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Catastrophe de Furiani: Olmeta, Larqué... le récit émouvant de plusieurs témoins, 30 ans après

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Dans Rothen s'enflamme sur RMC, mercredi à Bastia, Jérôme Rothen, Pascal Olmeta, Jean-Michel Larqué, Didier Grassi et Hervé Béroud se sont rappelés du drame de Furiani, survenu le 5 mai 1992. Ils témoignent, 30 ans après.

Trente ans après la catastrophe de Furiani, Rothen s'enflamme s'est délocalisé mercredi soir au stade de Bastia. Le 5 mai 1992, 19 personnes ont perdu la vie dans l'effondrement d'une tribune temporaire, construite spécialement pour la demi-finale de Coupe de France qui devait se jouer entre le SC Bastia et l'Olympique de Marseille. L'accident a fait aussi plus de 2.300 blessés. À cette occasion, des acteurs, témoins et victimes de l'époque ont témoigné sur l'antenne de RMC pour raconter ce drame avec Jérôme Rothen, joueur de Bastia de 2011 à 2013.

>> Les podcasts de Rothen s'enflamme

· Les témoins

· Pascal Olmeta, ancien gardien de l'OM, formé et né à Bastia.
· Jean-Michel Larqué, consultant RMC Sport, ancien commentateur pour TF1.
· Didier Grassi, ancien journaliste pour RMC Sport, représentant du collectif des victimes du 5 mai.
· Hervé Béroud, directeur général délégué d'Altice Média, ancien reporter pour RTL.

· L'ambiance avant le drame:

Pascal Olmeta: "Toute la Corse attendait que l'OM arrive pour jouer cette demi-finale. Tout le monde attendait ça. Ce devait être la fête. On voit cette tribune qui est plus haute que ce qu'on n'avait jamais vu. (...) Quand on arrive avec le bus, on arrive par la grande porte, on descend et on passe sous les boucliers. Tout le monde était monté pour nous bombarder! Tu vois les tubulaires sous les supporters. Personnellement, je me suis dit que ça allait être de la folie. Quand je sors pour m'échauffer, même les gamins m'insultaient, alors que je suis Bastiais! Personne ne pensait que ça allait arriver".

Didier Grassi: "On n'était pas inquiets. Le montage de cette tribune, on l'avait vu quelques semaines avant à Albertville pour les JO (d'hiver 1992, ndlr). Tout le monde disait qu'il n'y avait pas de raison de s'inquiéter. Les commissions de sécurité avaient donné leur feu vert. J'étais sur la tribune depuis 14h, on voyait des gens qui continuaient à travailler, mais on était tellement dans l'enthousiasme et dans l'euphorie qu'on ne se posait pas de questions".

Hervé Béroud: "L'ambiance était dingue, ça secouait dans la tribune. J'ai fait mon flash de 20h pour RTL, on a vu une passion de dingue. Mais franchement, à aucun moment on s'est dit que c'était dangereux et qu'on devait partir".

· L'effondrement de la tribune:

Jean-Michel Larqué: "On n'a aucune inquiétude. Il y avait quatre énormes piliers, on était à la base d'un d'eux. Au moment où on prend l'antenne, c'est comme si un avion à réaction nous passait dans le dos. Il y a un souffle, un moment de surprise. On ne sait pas trop ce qu'il se passe. Bien qu'ayant le casque sur la tête, je me retourne: il n'y a plus rien à cinq ou six travées derrière moi. Il n'y a plus de tribune. J'entends des cris. J'enlève mon casque et je passe sous ce qu'il reste de cette tribune tubulaire. J'y reste 45 secondes, et j'ai l'impression que c'est une éternité. Et je vois. Je remonte m'installer à côté de Thierry (Roland). Entre le moment où je suis descendu et où je remonte, Patrick Poivre d'Arvor (qui présentait le JT de TF1) a été averti. Il donne l'antenne à Thierry. Moi, je n'étais pas en position commentateur. Puis j'ai dit à Thierry: «Il faut craindre qu'il n'y ait pas que des blessés». Cela a été pratiquement mes seuls mots de la soirée".

Pascal Olmeta: "On est dans le vestiaire quand on entend un bruit. Comme un Mirage qui passait. Quelqu'un met un grand coup pied dans la porte et dit: "Catastrophe, catastrophe, la tribune s'est effondrée!" Moi, le premier, je cours parce que j'avais ma famille dans la tribune. Quand je sors, je vois que la tribune a disparu, que les gens ont poussé le grillage pour entrer sur la pelouse. Tout s'enchaîne, tu prends conscience. Je passe derrière et je vois ce qu'il se passe. (...) La catastrophe, ça n'a jamais quitté ces familles qui ont beaucoup souffert. On était là, on n'y croyait pas, et pourtant la réalité était là. Ce qu'on a vécu ce soir-là, même pas un film l'aurait fait. Des hélicoptères se posaient sur la pelouse. Mon premier regard, quand je suis sorti, c'est une gamine qui était allongée avec une épaule démise. Quand j'ai tourné la tête, j'ai vu les gens au milieu de toute la tribune écroulée".

Hervé Béroud: "J'ai perdu connaissance. Je n'ai pas de souvenir du moment précis où la tribune s'effondre. J'ai été inanimé un certain temps sur la pelouse. Les gens de TF1 de l'époque se sont occupés de moi sur la pelouse. Je me suis réveillé plus tard, alors que j'étais évacué dans le camion des pompiers. J'ai demandé ce qu'il se passait, quel avait été le score. Ensuite j'ai été rapatrié vers Marseille dans la nuit".

Didier Grassi: "Je me rappelle d'être aspiré. Je ne perds pas connaissance, mais j'ai un trou de mémoire. Je ne suis pas évanoui. Des photos montrent que je suis ensanglanté. J'avais des douleurs énormes sur le côté gauche. Je suis resté hospitalisé deux mois".

Les suites du drame et l'interdiction des matchs français le 5 mai:

Hervé Béroud: "J'étais avec Jean-Baptiste Dumas, mon confrère et ami proche. On était les deux envoyés spéciaux de RTL. Il était correspondant à Marseille. On s'est retrouvés pour couvrir cette rencontre. C'était aussi une fête pour nous. Il s'est passé ce qu'il s'est passé. J'ai appris le lendemain matin que Jean-Baptiste avait été évacué de son côté, mais qu'il était très gravement blessé. Il a fait plusieurs semaines de coma. Sa vie a été très difficile pendant les deux années qui ont suivi la catastrophe. Tellement difficile qu'il a décidé de mettre fin à ses jours, parce que sa vie était devenue un enfer, en 1994".

Didier Grassi: "Plus de matchs français le 5 mai, c'est un énorme soulagement pour nous. À titre personnel, j'aurais préféré que ce soit les autorités du football français prennent cette décision là. Malheureusement, on n'a jamais eu d'interlocuteur qui ont su nous écouter réellement. À chaque fois qu'il y a eu des avancées, c'était par le biais des politiques. C'est une loi qui vient maintenant graver dans le marbre cette décision, promise au lendemain de la tragédie. Des gens nous ont souvent dit que le risque est d'oublier la catastrophe en ne jouant pas. Mais on prouve qu'on en parle encore, en ne jouant pas et en faisant des manifestations autour de cette tragédie. Pendant 20 ans, c'était un peu étouffé du côté des autorités du football français".

Jérôme Rothen: "C'est une grande victoire. On a fait en sorte qu'on en reparle chaque 5 mai. J'avais un rôle ici qui dépassait le cadre de joueur. J'étais international, capitaine, donc ça me tenait à coeur. Cela me donnait accès à des discussions directes avec le président de la fédération, de la Ligue. Mais à chaque fois, on me disait que ça ne les regardait pas".

Jean-Michel Larqué: "Quand nous sommes partis le lendemain, il y avait le drame, et la réaction du président de la FFF de l'époque (Jean Fournet-Fayard) disait tout sur le manque de courage des dirigeants français. Il a été pris dans la tempête. La catastrophe de Furiani a été l'un des principaux facteurs de sa démission".

https://twitter.com/julien_absalon Julien Absalon Journaliste RMC Sport