Les confidences d'Amandine Henry, de retour en équipe de France et prête à "mourir sur le terrain" pour Hervé Renard

Amandine Henry, c'est le grand retour. Comment vous êtes-vous sentie en descendant de la voiture à votre arrivée?
Beaucoup d'émotion forcément. Cela faisait presque trois ans que je n'étais pas revenue, j'ai beaucoup de souvenirs. Je me dis 'ça y est, on y est', à moi de saisir cette chance.
Sur une échelle de 1 à 10, comment évaluez-vous le manque que vous avez ressenti durant ces trois ans sans équipe de France?
10! Forcément, c'est le rêve de petite fille. L'équipe de France, c'est ce qui te fait vibrer, c'est aussi ce qui met l'étincelle dans ta carrière, ça m'avait manqué.
A partir du moment où Hervé Renard a été nommé sélectionneur, vous êtes-vous dit que vous aviez une chance de revenir?
Oui. Je me suis dit... waouh. Tout a basculé. Je m'étais résignée à ne plus porter ce maillot. Et je me suis dit que peut-être il y avait une lueur d'espoir. Tu te dis 'allez, mets-toi au boulot et fais en sorte de pouvoir être sur cette liste et d'avoir cette chance'.
Comment vous a-t-il redonné cette flamme?
Juste quand il t'appelle. Il ne t'appelle pas pour rien, forcément, ce n'est pas pour demander comment ça va. Je n'avais pas son numéro, il m'a envoyé un message me demandant si on pouvait avoir une conversation donc je l'ai eu par téléphone. Quand le coach t'appelle, il y a forcément une chance. A toi de la saisir. A partir de ce moment là, on a échangé sur ma situation, sur mes envies et sur ses attentes. Et cela s'est très bien passé.
Il concerne tout le monde...
Oui il arrive à concerner tout le monde et c'est une grande qualité. Ce n'est pas toujours facile. On a eu des blessées, des joueuses pas retenues... c'est clairement un groupe France parce que ça va très vite.
Quand il vous a accueillie au château, il vous a dit 'tu étais là avant moi!'...
Oui c'est marrant, il te met un coup de pression et après il te dit 't'inquiète, tu étais là avant moi!' (rires). Il joue là dessus et ça te met à l'aise.
Arrivez-vous revancharde?
Non, je n'aime pas ce mot. C'est négatif. Je suis là pour m'éclater, donner le meilleur de moi-même, aider l'équipe à aller le plus loin possible. Et pour moi, de kiffer tout simplement.
En évoquant votre statut, Hervé Renard a dit 'c'est une joueuse cadre'. On a le sentiment que nous n'avez jamais perdu cette âme de joueuse cadre...
Quand tu es rappelée, tu as forcément un manque de confiance. Et que le coach dise ça, c'est une grande marque de confiance. Je pars de loin quand même. Quand je revois les deux ou trois années précédentes, je me dis que je n'étais plus rien et au final, je me retrouve cadre. A moi de saisir cette chance et d'aider l'équipe au mieux, sur le terrain, en dehors, à l'entraînement, en compétition. C'est une responsabilité et c'est ce qui me met en confiance.
Et vous avez bien travaillé pour cette compétition...
Ah j'ai bien bossé! Individuellement j'ai bien travaillé. On a encore un mois de préparation. C'est encore loin mais ça va aller très vite. Je vais me donner à fond, c'est sûr. Je suis dans l'optique de savourer. Quand ça t'a manqué... rien que de faire un circuit de passes, je kiffe. Même ça. Retrouver l'ambiance du château... rien que quand on m'a remis la dotation, tu reviens comme à ta première sélection. Ce sont des saveurs que tu n'avais pas forcément perdues mais c'était devenu une habitude. Là, tu savoures encore plus.
Revancharde non, mais vous avez l'envie d'apporter quelque chose au collectif...
L'objectif est de dépasser les quarts de finale, c'est clair. Il faut qu'on progresse, qu'on apporte quelque chose. Et j'ai l'intime conviction que si on passe ça, on va au bout.
Hervé Renard a apporté beaucoup aux joueurs, dans son expérience de sélectionneur, en les aidant à se dépasser mais il découvre le football féminin. Avez-vous le sentiment qu'il vous passe le même message?
Chez les hommes comme chez les femmes, on parle foot. Le surpassement de soi, que ce soit hommes ou femmes, il est le même. Il va nous apporter cette chose mentale qui nous manquait pour avoir le déclic, pour aller le plus loin possible. Même si ça ne fonctionne pas, il va nous faire progresser quoi qu'il arrive. C'est un meneur d'hommes, qui va te faire évoluer en tant que sportif et en tant que personne. A nous de nous transcender. La confiance qu'il nous accorde, à nous de lui rendre.
On a le sentiment qu'à chaque entraînement, vous savez où vous allez...
Exactement. Et ça nous aide parce qu'on a juste à s'occuper de nous et à être performante. On est dans notre bulle, on a juste à gérer notre corps et notre football. Donc ça nous aide vraiment.
Plusieurs joueuses ont dit qu'elles avaient presque envie de mourir sur le terrain pour le sélectionneur. Des phrases qu'on entendait pas...
Oui, j'ai eu des coachs pour lesquels j'avais envie de mourir sur le terrain. Déjà, rien qu'au premier appel, j'avais déjà envie de reporter le maillot, d'aller sur le terrain et d'aller à cette Coupe du monde. Cela ne s'explique pas, c'est le feeling et la confiance qu'il te donne. Quand un coach te donne sa confiance, c'est énorme. C'est à toi de mourir sur le terrain pour lui. A toi de faire le taf.
Vous projetez-vous encore un peu plus loin et aux Jeux de Paris 2024?
Qui ne pense pas à jouer des JO en France? (sourire) Forcément j'y pense mais je me dis que j'ai déjà envie de savourer cette Coupe du monde, cette prépa, de me sentir bien dans mon corps, de retrouver mes sensations, de me retrouver, de retrouver l'équipe et d'aller le plus loin possible dans cette Coupe du monde. Après, les JO, j'aurai le temps d'y penser. Mais c'est sûr que ça reste dans un coin de la tête.
On a l'impression que l'équipe de France arrive à pas feutrés: n'est-ce pas mieux finalement?
C'est mieux d'arriver outsider que favori. Tu as l'impression qu'on t'attend moins, tu as peut-être moins de pression. Les autres équipes vont peut-être se dire qu'il manque pas mal de joueuses et que ce sera plus facile... alors que non. Nous, on est en train de se préparer toutes ensemble, d'avoir une bonne cohésion d'équipe sur et en dehors du terrain. C'est aussi ce qui va faire notre force. Ces absentes vont nous donner cette force. Elles méritaient aussi d'être là. On a cette chance de pouvoir courir pour elles. On va mouiller le maillot pour ça.
Avant, on parlait beaucoup du titre. Là, on sent que vous partez dans un projet global...
Tu ne peux pas arriver et dire qu'il faut gagner. Forcément tu y vas pour gagner. Mais déjà, on n'a pas été en demie... gagner une médaille, on a jamais fait ça. Il faut y aller par étapes. Il faut du temps, ne pas mettre cette pression de trophée absolument. Déjà, être performantes toutes ensemble, au bon moment. C'est aussi ce qui va faire cette force.
Dans le secteur offensif, plusieurs joueuses sont absentes... est-ce dans ce secteur qu'il va falloir le plus travailler?
Non franchement, c'est dans tous les domaines qu'il va falloir le plus bosser. C'est fini, les attaquantes qui marquent tous les buts. C'est Wendie (Renard) qui va nous sortir un but de la tête. Tout le monde doit prendre ses responsabilités et tout le monde est capable de marquer. Il ne faut pas dire qu'il nous manque cette joueuse ou que ça nous serve d'excuse. Il y a des joueuses qui sont là, elles sont offensives et vont donner le maximum. Au milieu, on va faire notre possible pour leur donner les meilleurs ballons, bien défendre. Défenseures et gardienne pareil... c'es un groupe.
Avec votre retour, on retrouve des images...
Ah oui, ça c'était le plus beau but (elle regarde un écran tendu ndlr): celui contre le Mexique en 2015. Cela restera gravé dans ma méloire. Déjà cela restera un beau but. C'est rare de pouvoir marquer de tels buts avec les Bleues. Beaucoup d'émotions et j'espère en marquer d'autres!
Le dernier, c'était la finale de Ligue des champions 2022 avec cette frappe extraordinaire... On aurait pu penser qu'elle vous aurait permis de revenir en équipe de France.
Moi aussi j'y ai pensé ! (elle éclate de rire ndlr) Ces frappes, tu peux les travailler mais tu la frappes dix fois, elle part neuf fois en tribune. Ce sont des moments qui n'arrivent pas souvent dans ta carrière, tu peux les compter sur les doigts d'une main. C'était mon moment de grâce. J'espère qu'il y en aura d'autres. On attend toujours la position idéale, on se dit qu'il y a peut-être une joueuse mieux placée, que c'est loin, qu'on ne va pas y arriver. Là, j'ai taclé et je me suis dit 'tente, c'est une finale, on ne va pas te le reprocher'. C'est comme ça que je me suis lâchée et ça a fonctionné.
Quand on vous rappelle en équipe de France, on pense à quel scénario?
Vous voulez mon film? Alors on est en finale de Coupe du monde... (rires) Tout le monde a envie d'avoir son petit moment de gloire mais collectivement, ce serait la plus belle récompense: qu'on aille le plus loin possible, qu'on se regarde toutes en se disant qu'on a donné le maximum, qu'on n'a rien à regretter et qu'on peut être fières de nous.
Hervé Renard a pris des positions fortes sur la diffusion télévisée, sur les droits de la D1 féminine, sur la Ligue professionnelle... n'est-ce pas l'ambassadeur qu'il manquait?
Ça c'est un coach! On a besoin d'un coach comme ça, qui nous aide à évoluer, pas qu'en équipe de France. Le football féminin français a besoin d'une évolution, forcément. On s'est fait rattraper par plusieurs pays et il faut faire bouger les choses. Et ça passe par le coach. Il a le droit. Il arrive aussi avec un palmarès. On a juste à respecter ce qu'il dit. Il est légitime pour parler.