"L'Ajax, c'était un soir différent, je sentais que j'allais marquer": l'interview intégrale d'Igor Paixão dans Rothen s'enflamme

Igor Paixão, on vous sent déjà très heureux et très à l’aise ici à Marseille…
Oui, et je suis très heureux de pouvoir faire cette interview. Je veux surtout partager un peu de ce que je vis ici à Marseille.
Pourquoi êtes-vous si heureux? Est-ce grâce aux deux buts contre l’Ajax, de votre but à Metz? Est-ce le fait de marquer qui vous rend si joyeux ?
Oui, ça me motive encore plus, ça me donne de la confiance pour la suite du championnat. Jouer la Ligue des Champions et marquer, c’est quelque chose d’immense, c’est la plus grande compétition au monde. Marquer contre de grandes équipes, porter le maillot de l’OM… c’est un honneur. Et un maillot chargé d’histoire, il faut le représenter de la meilleure façon possible.
"J’aime célébrer en dansant"
C’est vrai que ce maillot "pèse" beaucoup. Pourquoi dites-vous qu’il est si lourd?
À cause de son histoire. Tout ce que le club a construit au fil du temps. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles j’ai voulu venir ici. Avec ma famille et mon agent, nous avons décidé ensemble, et je suis vraiment heureux de ce choix. J’espère continuer à rendre les supporters fiers, parce qu’ils le méritent.
Racontez-nous ce que vous ressentez quand vous célébrez, sur la pelouse du Vélodrome, vos deux buts contre l’Ajax, la ferveur du virage sud et votre danse de célébration…
C’est incroyable. L’atmosphère du Vélodrome est unique. C’est très spécial pour moi, d’autant plus que j’ai marqué mes deux premiers buts en Ligue des champions ici, dans ce stade mythique. C’était indescriptible. Mon père, mes amis, toute ma famille à Macapá et à Curitiba (Brésil) regardaient le match. J’étais tellement heureux. J’espère marquer beaucoup d’autres buts et donner encore plus de joie aux supporters, ici au Vélodrome et ailleurs. Et puis, à chaque fois que je marque, j’aime célébrer en dansant, pour transmettre un peu de bonheur, détendre l’ambiance, jouer avec le sourire. C’est ce qu’il y a de plus important.
Préparez-vous vos célébrations à l’avance? Savez-vous déjà ce que vous allez faire si vous marquez?
J’ai souvent regardé des vidéos de Ronaldinho Gaucho et ses célébrations, notamment quand il jouait au Milan. Alors je ne veux pas le copier parce que Ronaldinho reste Ronaldinho, il n’y en a qu’un. Mais je peux parfois m'en inspirer dans ma façon de jouer.
Ronaldinho, c’est votre idole?
Quand j’étais enfant, je regardais tout le temps des vidéos de lui et aussi certain de ses matchs, il faisait de la magie avec le ballon : ses dribbles et ses enchaînements à toute vitesse étaient impressionnants. Donc il reste un modèle et une source d’inspiration dans mon jeu. Même si j’ai mes propres caractéristiques. La vitesse, et aussi la frappe de loin. J’ai déjà marqué un but d’une frappe en dehors de la surface et c’est important pour moi.
Vous savez que Ronaldinho fait partie de ces quelques joueurs passés par Paris qui sont tout de même très respectés voire appréciés ici à Marseille ?
Oui, c’est vrai. Et je pense que ça montre à quel point c’est un grand joueur, c’est une idole dans plusieurs équipes, plusieurs clubs. Il a toujours eu le respect des supporters marseillais, et c’est pour ça qu’il reste une légende.
"J’ai senti avant ce match la confiance du professeur De Zerbi"
"Paixão", votre nom, ça colle bien à la passion du football que l’on ressent chez vous.
Exactement. Mon père et mes grands-parents étaient passionnés de football, et cette passion m’a été transmise. Aujourd’hui, je suis amoureux de ce que je fais. Et c’est une joie pour moi de rendre ma famille fière à travers le foot.
Le match contre l’Ajax, on peut dire que c’est celui qui a lancé votre aventure à Marseille, avec vos buts. Sentiez-vous avant la rencontre que quelque chose d’important allait se passer?
J’ai senti avant ce match la confiance du professeur De Zerbi. Et celle de mes coéquipiers aussi. Il y avait un parfum particulier, j’avais déjà affronté et marqué contre l’Ajax dans d’autres clubs. C’était un soir différent et je sentais que j’allais marquer.
Avez-vous entendu ce que le coach a dit en conférence de presse la veille du match contre l’Ajax? Un journaliste a posé une question sur vous et le coach a répondu, en substance : "On ne touche pas à Paixão." Étiez-vous au courant?
(Rires) Non je n’avais pas vu la déclaration de Roberto De Zerbi, mais mes amis m’ont dit après qu’il m’avait défendu et protégé des critiques, je lui en suis reconnaissant ! Il fallait montrer sur le terrain, et c’est mon objectif: faire ce qu’il faut sur la pelouse et donner de la joie aux supporters.
"Je travaille aussi beaucoup les frappes à distance"
Ce n’était pas vraiment une critique, c’était une question sur votre état de forme, parce que vous reveniez de blessure. Le coach a répondu qu’il fallait être patient et que vous alliez très bien. Avez-vous senti qu’il vous protégeait un peu?
Oui, bien sûr. Mais il ne protège pas que moi, il protège tout le groupe. C’est un entraîneur très expérimenté, qui a connu le succès et qui sait comment gérer ses joueurs. On travaille ensemble, dans le même sens, et j’espère qu’on continuera à donner de la joie à nos supporters.
Parlons un peu de votre style de jeu. Votre force principale, c’est quoi : la vitesse ou les frappes à distance ?
Je pense que c'est les deux… La vitesse, c’est l’une de mes principales qualités. Mais je travaille aussi beaucoup les frappes à distance. J’ai déjà marqué quelques buts de loin, et j’essaie de progresser chaque jour à l’entraînement. C’est important pour moi, pour varier mon jeu et surprendre les défenses.
Et les coups francs, allez-vous bientôt lever la main pour les tirer?
Oui, bien sûr! (sourire) J’espère avoir ma chance, et si Dieu veut, réussir à marquer aussi sur coup franc pour aider l’équipe.
"Quand le club m’a dit qu’il me voulait même après la blessure, ça m’a boosté encore plus!"
Depuis votre arrivée, on sent l’équipe plus équilibrée. L’an dernier, le jeu penchait beaucoup à droite, du côté de Greenwood, et avec vous, Marseille est plus dangereux à gauche. C’était important pour l’OM de recruter un joueur fort de ce côté. Ressentez-vous cette complémentarité?
Oui, totalement. On a un effectif très fort et une belle entente entre les joueurs offensifs — que ce soit Greenwood, Gouiri, Aubameyang, Robinio Vaz ou moi. Peu importe qui joue, on suit la même ligne, on se comprend bien. Notre attaque est solide, dangereuse des deux côtés. C’est bon pour l’équipe et je suis très heureux de jouer avec eux.
Pendant l’été, vous étiez blessé, et malgré cela, la direction vous a fait savoir qu’elle vous voulait absolument. Cela vous a touché, non?
Oui, quand le club m’a dit qu’il me voulait même après la blessure, ça m’a boosté encore plus! Cela prouve la confiance de Medhi Benatia de Pablo Longoria et du professeur De Zerbi. Tous les clubs n’auraient pas agi de la sorte et ça m’a encore plus conforté dans mon choix que j’allais être heureux ici à l’Olympique de Marseille.
Quand Marseille vous a appelé, c’était une évidence pour vous? Vous n’avez pas hésité?
Non, j’étais convaincu dès le départ. Bien sûr, les discussions ont pris un peu de temps, mais je savais que je voulais venir ici. Et aujourd’hui, je suis très heureux d’être à l’Olympique de Marseille.
"Rejoindre un grand club comme l’Olympique de Marseille, c’est un rêve devenu réalité"
Votre père est venu ici à Marseille, pendant les discussions. Qu’est-ce qu’il vous a dit? Il a aimé la ville, le stade?
Oui, il m’en a parlé, mais pas en détail. Il voulait surtout que je reste concentré sur ma récupération, que je garde la tête froide. Il s’occupait de tout ça avec mon agent, pendant que moi, je me soignais. Il ne voulait pas que je me déconcentre, il voulait que je sois prêt le jour où tout serait signé.
D’ailleurs, votre père rayonne de bonheur et il l’affiche sur les réseaux sociaux, cet enthousiasme. On sent qu’il est heureux, fier de vous.
Oui, exactement. C’est très important pour moi et pour ma carrière. Ça rend tout le monde heureux — pas seulement mon père, mais aussi toute ma famille, qui m’a toujours soutenu depuis que j’ai quitté ma ville natale. Rejoindre un grand club comme l’Olympique de Marseille, c’est un rêve devenu réalité. Après tout ce qu’on a vécu, toutes les difficultés du début, ce moment est une récompense pour nous tous.
Vous savez sûrement que votre transfert est le plus cher de l’histoire du club. Est-ce que cela met une pression supplémentaire, ou est-ce une fierté?
Pour moi, c’est une fierté, un honneur et une motivation supplémentaire pour marquer des buts et aider l’équipe. C’est d’une marque de confiance merveilleuse de la part du club et de l’entraîneur. Être recruté par un grand club comme Marseille, pouvoir marquer, aider l’équipe, c’est un privilège. J’ai la confiance du coach, d’un homme qui a connu beaucoup de victoires. Être dans ce vestiaire, c’est une chance. Je me sens bien, confiant à chaque match. On partage tous le même état d’esprit. Si on continue avec cette union, cette mentalité, on ira loin. J’en suis sûr.
Un moment clé de la saison, c’était ce match à Madrid (1ère journée de Ligue des champions, défaite 2-1). Même si l’équipe a perdu, on a senti quelque chose d’important ce jour-là.
En fait, la vérité est que ce match a été à la fois un moment clé et une leçon. Aller jouer à Madrid, chez eux, face à une équipe aussi forte avec les meilleurs joueurs du monde. Ça ne nous a pas empêché de jouer avec courage, d’égal à égal, on les a regardés dans les yeux. Alors oui on a perdu, c'est dommage, mais on a beaucoup appris et ça nous a servi de base de travail pour mettre en place nos idées de jeu. C’est ça le plus important : ne pas se laisser abattre, apprendre et progresser. On a une équipe très forte et on doit se donner comme ambition d’aller le plus loin possible en Ligue des champions et en ligue 1.
"Aujourd’hui, je peux dire que je suis à 100%"
Et sur le plan personnel, comment avez-vous vécu cette période de retour à la compétition après votre blessure? Votre jeu repose sur la puissance, la vitesse, le rythme… Ce n’est pas facile.
Oui, ça a été difficile, parce que ma blessure à la cuisse était sérieuse. J’ai travaillé avec des professionnels extraordinaires. Ils m’ont aidé à revenir étape par étape. Les premières semaines d’entraînement ont été dures: il faut retrouver le rythme, la confiance. Mais le coach et mes coéquipiers m’ont beaucoup soutenu. Le coach m’a redonné du temps de jeu pour que je retrouve ma forme. Aujourd’hui, je peux dire que je suis à 100%. Je me sens bien, fort, prêt à donner de la joie aux supporters et à marquer encore plus.
Donc maintenant, vous êtes vraiment à 100%?
Oui, à 100%, monsieur. (sourire)
Parlez-moi un peu de votre complicité avec certains joueurs. On a vu votre célébration avec Robinio Vaz, on sent une vraie connexion entre vous.
Oui, Robinio est un jeune joueur très talentueux. Il a la tête sur les épaules, il est travailleur et humble. C’est important pour moi, et pour les autres joueurs plus expérimentés, de l’accueillir, de lui parler, de lui donner des conseils. Le coach nous répète souvent: "Jouez avec joie, amusez-vous sur le terrain." Et c’est ce que j’essaie de transmettre à Robinio et aux plus jeunes. C’est essentiel d’avoir cette ambiance saine entre les générations.
Et vous, vous pouvez lui apporter votre expérience, mais vous vous inspirez aussi d’autres joueurs plus âgés, comme Aubameyang?
Oui, bien sûr. Aubameyang, c’est un exemple pour nous tous. Il a joué dans les plus grands clubs du monde, il a gagné des titres, il connaît tout du haut niveau. C’est une source d’inspiration. À 36 ans, il a encore cette énergie, cette envie. Jouer à ses côtés, c’est incroyable, ça nous donne plus de force, ça nous aide à nous surpasser à chaque entrainement, à chaque match… C’est une idole, et pas que pour moi, pour les jeunes aussi. C’est quelqu’un d’humble, de travailleur, qui marque des buts. Donc je suis très heureux de pouvoir jouer avec lui.
Contre l’Ajax, quand Aubameyang va recevoir le ballon, et que vous avez déjà amorcé votre course, vous savez qu’il vous a vu ?
Oui, je l’ai vu décrocher et j’ai compris qu’il avait perçu mon appel. C’est ce qui rend la passe si belle: on s’est compris d’un regard. Et j’ai eu la réussite de bien conclure.
Et avec Gouiri, il y a aussi cette complicité technique…
Oui, complètement. Gouiri est un excellent joueur, un vrai buteur. Il a déjà prouvé sa valeur. Et cette concurrence entre nous, elle est saine. Que ce soit avec lui, Greenwood ou moi, ça pousse tout le monde à se dépasser. C’est ça qui rend notre attaque encore plus forte.
Quelle est l’ambition de ce Marseille? Aller le plus loin possible en Ligue des champions? Grandir comme équipe?
Oui, on a un effectif de grande qualité. En Ligue des champions, on veut aller le plus loin possible, bien sûr. En championnat aussi, on joue pour gagner, toujours. Il faut avancer match après match, sans se précipiter, mais en gardant cette ambition.
En Ligue 1, Paris est le grand favori, mais pensez-vous pouvoir rivaliser?
Oui, on le sait, Paris est un grand club. Mais on est là, nous aussi. On va se battre jusqu’au bout. On a le potentiel pour le faire. On croit en nous.
"Mon père a beaucoup souffert dans son enfance"
Dernier sujet, très important: votre enfance, votre histoire au Brésil. Racontez-moi un peu d’où vous venez, les valeurs que vous portez.
C’est quelque chose de très fort pour moi. Je viens d’une communauté appelée Quilombo, composée majoritairement de familles noires. Mon père et mon grand-père en font partie. C’est une immense fierté. Mon père a beaucoup souffert dans son enfance, mais il s’est battu. Mes parents ont toujours été unis, ils m’ont tout donné. Aujourd’hui, je veux leur rendre tout ça sur le terrain — leur donner de la joie, marquer des buts pour eux. Et représenter ma communauté, pas seulement au Brésil, mais aussi ici, en Europe.
Donc cet esprit des Quilombolas est toujours en vous, il vous accompagne sur le terrain ?
Oui, toujours. C’est une motivation permanente. Ça me pousse à vouloir gagner, à me battre. C’est quelque chose de très fort, qui m’habite profondément.
On a lu que votre père, en venant à Marseille, a été très touché par les messages antiracistes dans les virages du Vélodrome. C’est vrai?
Oui, c’est vrai. Il a trouvé ça très fort, et moi aussi. C’est une motivation supplémentaire pour moi, pour montrer mes valeurs, et représenter les miens. On doit continuer et donner notre meilleure réponse qui est de jouer au football, et à prouver que le football appartient à tout le monde.
Retournez-vous souvent dans votre communauté, au Brésil?
Oui, à chaque fois que j’ai des vacances. J’essaie toujours de passer un moment là-bas, de revoir mes grands-parents, mes cousins, mes oncles, mes amis d’enfance. C’est important pour moi de garder ce lien, de parler avec eux, de voir comment ils vont.
Ce qu’on aime voir chez vous, c’est votre sourire. Votre sourire, c’est votre signature, comme un but.
Oui, c’est vrai. Pour moi, c’est essentiel de garder la bonne humeur. Sourire, c’est important — sur le terrain, à l’entraînement, dans la vie. Un sourire peut changer la journée de quelqu’un. Parfois, une personne passe un mauvais moment, et le simple fait de lui sourire peut lui redonner un peu de bonheur. Alors oui, je veux jouer avec le sourire, toujours.