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Benatia, Létang, les arbitres, Textor... L'interview intégrale de Pablo Longoria dans Rothen s'enflamme

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Au lendemain de l'élimination de l'OM par le Losc en 16es de finale de Coupe de France, le président marseillais Pablo Longoria a accepté de répondre ce mercredi aux questions de Rothen s'enflamme, sur RMC. Pour évoquer la rencontre, mais aussi les tensions de fin de match, avec un Olivier Létang descendu en bord de terrain, et un Medhi Benatia expulsé par Clément Turpin. Plus globalement, le dirigeant olympien s'interroge sur le traitement infligé à son club depuis le début de la saison, et le manque de cohérence, selon lui, du corps arbitral.

JEROME ROTHEN. Pablo, quel est votre sentiment par rapport à ce qu’il s’est passé hier soir (mardi lors d'OM-Lille) ?

Tout d’abord, je préfère parler un peu de football, c’est la base. Il y a eu une nuit courte, c’est normal, avec un peu de frustration que l‘on doit digérer le plus vite possible. Mais en même temps, je dois dire que le match d’hier nous laisse beaucoup de regrets. On a vu un très bon match de Coupe entre deux équipes de haut niveau, je tiens à féliciter Lille qui a montré qu’elle est une équipe de très haut niveau. Une équipe qui a fait une deuxième période excellente, je tiens à le dire publiquement. On peut avoir des regrets sur les différentes occasions, le manque d’efficacité dans les derniers mètres, mais je suis fier de la réaction de l’équipe, de l’état d’esprit, de comment le groupe s’est construit. C’est une journée avec beaucoup de regrets car on croyait beaucoup en cette Coupe, on voulait aller jusqu’au bout. C’est important de gagner des trophées, on vient ici pour ça. Mais je tenais vraiment à dire du bien du match d’hier, parce que finalement, on ne fait tous que du football.

JR. Vous avez raison, c’était un très bon match et ça fait plaisir de voir l’OM à ce niveau-là et un Lille qui confirme. Mais rentrons dans le vif su sujet. L’expulsion de Medhi Benatia alors qu’Olivier Létang fait trois fois pire… Est-ce que vous avez un sentiment d’injustice ?

Naturellement oui. C’est un sentiment d’injustice pour une chose. Quelque chose que je dis souvent, et je ne change pas mon message. C’est un message de cohérence, un message d’équité pour tout le monde. On a vu qu’à la mi-temps, Medhi Benatia est descendu dans le tunnel pour parler aux joueurs, aux coachs et calmer tout le monde, en leur disant qu’il n’y avait pas but (un but refusé pour une main de Maupay à la 38e, NDLR), que c’était bien de l’annuler. Et en même temps voir ce qu’il se passe à la fin du match, je suis surpris. C’est quelque chose que je n’accepte pas. Je n’accepte pas ce que je considère comme une attaque, quand quelqu’un touche un membre de ma famille. Donc je réagis. Tous mes collaborateurs sont de ma famille. Moi comme président, je défends ma famille, et comme institution, on doit défendre tous nos collaborateurs. Spécialement ici dans un contexte où je ne comprends pas ce qu’il s’est passé, même avec toutes les explications après des arbitres. Ce que Medhi Benatia a dit (au quatrième arbitre, NDLR), c’est: "Dis-lui qu’il y avait pénalty" (sur Jonathan Rowe, NDLR). En signalant la surface de réparation.

>>> Les images des tensions de fin de match

JEAN-LOUIS TOURRE. Avec le doigt pointé, ce que les arbitres ont pris pour une agression…

Ok, mais alors ça doit être pareil des deux côtés. Je ne vais pas mal parler d’Olivier Létang, qui est une personne que je respecte énormément, avec qui j’ai une très bonne relation, mais ça m’étonne que la réalité ne soit pas la même dans les deux cas. C’est très facile d’aller contre l’Olympique de Marseille quand il y a une polémique, des tensions… Et c’est quelque chose que je ne vais pas laisser passer.

JR. Est-ce qu’il y a quand même une évolution dans les discussions avec le corps arbitral ? Ils vous disent quoi, les arbitres ? Ils reconnaissent leurs erreurs ?

Je veux distinguer deux choses différentes: d'un côté le match et les moments pendant le match, et l’autre c’est la DTA (direction technique de l'arbitrage) et toutes les choses après. J’aime beaucoup la transparence de la DTA, et les communiqués qu’ils font maintenant à chaque début de semaine. C’est important pour tout le monde, et c’est juste de reconnaître les erreurs. Le monde de l’arbitrage est un monde très compliqué. Si je parle du match hier, je n’ai pas du tout envie de me mettre dans la peau d’un arbitre qui doit arbitrer sans la VAR alors qu’il y est habitué. Je suis humain, et je comprends aussi les difficultés vis-à-vis des arbitres.

JR. Hier, vous aviez soi-disant l’un des meilleurs arbitres du monde qui officiait. Lui ne devrait pas avoir besoin de la VAR, non ?

Je crois que c’est une habitude. Quand tu es habitué à arbitrer d’une certaine façon, que tu sais que tu as toujours la VAR pour changer (une décision, NDLR)… C’est plus compliqué pour l’arbitre de touche avec les hors-jeu, pour la prise de décision ça va beaucoup plus vite… C’est différent. Mais ce que je ne comprends pas, et je le dis depuis toujours, c’est le manque de cohérence. À Rennes il y a deux situations pareilles, une main dans une position naturelle, il y a des discussions, visionnage de VAR. Mais pourquoi la main est jugée dans une position non-naturelle d’un côté et pas de l’autre. Quelle est la différence ?

JR. Ce sont toujours les mêmes erreurs contre vous, Pablo…

Je ne vais pas ici me victimiser, dire "c’est toujours contre l’OM". Ce que je demande, c’est plus de cohérence, vis-à-vis de tout le monde. Et dans notre cas particulier, on se sent spécialement visés. Je ne sais pas si c’est à cause de nos déclarations en début de saison, ou parce qu’on a une position forte, parce qu’on est une équipe qui cherche à mettre la pression à très haut niveau… Pour moi ça fait partie du football, contrôler les petits détails, jouer avec le football.... Ici à l’OM on est tous passés par l’Italie et on cherche des joueurs avec ces actions hors football, ça nous fait plaisir et ça fait partie du football. Je ne sais pas si c’est à cause de ça. Mais ce que je disais précédemment, c’est que c’est bien que la DTA cherche de la transparence avec ses communiqués. Mais une autre chose, c’est les comportements pendant le match, les petites actions, comment tu te sens traité… La manière dont je me sens traité ici par les arbitres, c’est totalement différent de comment je me sentais traité en Espagne, ou en Italie.

JR. Vous pouvez donner des exemples ?

J’ai travaillé pratiquement trois saisons en Espagne, j’ai eu un problème avec un seul arbitre qui m’avait très mal parlé, et on avait résolu ça avec le dialogue. Mais ici il n’y a pas de dialogue, on ne se met pas dans la position de l’autre, c’est toujours une situation où l’arbitre exerce son autorité de manière véhémente, très autoritaire, et ne cherche pas le dialogue avec les joueurs, les dirigeants. Nous sommes tous acteurs du jeu, on a besoin de tout le monde, il faut une coopération. Mais pour cela il faut que les deux parties coopèrent. Sur le match d’hier, il y a un but à la dernière minute, avec des émotions à 100% pour les deux équipes, et tous les acteurs. Est-ce que ce ne serait pas plus intelligent à ce moment-là de dire "tranquille", de calmer tout le monde ? Pourquoi créer de l’agitation ? Pourquoi sortir un carton rouge à 50m pour expulser un dirigeant qui n’est même pas sur la feuille de match ?

JR. On a vu hier la réaction d’Olivier Létang, malin dans les instances, dans les discours… Est-ce qu’il n’y a pas un délit de sale gueule avec Medhi Benatia ?

Je ne vais pas rentrer là-dedans. Moi ce que je dis en privé, je le dis en public. Je n’ai aucun problème avec ça. L’OM n’est pas un club qui demande des sanctions pour les autres, c’est pour moi irrespectueux. J’ai déjà beaucoup à faire avec mon club, je ne vais pas demander pour les autres. La deuxième question sur Medhi, je ne vais pas dire si c’est un délit de sale gueule ou non, je peux avoir mon avis, mais je vous laisse débattre.

JLT. Lui a ce sentiment…

Écoutez, il y a un narratif autour de Medhi ces dernières semaines que je n’aime pas et que je tiens à condamner. Vous avez vu notre communiqué lundi dans lequel on dénonce des propos (prononcés sur RTL, NDLR) sur un dirigeant "sulfureux", un club qui fait des "menaces", dans lequel on parle de méthodes pour déstabiliser les joueurs… Tout est permis. Ce n’est malheureusement pas la première fois qu’on vit cette situation cette saison. Je dois défendre l’institution, je dois défendre mes collaborateurs. Et je ne peux pas permettre qu’un collaborateur soit traité différemment des autres dirigeants. Je le dis pour moi-même aussi. J’ai été sanctionné cette saison pour avoir dit à l’arbitre: "Tu ne supportes pas la pression, my friend". L’arbitre a dit que j’ai été menaçant. On a identifié en parallèle cinq ou six situations (avec d’autres dirigeants, NDLR) où il a été dit que l’arbitre n’a pas été impartial, orienté pour un certain club… Et on est l’unique équipe à avoir été sanctionnée par la commission de discipline. Le traitement n’est pas le même pour tous.

JLT. N’y a-t-il pas un problème, tout de même, pour l’image du foot, de voir des dirigeants descendre sur la pelouse et mettre la pression sur les arbitres ? Ne faudrait-il pas interdire aux dirigeants de descendre sur la pelouse ?

C’est un sujet d’actualité. Mon coach Roberto a parlé de ça hier. Je vous donne mon point de vue. Il y a différentes catégories dans un club: président, directeur sportif… Le directeur sportif normalement, en Allemagne ou en Italie, se trouve sur le banc de touche. Pourquoi? Parce qu’il a un message complètement différent du coach. Hier Medhi a d’ailleurs tenté de calmer le coach. On le voit dans beaucoup de championnats…

JR. Jean-Louis parlait surtout des présidents, je pense… Les présidents n’ont pas à venir…

Je ne suis pas irréprochable en tribunes, je crie, tout le monde le sait, je ne suis pas exemplaire et je l’admets. Mais je ne descends jamais sur le terrain, je descends seulement dans le tunnel féliciter et saluer mes joueurs à la fin du match. Je ne descends jamais avant, ou à la mi-temps. Je vais seulement au vestiaire en fin de match. Sauf quelquefois ou tu croises l’arbitre, il vient te saluer, tu lui dis deux-trois choses, c’est normal… Mais en Espagne, un président reste en tribune jusqu’à la dernière minute du match parce que tu dois représenter ton club. Pour moi, c’est la normalité.

JR. Vous parlez des présidents, ok pas de problème, ils n’ont rien à faire au bord du terrain… Mais en France je ne vois pas le président du PSG descendre au bord du terrain, ni le président de Lens, ou de Brest… Il n’y en a qu’un qui le fait systématiquement, c’est Olivier Létang.

Je ne peux pas juger ce que font les autres, chacun dirige son club comme il le veut. Mais pour moi il y a une question : comment un dirigeant d’un club peut se comporter ? Je crois sincèrement en la division entre la partie sportive et la partie institutionnelle. Les présidents devraient être plus sur l’institutionnel.

JR. J’ai quand même l’impression que c’est mal vu, par les instances en France, que certains anciens joueurs essaient de s’impliquer. On l’a vu avec Medhi, mais aussi Juninho (OL) ou Leonardo (PSG). J’ai l’impression qu’on les empêche de mettre en place quelque chose…

Je crois que la fonction de directeur sportif n’est pas normalisée en France, dans son rôle. Le directeur sportif, ce n’est pas que le mec qui recrute des joueurs pendant le mercato, et on voit s’il fait des miracles ou pas. Ce sont aussi des gens qui interviennent au quotidien avec les joueurs. C’est normal qu’un directeur sportif cherche à créer une dynamique de groupe à la fin d’un match. C’est normal qu’il soit impliqué avec son groupe. C’est une question de conception du rôle. Je vous donne un exemple: la France est l’unique pays où à la fédération, il n’y a pas le titre officiel de directeur sportif dans la formation.

JLT. Des images choquantes de bagarres en tribunes entre groupes de supporters de l’OM ont circulé. Est-ce que vous allez lancer une enquête en interne, pour savoir comment on en est arrivé là, et pour que ça ne se reproduise plus ?

Ce ne sont pas des images que l’on aime voir dans un stade, et oui j’ai demandé à mes collaborateurs de faire une enquête pour savoir ce qu’il s’est passé. La thématique des supporters est pour moi un sujet très important, très sensible, dans le sens où j’aime que tout le monde puisse se sentir en sécurité au stade. De la même manière que j’aime voir les supporters se déplacer à l’extérieur, quelque chose qui nous manque dans ce championnat. Mais oui, c’est normal que comme club, on doit analyser ce qu’il s’est passé.

JR. On a fait lundi, et vous avez dû l’entendre, une interview de John Textor qui a fait beaucoup de bruit, qui essaye de faire bouger les choses dans le football français. Je sais que vous avez aussi beaucoup d’idées pour le football français et très bientôt on va faire une émission spéciale là-dessus afin d’essayer de lancer des idées pour le sauver. Est-ce que vous êtes d’accord avec lui quand il parle du PSG, ou du moins de la Ligue 1, qui est trop dépendante du Paris Saint-Germain? 

Tout d’abord, je serais très content de participer à cette émission pour donner quelques idées sur comment améliorer notre produit. Complètement. Deuxième chose, si on peut commenter un peu l’interview de John Textor, au moins avec la vision que j’ai comme président... Il y a des choses que dit John où il a raison. Pour moi c’est normal d’admettre qu’il y a eu des erreurs dans la négociation commerciale des droits télévisuels du championnat français. Je crois que tout le monde en est conscient et subit aujourd’hui les conséquences de ce processus. Et je crois que tout le monde cherche à améliorer le produit. Par contre, pour moi toujours, il y a une question d’effort. Et, depuis que je suis dirigeant et c’est quelque chose d’important, il faut toujours respecter les codes du football. Et ce n’est pas possible de manquer de respect à des confrères et des homologues. Tu peux faire passer tes messages, être d’accord avec des choses et ne pas être d’accord avec d’autres choses. Mais toujours dans le respect. Ce que je ne cautionne pas, c’est ce manque de respect et ce manque des codes du football dans les comportements, dans les instances et vis-à-vis de tes confrères.

Le championnat est très dépendant du Paris Saint-Germain? Non, la situation est telle qu’elle est. C’est à nous aussi, le reste des clubs, à chercher à nous adapter dans la compétitivité. C’est à nous de chercher à faire du mieux possible. Ce que je demande seulement, c’est des règlementations beaucoup plus cohérentes. Et ça c’est quelque chose que je dis beaucoup en privé, dans les instances, c’est qu’on change la règlementation sur l’inscription des joueurs. Je suis très favorable à avoir un contrôle économique comme il y a en ce moment en Espagne. Vous avez un peu suivi la question de Barcelone (sur le cas Dani Olmo, NDLR) et pour moi, que tout le monde puisse jouer avec les mêmes conditions de jeu et avec les mêmes règles, c’est quelque chose de nécessaire. C’est pour ça aussi que je ne considère pas que Lyon soit l’équipe la mieux placée pour parler d’équité après l’inscription ce mercredi et l’officialisation du prêt de Thiago Almada. Ça pose beaucoup de questions sur la multipropriété, sur comment contourner les lois. Je crois qu’il y a maintenant un vide juridique très important sur l’inscription des joueurs et particulièrement avec les interdictions de recrutement. Mais la question de la multipropriété est une question majeure qu’on doit se poser pour protéger le système et qu’on puisse jouer, tous les clubs, avec les mêmes règles.

JR. Ça me rassure Pablo, à vous entendre on n’est donc pas dépendant du Qatar. Et ça ne va pas vous empêcher, dans ce que vous construisez à l’Olympique de Marseille, de viser le titre. Et pourquoi pas l’année prochaine…

On doit chercher à être ambitieux et on doit chercher à faire de notre mieux. On est concentrés sur nous-mêmes. On doit chercher à construire ce beau projet qu’on est en train de construire et je crois qu’on a amélioré beaucoup sur les jeunes dans les deux derniers mois. On a un super coach, on a une très bonne équipe, j’aime beaucoup les joueurs qu’on a et le groupe qui est en train de se créer. Donc on doit se concentrer sur nous-mêmes, chercher la satisfaction et toujours travailler avec de l’ambition.

JR. Pablo, merci encore. Et en plus vous avez oublié, mais je sais que vous vouliez que ce soit moi qui le dise: vous avez aussi un des meilleurs directeurs sportifs de France…

Je le considère comme l’un des meilleurs. Pas seulement en France mais aussi en Europe. (...) Avec un petit commentaire, c’est aussi ça la force de savoir s’entourer avec des personnes comme Medhi Benatia ou Fabrizio Ravanelli.

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