Crash de Chapecoense: Le Brésil en plein cauchemar

Étrangement, le ciel de Rio de Janeiro s’est drapé de gris dès le petit matin de ce mardi 29 novembre. Un ciel inhabituellement bas, à l’unisson de l’ambiance pesante qui planait sur la « Ville Merveilleuse ».
La petite cité de Chapecó dans l’état de Santa Catarina, à quelque 1300 km au sud-ouest de Rio, n’est pourtant pas la porte à côté. Mais ici comme ailleurs dans ce pays-continent, tout le monde s’était entiché de ce club à échelle humaine, sans fard ni stars, aux antipodes du rutilant Flamengo local ou du puissant Corinthians de São Paulo. Cette sorte de Guingamp à la brésilienne avait forcé le respect en se hissant jusqu’à la finale de la Coupe Sudamericana (équivalent de la Ligue Europa), dont il devait disputer le match aller ce mercredi, contre les Colombiens de l’Atletico Nacional.
Les mines sont graves devant le « cafezinho », ce petit noir que l’on avale dès potron-minet dans les innombrables « lanchonete » de la mégapole carioca. Les yeux restent rivés sur les écrans TV qui passent en boucle les dernières images postées par le défenseur Felipe Machado, à Santa Cruz de la Sierra, en Bolivie… On y voit les joueurs de Chapecoense s’encourager mutuellement : « Ça part de là, on y est ! On va gagner pour vous ! » Ce devait être la dernière escale avant Medellin.
Tous les programmes sont bousculés et le célèbre commentateur sportif Galvão Bueno ouvre le direct qui va durer toute la journée sur l’incontournable TV Globo. « Mes chers amis, je ne peux me résoudre à vous dire bonjour. Car ce n’est un bon jour pour personne… C’est plutôt un très mauvais jour », commence l’icône médiatique, les yeux embués de larmes.
L’entraîneur avait la phobie de l’avion
Des larmes qui vont couler tout au long de la journée, de Rio à Salvador, de São Paulo à Brasilia. Avec toujours la même petite musique… « Ils étaient de véritables héros, aussi bien dans leur ville, où ils étaient restés très proches des habitants, que dans tout le pays, qui s’était passionné pour leur épopée dans cette épreuve internationale, sanglote la journaliste du quotidien O Dia, Marcia Vieira, qui a perdu de nombreux confrères et amis dans cet accident. C’était une équipe de jeunes, modestes, admirés pour leur courage et leur enthousiasme… La symbolique ajoute à la dramaturgie. On ressent à la fois de la tristesse et une douleur profonde. »
Cette équipe était soudée autour de son généreux entraîneur, le très respecté Caio Junior, 51 ans. Lui qui ne pouvait monter dans un avion sans éprouver une certaine appréhension, à la limite de la phobie. « Il arrivait à l’apogée de sa carrière, cette finale devait être un moment spécial, l’aboutissement de plusieurs années de travail », se lamente Jairzinho, le Champion du monde 70 qui a bien connu le coach quand celui-ci officiait à Rio, au club de Botafogo.
« Nous, journalistes, avons souvent nommé de ‘tragédie’ les défaites marquantes de notre histoire, comme en 1950 (finale de Coupe du monde perdue contre l’Uruguay 2-1) ou en 2014 (demi-finale de Coupe du monde perdue 7-1 face à l’Allemagne), rappelle Marcia Vieira. Je réalise à quel point ce terme était galvaudé… Aujourd’hui, il reprend tout son sens. »