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Carnet de bord de la Coupe du monde: Prêcher dans le désert

Le match d'ouverture de la Coupe du monde 2022

Le match d'ouverture de la Coupe du monde 2022 - RMC SPORT

Tous les jours, les envoyés spéciaux de RMC vous font vivre de l'intérieur une Coupe du monde qui ne ressemble à aucune autre.

Le Stade Al Bayt (68 000 places) est situé à 50 kilomètres du centre de Doha. En plein désert. Endroit d’exception pour un match d’ouverture pour la première Coupe du monde au Moyen-Orient. Pour s’y rentre, afin de contourner les embouteillages de 4X4 noirs, il est conseillé d’opter pour le métro jusqu’à Lusail City puis prendre un Uber, si vous en trouvez un, ou une ballade 6 heures à pied, selon Waze. Il faut aimer le football pour s’y rendre.

Dimanche soir, les 66.000 spectateurs ont accepté le défi "Al Bayt", enceinte flambante neuve, inaugurée voici un an. Albert Speer (le fils de l'architecte du nazisme du même nom), son architecte allemand l’a conçue comme une grande tente bédouine ocre et or. Cet urbaniste a cru bon d’y ajouter la climatisation à 18° à hauteur de genoux et de cous dénudés. En Ghutra et Thawb, tenues traditionnelles blanches, les Qataris ont pris un sacré coup de froid, et pas seulement par la tournure du match outrageusement dominé par l’Equateur.

Douze ans d'efforts et des milliards s'évaporent dans les gros tuyaux de la climatisation

Dès lors, dès la 30e minute, un ballet de départs et de retours en tribune a donné l’impression d’un piètre match délaissé par des spectateurs indifférents. Les fans venus d’Equateur, eux, ont continué de chanter, pour braver le froid polaire. Ils ont même initié une "Ola" suivi par une poignée d’individus. Tristesse. Douze ans d’efforts pour s’offrir une réputation mondiale, des milliards investis pour légender l’histoire d’un petit pays de pêcheurs, des mois de combats contre les a priori et polémique s’évaporent dans les gros tuyaux de la climatisation.

Un pied de nez écologique inattendu dans un désert devenu centre du monde. Il était temps de reprendre notre Uber comme tout le monde en partant 20 minutes avant le coup de sifflet final, histoire d’éviter l’interminable serpentin des 4X4 noirs qui ramène à Doha. Il serait facile de juger cette journée hors du temps. De se moquer, de donner des leçons de morale. On laissera les Cassandre faire leur œuvre. El Bayt Stadium dit simplement beaucoup de son époque.

Par Karim Nedjari