Le journal de bord de RMC Sport au Mondial: au coeur de la Coupe du monde des "ligaments croisés, tu connais"

Carnet de bord: la Coupe du monde des "ligaments croisées, tu connais" (la FIFA Fans' Cup) - RMC Sport
Depuis mon arrivée à Doha, je suis l'homme des premières fois. J'ai été le premier à sortir de l'avion lors de l'arrivée de l'équipe de RMC à Doha le vendredi 18 novembre (pas une raison d'en être fier). Premier. Toujours. Lorsqu'il fallait se présenter à l'inauguration de la FIFA Fan Festival le 19 novembre dernier : reportage oblige. Et là, en ce 29 novembre, j'ai assisté à la première FIFA Fans' Cup de l'Histoire.
Pour la première fois dans l'Histoire de la Coupe du monde, la FIFA a organisé une compétition pour les supporters. Et celle-ci est similaire à celle des footballeurs professionnels. Même mécanique : des phases de poules avec 32 nations et un tableau final. Pour ce qui est du mini rectangle vert, on part sur deux périodes de huit minutes et cinq joueurs par équipe, gardien de but compris.

Imaginez mon état lorsque j'ai appris l'existence de ce Mondial. Le cœur s'est mis à battre très vite et le regard s'est orienté vers ma valise. Est-ce que j'ai ramené avec moi une paire de basket pour pouvoir défendre les couleurs de la France ? Oui. Est-ce que je suis en capacité de jouer pour les Bleus ? Non. Une récente opération d'une rupture des ligaments croisés me ramène à ma condition de reporter. Des ligaments croisés qui vont me suivre tout au long de la journée.
Une fois la déception encaissée (il m'a fallu un sandwich chawarma poulet), j'ai pris la direction d'Al Bidda Park pour assister à cette grande première. Il m'a fallu 38 minutes de métro, 17 de marche et deux questions avec mon anglais approximatif pour atteindre le terrain hôte de ce Mondial.
13h. Les équipes sont au rendez-vous. Je vois des drapeaux de toutes les nations participantes. Je me faufile, je cherche les Bleus. Au détour d'un virage, je croise le gardien de but de la Tunisie. Je repense à toutes les vacances d'été à Bizerte, terre natale de mes parents dans le nord du pays. Ma binationalité fait de moi un schizophrène. J'ai envie de porter leur maillot à eux aussi mais mes genoux me ramènent à ma réalité. Tant pis. Je lâche un bref "vous êtes chauds les gars ?" qui trouve pour réponse un "inchallah on joue, nous ne sommes que trois". Apparemment, entre les fans et les professionnels, il n'y a qu'un pas.
J'avance, je vois au loin les Bleus, en marine, et c'est sûrement la première fois de ma vie que je rejoins les Bleus Marine. Ils sont là, prêts, habillés d'une magnifique tunique bleue digne de ce qu'on peut trouver dans un marché. Il ne faut pas abuser, on n'allait tout de même pas leur offrir les vrais maillots.
Maillot bleu, donc, short blanc et des genouillères. Car oui, nos ambassadeurs sont pour beaucoup des "les ligaments croisés, tu connais".
Mais qui sont-ils ?
Des amis venus partager un énième moment ensemble. Ils sont ingénieurs, boulanger ou même entrepreneur. Ils sont venus de France pour l'occasion ou sont expatriés à Doha. Ils s'appellent Aminn, Racann, Mat, Landry, Farès, Flo, Dardan et Nouri.
Vous l'avez lu entre les lignes, ils ne sont pas footballeurs au sens large du terme, à quelques exceptions près.
Ils se sont inscrits par l'intermédiaire du capitaine-sélectionneur-animateur-intendant-dirigeant-assistante sociale du groupe : Isma. Isma, surnommé par le verlan "Didier Gé-chan" en hommage à Didier Deschamps est le leader sur et en dehors du terrain. Même s'il avance que la priorité est de passer un moment convivial, je l'ai bien vu crier deux, trois fois à la suite d'un repli défensif oublié.


13h45. Les médias sont de plus en plus nombreux. Une foule se déplace vers le centre du terrain. J'arrête ma discussion avec l'équipe de France et je suis le mouvement. L'ancienne gloire du football anglais, Rio Ferdinand, est venue saluer les fans. A coup de "Sorry, please", j'arrive jusqu'à Ferdinand et je lui demande si ça l'intéresserait de jouer pour les Bleus, même en attaque. Poli, courtois, il me montre, avec un sourire sa paire de basket qui doit valoir deux fois mon salaire. Le message est passé, je ne ferai pas de note de frais pour lui.

Dans la foulée de cet échange furtif, je me rends compte que la FIFA et l'organisation qatarienne de la coupe du monde ont mis les gros moyens pour cette exhibition. Les ambassadeurs du Comité d'organisation ont envoyé leurs "légendes" pour lancer le début des festivités. Cafu, Xavi et Ronald De Boer viennent au contact des joueurs. Je vis un rêve. Je ne suis qu'à un ligament de Xavi, idole de ma jeunesse. Je n'ai qu'une envie: lui dire à quel point je connais toutes les passes qu'il a pu faire. Je prends mes genoux à deux mains et je m'approche avant qu'un membre de la sécurité m'inflige une protection de balle que je n'ai pas pu assumer. Je reviendrai à la charge, un jour, quand j'aurais récupéré mon gainage.
14h. Je sens que la pression monte sur le visage de nos joueurs français. Aminn a perdu le sourire qui le caractérise, Racann prie et Dardan, présenté comme le plus doué, a disparu depuis 15 minutes. Ne vous en faites pas, personne n'est allé aux toilettes après lui. Au retour de son voyage en terre très connu, j'ai senti un homme libre, prêt à en découdre. Dans 30 minutes, l'entrée en lice de nos champions et, dès l'échauffement, je comprends bien vite qu'on a plus affaire à des Guendouzi qu'à des Mbappé. Ça fera l'affaire face à l'Australie, j'en suis sûr. Le temps de la causerie est venu. Isma prend ses responsabilités. Accroupi en mode toilette turc (sûrement un clin d'œil à Dardan), Isma rend hommage à Pierre de Coubertin. Dans le texte : "On est une bande de potes, on est là pour s'amuser, on a la chance d'être là, on gardera ces souvenirs à vie.” Non, Isma. Les Îles Féroé peuvent parler ainsi, pas la France.
14h30. Plus de blagues. Les genouillères sont "on the pitch". Sur le côté, il y a Michel, supporter de l'équipe de France (la vraie) depuis plus de 30 ans. Il y a aussi Jena, fiancée d'Isma qui lui sert à mi-temps de camérawoman. Si j'ai bien compris, il y a un vlog en préparation.
Les arbitres officiels qui ont bien fait d'être arbitres (je les ai vus s'échauffer) donnent le coup d'envoi. Et la France prend le dessus, même si le score reste nul et vierge à la pause, 0-0. Les stats sont bluffantes. En huit minutes, les Bleus ont tiré 254 fois et les Australiens ont franchi le milieu de terrain une fois.
C'est en deuxième période et avec l'entrée en jeu d'Isma que les choses se décantent. On voit de belles combinaisons, Isma pour Dardan qui lance Racann qui bute face au gardien australien. Nouri et Landry permettent à notre équipe de France de remporter ce match 2-0. En zone mixte, je retrouve des gars soulagés avec le sentiment du devoir accompli. Dardan n'est pas retourné aux toilettes, ce qui est sûrement bon signe pour le reste de la compétition.
Aujourd'hui ils ne joueront qu'un seul match ce qui n'est pas plus mal pour les genoux abîmés. Après les avoir félicités, je quitte cette Dream Team de copains.
On dit souvent qu'on n'oublie jamais les premières fois.
Moi, je n'oublierai pas cette première Coupe du monde des supporters et eux aussi je pense... Car une chose est sûre... Ils ne la gagneront pas mais on les aime quand même.