous voulons construire avec lui parce qu’il se débrouille très bien." Du grand classique dans le monde du football : conforter pour mieux virer. Revenu ce vendredi à Munich, Nagelsmann va se voir signer sa mise à l’écart pour être remplacé par Thomas Tuchel. Un virage à 180 degrés qui peut surprendre de l’extérieur.

Une dynamique décevante en championnat

Récent bourreau du PSG en huitièmes de finale de la Ligue des champions, après avoir engrangé 18 points sur 18 possibles en phase de groupes, l’ogre bavarois fait partie des candidats évidents à la victoire finale, avec un quart de finale très attendu contre Manchester City (11 et 19 avril). Sans oublier ce quart de finale de Coupe d’Allemagne à venir face à Fribourg (4 avril). Mais c’est la mauvaise dynamique en championnat qui a fini par entraîner la chute de Nagelsmann. Avant la Coupe du monde, le Bayern était un leader plutôt serein avec neuf points de plus que le Borussia Dortmund. Quatre mois plus tard, c’est le BvB qui est en tête avec une longueur d’avance sur son rival, une semaine avant leur choc programmé à l’Allianz Arena à la sortie de la trêve, le 1er avril.

Selon les informations de Bild, la direction incarnée par Oliver Kahn (président du directoire) et Hasan Salihamidzic (directeur sportif) a peu apprécié les récentes défaites sur les terrains du Borussia Mönchengladbach (3-2) et du Bayer Leverkusen (2-1). A l’approche de ce mois d’avril qui s’annonce décisif pour sa fin de saison, le Bayern a estimé qu’il était nécessaire d’opérer un changement radical. Autrement dit, couper la tête de Nagelsmann, quitte à en payer le prix fort. Débauché en 2021 au RB Leipzig contre un chèque de 25 millions d’euros, celui qui était présenté à ses débuts comme un "Baby Mourinho" était sous contrat jusqu’en 2026, avec un salaire estimé à huit millions d’euros par an. Son départ va coûter (très) cher.

Un style (trop) clivant

Mais le courant ne passait plus avec ses patrons, autant agacés par son attitude que par ses multiples expérimentations tactiques. D’après Sky Sports, il lui est notamment reproché de ne pas avoir su faire de son équipe une machine à gagner en Bundesliga malgré un recrutement conséquent l'été dernier (Matthijs de Ligt, Sadio Mané, Ryan Gravenberch, Mathys Tel…) et cet hiver (Yann Sommer, Joao Cancelo, Daley Blind). En interne, certains estiment aussi que Nagelsmann, champion la saison dernière, a fini par se perdre en ajustant sans cesse son onze d’un match à l’autre, sans remettre en cause sa philosophie de jeu axée autour d’un pressing étouffant et d’un goût prononcé pour les prises de risques, y compris en défense.

Ses schémas déséquilibrés lui avaient attiré des critiques dès ses premiers mois à Munich, au même titre que sa communication parfois déconcertante. Récemment, l'ex-défenseur central à la modeste carrière de joueur s'est ainsi lancé dans une chasse "à la taupe", frustré de voir ses consignes se retrouver dans la presse. "La personne qui transmet quelque chose nuit à chacun des joueurs, ça m’agace", s’était-il plaint en conférence de presse, confirmant un caractère bien trempé. Manuel Neuer en avait fait les frais en janvier avec l’éviction de son grand ami Toni Tapalovic, entraîneur des gardiens au Bayern pendant douze ans. Nagelsmann, convaincu que ce dernier rapportait auprès de certains joueurs des discussions confidentielles avec des membres de son staff, avait joué un rôle important dans son départ.

Tuchel, une opportunité à saisir

"Ce qui est paradoxal, c’est que Nagelsmann était ressorti vainqueur des dernières affaires. Il s’était séparé de Robert Lewandowski, il avait gagné son duel avec Neuer, il avait nommé Joshua Kimmich capitaine. Il s’est forcément passé quelque chose avec le vestiaire", estime Polo Breitner, spécialiste du football allemand pour RMC Sport. Sky Sports rapporte par ailleurs que l’état-major du Bayern s’attendait à voir Nagelsmann rester à Munich durant la trêve internationale pour travailler dur en vue du calendrier à venir. Le voir filer en vacances dans le Tyrol autrichien, pour profiter des pistes de ski avec sa compagne, aurait été la goutte de trop. Mais son limogeage est aussi perçu outre-Rhin comme une question d’opportunité.

A en croire Bild, le Bayern est convaincu que Tuchel est l’homme de la situation pour entamer un nouveau chapitre. Au sein du club, on estime qu’il aurait été trop risqué d’attendre cet été pour faire venir un entraîneur aussi courtisé. Le mariage avait déjà failli se faire en 2018. Avant de se tourner vers Niko Kovac, des pontes de la maison rouge, dont Karl-Heinz Rummenigge, avaient sondé Tuchel, mais le deal ne s’était pas fait et Tuchel s’était laissé séduire par l’ambitieux projet porté par le PSG. Cinq ans plus tard, il présente aujourd'hui l'immense avantage d'être libre. Et de savoir rebooster un tel cador. Licencié du PSG fin 2020, il avait été nommé à Chelsea en janvier, pour remporter ensuite la C1 en juin 2021 avec les Blues. Bis repetita cette année ?

https://twitter.com/rodolpheryo Rodolphe Ryo Journaliste RMC Sport